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Égypte : second printemps ou coup d'État?

Égypte : second printemps ou coup d'État?

Deux ans après le printemps arabe, les manifestants sont de retour dans la rue en Égypte. Mais cette fois, ils réclament le départ d'un président élu démocratiquement. Que se trame-t-il derrière ces rassemblements monstres?

Un texte de Dominique Scali

Pour le politologue de l'Université de Sherbrooke Sami Aoun, ces manifestations devraient être vues comme une sonnette d'alarme.

La population se révolte notamment contre l'emprise sur l'État qu'exercent les Frères musulmans, le parti du président. « Elle a le sentiment qu'il y a une surdose d'islamisation de la société et de l'État égyptiens », explique le spécialiste du Moyen-Orient sur les ondes de RDI.

Mohamed Morsi a été élu président il y a un peu plus d'un an, le 25 juin 2012, mais déjà, « les Frères musulmans sont en train de recycler une certaine dictature, un certain autoritarisme », juge M. Aoun. C'était justement pour dénoncer ce genre de comportement que le peuple était descendu dans la rue en 2011, ajoute-t-il.

On observe que « des franges et des lieux en Égypte qui n'ont jamais été des contestataires auparavant [...] se révoltent aujourd'hui ». Selon M. Aoun, c'est le signe d'une « crise en profondeur ».

Les ficelles de l'ancien régime

« Derrière le mouvement authentique des libéraux et jeunes laïques [...], il y a aussi des éléments de l'ancien régime, de l'armée, de la police », souligne François Brousseau, chroniqueur en information internationale, sur les ondes de RDI.

Pour M. Brousseau, le rassemblement de dimanche a assurément été aussi gros, sinon plus, que ceux qui ont eu cours en janvier et février 2011 pour forcer l'ancien président Hosni Moubarak à quitter le pouvoir. Cependant, le chiffre de 14 millions de manifestants avancé par l'armée est clairement démesuré.

Si les grandes manifestations de janvier-février 2011 ont rassemblé de 200 000 à 400 000 personnes, les protestations de dimanche en ont peut-être rassemblé 500 000, évalue M. Brousseau. En gonflant le chiffre de la révolte anti-Morsi, l'armée montre qu'elle n'est pas neutre.

Le jeu de l'ancien régime se révèle aussi dans le refus de la police de protéger le quartier général des Frères musulmans, qui a été saccagé lundi. La police aurait même fait circuler un message interdisant, sous menace de mort, d'intervenir pour empêcher cette attaque, ajoute M. Brousseau.

Printemps sans été

Ce sur quoi les deux experts s'entendent, c'est qu'au-delà du bras de fer politique qui oppose pro et anti-Morsi, la principale frustration de la population égyptienne est sans doute la crise sociale qui perdure. L'économie continue de stagner et l'avenir apparaît toujours aussi sombre qu'avant la chute de Moubarak.

« Seuls un référendum ou des élections générales pourraient restabiliser le pays, le remettre sur des rails un peu plus consensuels », estime Sami Aoun.

Les anti-Morsi croient « qu'ils peuvent avoir la peau [du président]. Je pense que les manifestations ne vont pas cesser », conclut pour sa part François Brousseau.

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