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Manifestations : l'obligation de dévoiler un itinéraire contestée

Manifestations : l'obligation de dévoiler un itinéraire contestée

Le gouvernement péquiste devrait demander aux autorités de Montréal et Québec d'abroger leur règlement municipal obligeant les manifestants à dévoiler leur itinéraire, ont affirmé lundi deux regroupements.

Le parti politique Québec solidaire, le service d'aide juridique Juripop et l'Association des juristes progressistes (AJP) estiment que le gouvernement est dans une position contradictoire en tolérant ainsi ces règlements, qui ont motivé des arrestations récemment dans les deux villes.

En septembre dernier, dès son premier Conseil des ministres, la première ministre Pauline Marois a abrogé les dispositions de la loi 12 limitant les manifestations, qui avaient été introduites par les libéraux avec le projet de loi 78, durant la crise étudiante du printemps précédent.

Le gouvernement péquiste levait ainsi l'obligation faite aux manifestants de dévoiler leur itinéraire. Mais cette disposition est demeurée en vigueur à Montréal et Québec, qui avaient profité du projet de loi 78 pour voter des règlements municipaux à ce sujet. Montréal a mis en place le règlement P-6 qui interdit le port d'un masque et exige un itinéraire précis avant toute manifestation.

Récemment, le Service de police de la ville de Montréal (SPVM) a décidé d'appliquer fermement le règlement P-6 et l'article 500.1 du Code de la Sécurité routière, qui interdit à quiconque d'entraver la circulation.

Le président et porte-parole de QS, André Frappier, croit que le gouvernement se place dans une position contradictoire, en tolérant le règlement P-6, après avoir abrogé les dispositions de la loi 12, qui encadraient les manifestations.

M. Frappier estime que les péquistes devraient demander aux deux villes d'abroger leur règlement municipal. « Ils s'en lavent les mains, a-t-il dit. C'est contradictoire maintenant de ne pas aller plus loin et de ne pas demander aux deux municipalités de l'abroger, même si le gouvernement n'a pas le pouvoir, au moins de ne pas rester silencieux. »

Le directeur général de Juripop, Marc-Antoine Cloutier, a relevé que plusieurs péquistes, lorsqu'ils étaient dans l'opposition, se sont scandalisés des excès permis par le projet de loi 78, qui est devenu la loi 12 lorsqu'elle a été adoptée.

M. Cloutier a affirmé qu'il ne comprend pas comment le ministre de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron, peut maintenant demeurer muet face aux arrestations de masse vues à Montréal, que les policiers motivent en invoquant un règlement qui oblige la divulgation des itinéraires de manifestations.

Le cabinet de M. Bergeron a plutôt dirigé les questions vers celui de son collègue aux Affaires municipales, Sylvain Gaudreault. Mais l'attaché de presse de M. Gaudreault a indiqué que le gouvernement ne fera aucun commentaire sur la situation puisque le règlement montréalais P-6, qui touche notamment l'itinéraire des manifestants, est contesté devant la Cour supérieure.

L'avocate Sibel Ataogul, présidente de l'AJP, a affirmé que Mme Marois ne s'était pourtant pas gênée pour dire que les dispositions portant sur les manifestations nuisaient aux droits et libertés, en septembre, même si la cause était déjà devant le tribunal. « C'est très inquiétant et c'est complètement incohérent, considérant que la même disposition pour elle était tellement contraire aux droits et libertés qu'elle l'a abrogée avant que les tribunaux statuent dessus », a-t-elle dit.

Selon Mme Ataogul, depuis le 15 mars, les policiers montréalais ne tolèrent plus les manifestations sans itinéraire connu, alors que c'était le cas l'an dernier. À Québec, au début du mois, le même phénomène a été observé, les policiers intervenant aussitôt que le cortège s'est mis en marche.

Le SPVM soutient que les manifestations sont plus violentes depuis le début de l'année, par rapport au printemps 2012.

Les policiers montréalais ont arrêté plus de 200 personnes vendredi dernier, moins d'une demi-heure après le début de la manifestation soulignant le premier anniversaire du grand rassemblement du 22 mars 2012. Le porte-parole du SPVM, le commandant Ian Lafrenière, admet que la stratégie policière a changé depuis l'an dernier, entre autres parce les gens qui y participent seraient plus violents envers les policiers.

« On a vu qu'il y avait beaucoup plus d'hostilité, de violence, des objets qui étaient lancés en direction des policiers, il y en a même qui ont tenté de blesser les chevaux qui étaient sur place, et on a envoyé un message clair avant la manifestation de la brutalité policière, il y a de cela deux semaines, en disant clairement que les gens devaient remettre leur itinéraire », dit le policier.

D'ailleurs, comme le rappelle le professeur Sébastien Grammond, qui enseigne le droit à l'Université d'Ottawa, rien n'empêche les forces policières d'appliquer ces règlements. Les policiers pourront continuer d'appliquer le règlement P-6, tant que celui-ci n'aura pas été invalidé par les tribunaux.

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