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Rafle de Laval : « On savait tout, mais on n'avait rien » - Alain Gravel

Rafle de Laval : « On savait tout, mais on n'avait rien » - Alain Gravel

Le vaste coup de filet mené jeudi matin par l'Unité permanente anticorruption (UPAC) a confirmé les reportages diffusés depuis plusieurs années par les journalistes d'Enquête.

« "On savait tout, mais on n'avait rien", résumait ma collègue Marie-Maude Denis », illustre le journaliste Alain Gravel, sur les ondes de RDI vendredi matin. Les journalistes d'Enquête ont extirpé des limbes des allégations populaires - témoignage par témoignage - le système de corruption et de collusion qui sévissait à Laval.

L'UPAC a arrêté 37 personnes au cours de l'opération « Honorer », dont l'ancien maire Gilles Vaillancourt, deux fonctionnaires, Claude Deguise et Claude Asselin, des entrepreneurs connus, comme Tony Accurso, et des dirigeants de firmes d'ingénieurs, comme Rosaire Sauriol.

Les enquêteurs de l'UPAC ont réussi à détailler le fonctionnement du système et à identifier trois niveaux d'implication des 37 accusés.

Ainsi, l'élu de la ville de Laval Gilles Vaillancourt et les deux fonctionnaires Claude Deguise et Claude Asselin sont les individus qui ont permis à la corruption et la collusion de s'installer au sein de l'administration, selon l'enquête policière. De l'autre côté, un groupe d'entrepreneurs était disposé à verser des sommes pour corrompre les élus et s'assurer de mettre la main sur des contrats municipaux.

Entre les deux, des facilitateurs - avocats et notaire - faisaient le lien entre le monde municipal et celui de la construction en s'assurant que le système fonctionne comme une machine bien huilée.

Les statistiques révélées par les enquêteurs de l'UPAC démontrent l'ampleur de la preuve :

  • 3 ans d'enquête
  • 70 perquisitions
  • 150 témoins
  • 30 000 conversations
  • 495 000 $ saisis.

L'importance de témoins de l'intérieur

Des indices laissent croire que les enquêteurs ont réussi à délier des langues au cours de leur enquête. Des noms de proches de l'ancien maire Vaillancourt sont cités dans les actes d'accusation, à titre de co-conspirateurs, mais ils ont été épargnés par la rafle. Un proche de M. Vaillancourt, Marc Gendron, et l'ancien directeur général de la Ville Gaétan Turbide se retrouvent dans cette situation. De plus, la Cour a interdit aux accusés de communiquer avec ces individus dans ses conditions de libération.

Les journalistes d'Enquête Christian Latreille et Alain Gravel soulignent qu'il est très difficile de parvenir à prouver des allégations de corruption et de collusion sans obtenir la collaboration d'individus qui y ont participé, des personnes de l'intérieur. Le réseau de collusion et de corruption est tellement hermétique, selon ces derniers, que sans une collaboration interne, il est très difficile, voire impossible, de parvenir à des mises en accusation.

Alain Gravel explique que les faits reprochés aux 37 individus arrêtés par l'UPAC étaient connus par son équipe. Il souligne toutefois que la difficulté pour les policiers réside dans l'accumulation d'une preuve suffisante à présenter devant un tribunal.

Outre celui de l'ancien ministre de la Justice Serge Ménard, M. Gravel rappelle l'importance du témoignage de l'ancien fonctionnaire du ministère des Transports du Québec (MTQ) François Beaudry, qui s'est avéré crucial dans l'enquête journalistique. Ce dernier, un fonctionnaire retraité, avait décidé de divulguer publiquement l'information qu'il avait sur la situation.

M. Gravel souligne que les enquêtes de l'UPAC ne sont pas terminées et que la plus grosse, celle sur les compteurs d'eau de la Ville de Montréal, est toujours en cours.

La rafle de l'UPAC à Laval

L'ancien maire de Laval Gilles Vaillancourt et ses deux coaccusés de gangstérisme, Claude Deguise et Claude Asselin, ont été libérés en attendant leur prochaine comparution, fixée au 10 juillet.

Ils devront satisfaire aux conditions habituelles de remise en liberté, entre autres de ne pas communiquer entre eux ni avec leurs présumées victimes et de ne pas quitter la province. Ils devront d'ailleurs remettre leurs passeports à la Surêté du Québec. Une caution de 150 000 $ a été exigée de Gilles Vaillancourt, une de 100 000 $ pour Claude Asselin et de 75 000 $ pour Claude Deguise.

Gilles Vaillancourt avait quitté son poste et s'était retiré définitivement de la vie politique en novembre dernier, sur fond d'allégations de collusion et de corruption, après 39 ans au conseil municipal, dont 23 comme maire.