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SNC-Lavalin voulait embaucher le fils de Kadhafi comme vice-président en 2008

SNC-Lavalin voulait embaucher le fils de Kadhafi comme vice-président en 2008
Radio-Canada

En mars 2008, SNC-Lavalin aurait offert le poste de « vice-président Maghreb » pour une durée de trois ans à Saadi Kadhafi, fils de l'ancien dictateur libyen Mouammar Kadhafi. C'est ce qui ressort d'un affidavit du caporal Alexandre Beaulieu de la GRC, dont Radio-Canada a obtenu copie, citant une lettre provenant de SNC-Lavalin.

Cette déclaration sous serment du caporal Beaulieu a été faite au soutien de demandes d'ordonnances visant à geler les avoirs d'anciens dirigeants de SNC-Lavalin soupçonnés d'avoir versé des pots-de-vin et détourné des sommes pour eux-mêmes dans le cours des affaires de la compagnie de génie canadienne en Libye. Le caporal Beaulieu y cite des extraits du document qui aurait été saisi dans les bureaux de SNC-Lavalin lors de la perquisition effectuée le 13 avril 2012 au siège social de la firme.

Dans cette lettre adressée à la section de l'immigration de l'ambassade du Canada en Tunisie le 25 mars 2008, l'ancien vice-président de la division Construction de SNC-Lavalin, Riadh Ben Aïssa, demande donc aux autorités canadiennes un permis de travail temporaire au Canada d'une durée de 3 ans pour Saadi Kadhafi affirmant que la compagnie était « convaincue que l'implication de Saadi Kadhafi au sein de ses équipes lui permettrait d'obtenir davantage de contrats, lui permettrait de travailler plus rapidement en Afrique du Nord et consoliderait la croissance de ses affaires en Libye ».

Un salaire de 150 000 $ pendant 3 ans

Toujours selon ce qui est rapporté par l'officier de la GRC, SNC-Lavalin aurait présenté en soutien de sa demande « une offre d'emploi faite à Saadi Kadhafi d'une durée de 3 ans pour laquelle la compagnie s'engageait à verser un salaire annuel de 150 000$ au fils de l'ancien dictateur.

Les responsabilités de Saadi Kadhafi comme vice-président Maghreb auraient inclus notamment « la collaboration à l'élaboration des objectifs de SNC-Lavalin en Afrique du Nord, et plus spécifiquement en Libye », et « la représentation de la compagnie dans des négociations ou autres fonctions officielles. »

« Précieux services » rendus à SNC-Lavalin

La GRC insiste beaucoup dans les extraits qu'elle cite de la lettre de Ben Aïssa sur les passages où l'ancien vice-président décrit la contribution de Saadi Kadhafi aux succès des affaires de la firme en Libye.

Ben Aïssa affirme que Kadhafi avait rendu de « précieux services » à SNC-Lavalin en 2001 et 2002 pour lui permettre de décrocher un contrat de 475 millions de dollars pour l'opération et l'entretien de l'usine de fabrication de tuyaux de Sarir, en Libye.

Il ajoute, selon la GRC, que SNC-Lavalin souhaite « non seulement profiter de ses liens avec la "haute éminence" du gouvernement libyen, mais aussi de ses conseils en matière de gestion de projet. »

La GRC aurait aussi saisi des formulaires d'immigration requis par les gouvernements du Québec et du Canada relativement à cette demande de permis de travail temporaire pour Saadi Kadhafi. Sur ces documents, l'adresse indiquée du futur employeur de Saadi Kadhafi est le 455, boulevard René-Lévesque Ouest, soit l'adresse du siège social de SNC-Lavalin.

« Saadi Kadhafi, un actif pour SNC-Lavalin »

Le caporal Beaulieu conclut de ces documents que Saadi Kadhafi était « un actif pour SNC-Lavalin » et que la firme souhaitait « continuer de bénéficier de l'intervention et de la coopération de Saadi Kadhafi pour obtenir des contrats encore plus lucratifs en Libye ».

Cette conclusion de l'enquêteur contredit les dires du président de SNC-Lavalin qui était en poste à cette époque, Jacques Lamarre, qui affirmait dans une entrevue accordée à la journaliste Anne Panasuk pour l'émission Enquête en février dernier: « Je ne faisais pas affaire avec Saadi Kadhafi. Je faisais affaire avec la Libye qui était dirigée par son père. Je ne faisais pas affaire avec Saadi Kadhafi. » L'ancien président, qui a quitté la firme en 2009, affirmait également n'avoir jamais été au courant que des sommes auraient été versées à Saadi Kadhafi pour obtenir des contrats en Libye: « J'aurais dit non y a pas d'argent qui va à Saadi Kadhafi parce que c'est, au point de vue éthique c'est inacceptable même si au point de vue légal on pourrait dire y a pas, peut-être pas le rôle dans le gouvernement, mais au point de vue éthique c'est complètement inacceptable. »

De son côté, SNC-Lavalin nie avoir eu connaissance de cette affaire. Sa porte-parole, Leslie Quinton, affirme que ces démarches de Riadh Ben Aïssa « étaient connues seulement par les gens impliqués et ils ne sont plus avec la société. La société n'en a pas été informée et ne peut donc pas commenter ».

Saadi Kadhafi au Canada: 2 millions aux frais de SNC-Lavalin

Presque au même moment, Saadi Kadhafi a bénéficié d'un visa de visiteur pour séjourner au Canada. Selon d'autres documents produits par la GRC, Saadi Kadhafi serait entré au Canada le 24 février 2008 pour y séjourner pendant une période de trois mois.

Pendant ce séjour, SNC-Lavalin a assumé les dépenses du fils Kadhafi et plus particulièrement les frais de sécurité, selon ce qu'a admis Jacques Lamarre à l'émission Enquête. Jacques Lamarre avait été impliqué dans cette décision: « quand il est reparti, j'étais tellement content. Il n'avait pas fait trop de stupidités. Par contre, on avait une facture de presque 2 millions de dollars. J'étais extrêmement fâché, le conseil était fâché. Tout le monde était fâché ».

Un membre de l'entourage de Saadi Kadhafi interviewé par Anne Panasuk en Libye affirme que Riadh Ben Aïssa aurait même fait miroiter à Saadi Kadhafi la possibilité qu'il obtienne la citoyenneté canadienne: « Riadh Ben Aïssa lui a promis qu'il l'aiderait à obtenir un passeport canadien. » Ce proche de Saadi Kadhafi affirme même avoir été présent à une réunion durant cette période où Kadhafi remplissait les formulaires en présence de Ben Aïssa: « Ben Aïssa lui parlait de l'obtention du passeport et Saadi était très excité à l'idée d'obtenir le passeport. » À la lumière des documents obtenus par la GRC, il n'est cependant pas clair si les formulaires en question étaient ceux pour l'obtention du permis de travail temporaire ou d'autres démarches pour l'obtention de la citoyenneté.

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