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Geneviève Bujold, lumineuse dans «Still Mine» (ENTREVUE/PHOTOS)

Geneviève Bujold, lumineuse dans «Still Mine» (ENTREVUE/PHOTOS)
Courtoisie

Geneviève Bujold est assise confortablement sur le sofa d’une chambre dans un hôtel de Montréal. Elle est arrivée de Los Angeles pour accompagner la sortie, aujourd’hui en salles, de Still Mine du réalisateur canadien Michael McGowan (Score: A Hockey Musical). Un film vibrant dans lequel l’actrice québécoise interprète au côté de James Cromwell (Babe, The Queen) une épouse aimante et atteinte de la maladie d’Alzheimer. Entrevue.

Disons-le franchement, les occasions de rencontrer Geneviève Bujold sont très rares. Avec une carrière internationale d’une envergure inégalée pour une actrice québécoise, la muse de Michel Brault (Geneviève, Entre la mer et l'eau douce) a su éviter les pièges du vedettariat dont elle n’a cure, acceptant les entrevues au compte-goutte.

Nommée aux Oscars en 1970 pour son rôle marquant dans Anne of a Thousand days, elle a accumulé les films jouant aux cotés d’autres étoiles du 7e art comme Richard Burton, Jean-Paul Belmondo, Katharine Hepburn, Vanessa Regrave, Charlton Heston ou Ava Gardner. Du Québec à la France en passant par les États-Unis, Geneviève Bujold est toujours demeurée libre et sans frontière.

Le 4 mars 1974, elle s’en va en Californie pour ne plus en partir. «Je me souviens très bien de la date, puisque c’était pour le tournage du film Tremblement de terre, raconte-t-elle. Les studios Universal m’avaient trouvé une petite maison à Malibu qui se trouvait en face de la mer, littéralement installée sur le sable. J’ai craqué pour cet endroit, alors j’ai décidé de rester».

Loin des yeux, mais pas loin du cœur. L’actrice n'a jamais dit non à un projet cinématographique surtout s'il venait du Québec ou du Canada. La preuve avec Still Mine. Tiré d’une histoire vraie qui a fait les manchettes des journaux canadiens en 2008, le long métrage raconte l’histoire d’un couple au crépuscule de leur vie et aux prises avec de nombreux défis.

En effet, Greg est âgé de 89 ans quand il apprend que sa femme Irene est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Il refuse de l’envoyer à l’hôpital et, pour la garder auprès de lui, il décide de construire une maison adaptée à ses besoins. Toutefois, les fondations sont jugées non conformes par les bureaucrates. S’en suit alors une longue bataille juridique.

Geneviève Bujold a ressenti un véritable coup de cœur envers le scénario. «Je l’ai lu et j’ai trouvé le récit magnifique. Je me souviens que je voulais, dès lors, rencontrer le réalisateur. On s’est parlé au téléphone. Il était impeccable. J’ai tout de suite apprécié cet homme de peu de mots. On parle le même langage. Lorsqu’on s’est rencontré pour la première fois un soir à Toronto, le lendemain matin, on partait en tournage», relate-t-elle.

L’actrice a ressenti une vive émotion pour son personnage Irene. «Je l’aimais. Je voulais être elle. J’ai été touchée par cet amour qui dure toute la vie entre deux personnes. Vous savez, c’est rare à 70 ans qu’on vous offre encore des histoires d’amour. Et puis, je voulais aussi travailler avec l’acteur James Cromwell. Je ne le connaissais pas personnellement, mais je savais que c’est un comédien doté d’un talent immense. Entre nous, ça a tout de suite cliqué. On s’est comme reconnu. On savait sur quoi on allait danser. Durant le tournage, c’était beau tous les jours. Et même maintenant quand j’y repense, je me souviens de la joie, c’était merveilleux».

Pourtant, Still Mine parle de la maladie d’Alzheimer, un sujet délicat et pas très joyeux. «Oui, c’est vrai. La maladie est présente, comme une mauvaise ombre, mais étonnamment, elle n’est pas envahissante. Il faut dire que l’Azheimer qu’elle subit n’en est qu’à ses débuts. Ce qu’on ressent avant tout, c’est la complicité qui unit le couple. Ce sont deux fermiers, ils travaillent fort. Alors, ils ont surtout les deux pieds sur terre», poursuit-elle.

L’Amour avec un grand A, celui qui réunit deux âmes sœurs et que rien ne semble pouvoir séparer. «On vit dans une époque où ce genre de relation tend à devenir exceptionnel. C’est d’ailleurs très triste. Tout devient de plus en plus robotique. Tout le monde va sur Internet en oubliant le côté humain. Je sais qu’on nous rabâche sans cesse qu’il faut être ouvert et connecté avec la planète. Personnellement, je préfère entretenir une relation profonde avec une seule personne plutôt que de me connecter à des milliers d’autres d’une manière superficielle. D’ailleurs, je refuse d’avoir un cellulaire».

Exorciser la mort

L’amour et la maladie, deux thèmes qui s’entrechoquent au fil d’un récit où l’on pense inévitablement à la mort. Et l’on demande à l’actrice si à l’aube de ses 70 ans, elle pense à ce grand mystère. «J’y pense depuis que je suis toute petite. Lorsque j’étais plus jeune, j’étais même hypocondriaque! À un moment, tout cela est parti. Aujourd’hui, j’en suis au troisième acte de ma vie. J’ai appris à dire bienvenue à la mort. Je ne sais pas si je me suis totalement débarrassée de la peur de la mort, mais une chose est certaine, ce n’est plus lourd à porter. Au stade où j’en suis dans mon existence, tout m’incite à plus d’intériorité, c’est là que je me sens chez moi», dit-elle.

Les années passent et Geneviève Bujold garde le même sourire, celui d’une jeune fille qui n’a jamais vraiment vieilli. «J’aime bien citer Betty Davis, l’icône américaine du cinéma des années 30 et 50. Elle disait: Old age ain’t no place for sissies. En d’autres termes, il faut être fort pour vouloir accepter d’être vieux. C’est inutile de vivre dans le passé. Je vous avouerais que je ne voudrais pas avoir 40 ans. À chaque étape, son âge. En ce sens, je trouve que la vie est bien organisée.»

L’actrice n’est pas dupe pour autant. Les rôles offerts aux personnes plus vieilles ne courent pas les rues dans le cinéma. «C’est terrible. Il faut que les réalisateurs aillent voir ce que les acteurs de mon âge ont à partager. Ils ont davantage d’expérience. Bien sûr, on aime tous les jeunes. Ils sont beaux, ils sont frais, mais on veut aussi de la substance à un moment donné, pas seulement de l’instinct.»

Still Mine – Métropole Films Distribution – Drame – 103 minutes – Sortie en salles le 10 mai 2013 – Canada.

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