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Zao Wou-Ki, une abstraction sublimée de l'Orient et de l'Occident

Zao Wou-Ki, une abstraction sublimée de l'Orient et de l'Occident

Son monde intérieur était vaste comme la Chine et l'Occident. Le peintre Zao Wou-Ki, décédé mardi en Suisse à l'âge de 93 ans, était l'un des maîtres d'une abstraction lyrique inspirée par les ciels changeants de la nature.

Les visions cosmiques de cet homme délicat, toujours souriant, racontaient le vent et les arbres, les fracas et la sérénité, la neige et les aurores boréales, les grondements du tonnerre, mais aussi les silences.

Un monde fugitif, immatériel, qu'il sentait dans sa tête. "Ce qui est abstrait pour vous est réel pour moi", disait Zao Wou-ki, peintre français d'origine chinoise, confiant à quel point la figuration ne l'intéressait pas.

Né le 13 février 1920 à Pékin dans une famille de lettrés, Wou-ki Tsao vient à l'art auprès d'un grand-père féru de calligraphie, qui lui enseigne l'importance du "vide", de l'espace sur la feuille blanche. Une notion bien peu répandue en Occident, où, dit-il, "il faut remplir le plus possible".

Mais, pour avoir vu des reproductions d'oeuvres impressionnistes dans des revues, il comprend, dès l'âge de 14 ans, qu'il lui faudra briser le carcan de l'encre de Chine pour s'ouvrir à la peinture à l'huile.

Étudiant, puis professeur à l'École des Beaux-Arts de Hangzhou de 1941 à 1947, il rêve de Picasso, Matisse, embarque à Shanghaï et arrive à Paris en 1948 avec, pour tout mot de vocabulaire français: Montparnasse.

Pétrifié à l'idée de verser dans les "chinoiseries", il est nommé professeur de dessin à l'École des Beaux-Arts... en raison même de sa maîtrise des techniques traditionnelles chinoises.

Bataille judiciaire

Ses premières toiles en France -"Paysage avec des oiseaux", "Femme dans la Forêt"-, sont faites de tracés délicats cohabitant avec des halos de lumière, évocateurs des paysages de rouleaux chinois.

Lors d'un voyage en Suisse, il découvre un Paul Klee influencé par l'art chinois, ce qui l'aide à concilier sa "peinture des origines" tout en entrant dans l'univers de la peinture occidentale.

Membre de l'École de Paris dans les années cinquante, il se lie d'amitié avec Henri Michaux, René Char et André Malraux, dont il illustre de nombreux ouvrages.

L'artiste, qui a pris le nom de Zao Wou-ki (il obtiendra la nationalité française en 1964), se détache bientôt de l'influence de Klee et plonge dans l'abstraction, avec "une écriture imaginaire, indéchiffrable".

Une force inouïe envahit ses toiles ("Début d'octobre", "Montagne déchirée"), où les rouges et les noirs dégagent des impressions telluriques, les verts et bleus des coulées abyssales.

De New York à Oslo, de Taiwan à Pékin, en passant par San Francisco, Madrid ou Vienne, il multiplie les expositions.

Après une rétrospective en 1981, Paris revient sur son oeuvre peint en 2003, puis sur son oeuvre gravé.

Membre de l'Académie des Beaux-Arts (section peinture) depuis 2002, Zao Wou-Ki était internationalement reconnu et cumulait les décorations.

Père de deux enfants, Zao s'était remarié en 1977 avec Françoise Marquet, Conservateur en chef du Patrimoine français.

Ces derniers temps, le vieil homme, qui souffrait de la maladie d'Alzheimer, s'était retrouvé au coeur d'une bataille judiciaire qui déchirait sa famille, son fils Jia-Ling Zhao soupçonnant sa belle-mère de l'avoir fait déménager en Suisse à l'automne 2011 pour mettre la main sur une partie de ses oeuvres.

Les toiles de Zao Wou-Ki atteignent régulièrement de 1 à 2,5 millions de dollars aux enchères. L'une d'elles "Hommage à Tou-Fou" (1956) a été adjugée jusqu'à 5,8 millions de dollars en 2008 chez Christie's à Hong Kong.

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