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Le 2 % au parti de Vaillancourt payé par les machines à café de CIMA+

Le 2 % au parti de Vaillancourt payé par les machines à café de CIMA+

L'ex-vice-président de CIMA+ Lucien Dupuis affirme qu'il payait au parti du maire Gilles Vaillancourt dès 1996 une ristourne de 2 % sur les honoraires perçus par sa firme à la Ville de Laval. Il précise que cette façon de faire était déjà bien implantée à Laval avant que sa firme s'y mette à son tour.

Un texte de Bernard Leduc et François Messier

L'ingénieur retraité affirme que CIMA+ avait compris à l'époque que « c'était la façon d'avoir du travail » dans cette ville, mais que jamais personne ne leur avait demandé de verser de l'argent au parti.

M. Dupuis se fie donc « à la rumeur » qui le conduit dans les bureaux du notaire Jean Gauthier, qu'il sait proche du maire Gilles Vaillancourt.

Le témoin n'a pu dire avec exactitude comment il avait su que la redevance était de 2 %. Il a estimé qu'il était possible, voire probable, que l'information soit venue de son associé, Raoul Routhier, qui était proche d'un membre de l'exécutif.

Selon M. Dupuis, CIMA+ a trouvé l'argent comptant nécessaire pour ces paiements à Jean Gauthier notamment dans les machines à café dans les bureaux de CIMA+. Il estime que la firme donnait environ 15 000 $ par année de 1996 à 2001. « Moi je comprenais que cette redevance-là était une contribution au PRO », a-t-il affirmé.

Le maire distribuait les contrats... en toute légalité

M. Dupuis soutient n'avoir jamais parlé au maire de cette cote de 2 % qu'il versait à Jean Gauthier lorsqu'il le rencontrait pour discuter des contrats que souhaitait avoir CIMA+. Il demeure cependant convaincu qu'il le savait.

Lucien Dupuis a expliqué plus tôt qu'à partir de 1996, il rencontrait Gilles Vaillancourt à son bureau ou au restaurant, quelques fois par année, pour tenter d'obtenir des contrats de la Ville. Au restaurant, le maire était accompagné du directeur général de la Ville. Le maire, a-t-il dit, payait la facture.

M. Dupuis lui soumettait à ces occasions les contrats de génie qui intéressaient CIMA+ et le maire faisait son choix. « Il n'y avait pas d'autre façon de procéder : c'était des contrats de gré à gré », a souligné M. Dupuis.

La pratique, il faut le souligner, était légale, puisque ce n'est qu'en 2002 que la loi 106 viendra resserrer les critères d'attributions des contrats de génie par les municipalités.

Le témoin dit avoir informé le maire en 1998 qu'il cesserait ces rencontres. Il soutient que Gilles Vaillancourt lui a demandé de faire affaire avec Kazimir Olechnowicz pour la suite des choses.

Selon M. Dupuis, toutes les firmes avaient ce même type de rencontre à l'époque avec le maire, dont Dessau, Gendron Lefebvre, Filiatrault McNeil, Vallée Lefebvre, Plante et associés, MLC Polytech.

M. Dupuis a aussi dit que l'ex-maire Gilles Vaillancourt, grand amateur de hockey, était souvent invité dans la loge de CIMA+ au Centre Bell. Il y venait notamment avec son chauffeur.

L'ex-vice-président de CIMA+ ne sait pas qui a continué à verser le 2 % au notaire Gauthier après son départ en 2002, mais il croit que c'est probablement le directeur des services urbains Yves Théberge.

CIMA+ prend forme

M. Dupuis a expliqué que la firme Dupuis Routhier Riel et associés, qu'il a fondée avec d'autres associés vers 1961, avait fusionné en 1990 avec les firmes LNR-DRO, dirigées par Kazimir Olechnowicz, pour former CIMA+.

Dupuis Routhier Riel et associés, a dit le témoin, avait commencé à obtenir des contrats à Laval à l'époque de l'administration du maire Lucien Paiement en 1973, puis avait continué d'en obtenir à l'époque de Claude-Ulysse Lefebvre.

Après la fusion, Lucien Dupuis est devenu vice-président exécutif de CIMA+, poste qu'il a occupé jusqu'en 1996. Il est demeuré associé jusqu'en 1998, date à laquelle il a dû vendre ses actions, puisqu'il avait 65 ans. Il est par la suite demeuré conseiller spécial de M. Olechnowicz jusqu'en 2002 et a donc continué durant cette période d'entretenir des relations avec diverses municipalités.

M. Dupuis a aussi dit qu'il avait des intérêts dans la société de portefeuille 31001514 Québec Inc, qui achète des terrains et y réalise des travaux d'égouts et d'aqueducs avant de les revendre à des constructeurs de maisons.

Ashkar confirme les allégations de Desbois et Roberge

Avant d'appeler M. Dupuis à la barre des témoins, la commission a entendu l'ingénieur à la retraite Bahjat Ashkar, de la firme de génie-conseil BAFA, qui a confirmé avoir participé au système de collusion des firmes de génie, comme l'en avait accusé Roger Desbois de Tecsult. Il a entre autre confirmé le rôle clé joué par le notaire Jean Gauthier dans ce système.

Les firmes de génie collusionnaires et leurs interlocuteurs désignées par Bahjat Ashkar sont les mêmes que celles mentionnées par Roger Debois: CIMA+ (Laval Gagnon), Dessau (Serge Duplessis), Genivar (Yannick Bouchard), Tecsult-AECOM (Roger Desbois), Equiluqs (Guy Jobin), MLC (Claude Chagnon), Filiatrault McNeil (Alain Filiatrault). M. Desbois avait aussi mentionné Triax.

Lors de son témoignage, Roger Desbois avait expliqué que toutes ces firmes devaient verser une ristourne de 2 % au notaire Jean Gauthier. Selon lui, ce notaire proche du maire jouait pour les firmes le rôle de collecteur que lui-même jouait pour les entrepreneurscollusionnaires.

Plusieurs de ces firmes ont été visées par l'UPAC dans le cadre de l'opération Honorer, qui s'est traduite par 37 arrestations le 9 mai dernier. BAFA n'était pasvisée.

Roger Desbois avait expliqué que le système de collusion des firmes de génie était dirigé par le directeur du service d'ingénierie de la Ville de Laval, Claude Deguise, mais que le maire Gilles Vaillancourt « était au courant » de toute l'affaire.

Selon lui, M. Deguise désignait les firmes gagnantes avant même les appels d'offres, mais que le processus d'appel allait tout de même de l'avant pour lui octroyer une apparence delégitimité.

M. Desbois a expliqué qu'en fait, ces stratagèmes visaient avant tout à perpétuer les façons de faire de l'administration municipale avant la loi 106. Avant 2002, la Ville n'avait aucune obligation d'aller en appel d'offres et décidait, de fait, quelles firmes allaient avoir les mandats.

Le directeur général adjoint de la Ville de Laval,Jean Roberge, avait lui aussi confirmé l'existence d'un système de collusion entre firmes, dont il a profité de 2002 à 2007 avec Équation Groupe Conseil, avant d'en assurer la gestion lorsqu'il remplace Claude Deguise à la Ville de Laval à partir d'avril 2008.