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Brutalité policière : policiers et groupes sociaux se renvoient la balle

Brutalité policière : policiers et groupes sociaux se renvoient la balle

Depuis plusieurs années, les manifestations du 15 mars contre la brutalité policière sont l'occasion d'affrontements entre les policiers et les manifestants. Entre la police, qui affirme que les protestataires cherchent la confrontation, et ces derniers, qui estiment que les policiers cherchent à les malmener et les humilier, qui croire?

Depuis 1997, le Collectif opposé à la brutalité policière (COBP) organise des manifestations tous les 15 mars afin de dénoncer le harcèlement, l'intimidation et l'abus de pouvoir dont feraient preuve les représentants des forces de l'ordre envers les marginaux et les exclus. Le collectif accuse également les policiers de se livrer à du profilage racial et social, en ciblant spécifiquement les membres de certaines communautés ethniques, ainsi que les sans-abri et les jeunes de la rue.

La manifestation de ce soir vise à mettre l'accent sur « l'impunité » des agents et « l'inefficacité des recours » ainsi qu'à « créer un rapport de force collectif face aux abus policiers », selon le communiqué du COBP, qui refuse de parler aux médias avant la manifestation.

Les affrontements

À plusieurs reprises au cours des dernières années, la manifestation du 15 mars a donné lieu à du grabuge, notamment des vitrines fracassées et des voitures vandalisées. Les policiers ont parfois procédé à des arrestations de masse, surtout depuis 2008.

Les manifestants dénoncent l'attitude des agents du Service de police de la ville de Montréal (SPVM) qui, selon eux, essaient de saboter l'événement en pratiquant des arrestations préventives et des fouilles abusives. De plus, soutiennent-ils, les policiers déclarent rapidement que le rassemblement est illégal et tentent de disperser les manifestants, ce qui déclenche leur colère.

Pour leur part, les policiers assurent que les manifestants devraient collaborer en leur remettant leur itinéraire afin qu'ils puissent éviter les débordements. Le SPVM, qui a publié sur son site web les règles à suivre lors d'une manifestation, affirme avoir multiplié les démarches pour que celle du 15 mars se déroule dans le calme. Si des infractions sont commises ou qu'ils jugent que la sécurité des passants est menacée, les policiers annoncent que la manifestation est illégale et agissent pour y mettre fin. « Il y a des règles à suivre et on s'attend à ce que les gens les suivent, à défaut de quoi il y a des actions qui seront prises de notre côté », a estimé Ian Lafrenière, du SPVM, interrogé par notre collègue de la radio Francine Plourde.

Ian Lafrenière explique par ailleurs que les policiers ont tenté différentes approches au fil des ans, mais que dans la plupart des cas, la manifestation du 15 mars se termine par des méfaits et des arrestations.

« Ce n'est pas un concours de popularité, à savoir si les gens apprécient ou pas [...] Lorsqu'on intervient, on est conscient qu'il y a des répercussions possibles; en voulant mettre fin à une manifestation, on peut provoquer quelque chose d'encore pire que ce qu'on veut contrôler. Il n'y a pas de recette à suivre pour arriver à un bon résultat. »

Profilage social et politique?

Francis Dupuis-Déri est professeur de sciences politiques à l'UQAM et sympathisant du COBP. Il estime que les policiers ont leur part de blâme pour les dérapages. Il soutient que le déploiement massif d'agents en tenue antiémeute dans une manifestation qui veut précisément dénoncer les abus policiers équivaut carrément à de la provocation.

« Je ne sais pas quel calcul tactique le SPVM fait pour arriver à ce mode opérationnel, mais [...] on peut prévoir qu'une telle approche de déploiement de force et de répression ''préventive'' ne va pas réduire la tension auprès d'une foule qui est là pour critiquer la police. »

Selon lui, si les policiers se faisaient plus discrets et adoptaient une approche plus tolérante, comme ils le font dans le cadre d'autres manifestations, il y aurait peut-être moins d'affrontements.

En fait, explique-t-il, « le comportement des policiers n'est pas toujours motivé par ce que les participants font, mais par qui ils sont, ou quelle cause ils portent, ou leur identité politique. »

Dans d'autres cas, les policiers se montrent plus tolérants, acceptant notamment de se faire lancer quelques projectiles sans intervenir. Pour réprimer la manifestation du COBP, par contre, ils ont l'impression d'avoir « carte blanche » et de pouvoir agir avec impunité, estime Francis Dupuis-Déri.

« Le printemps érable a prouvé au SPVM et aux autres corps policiers au Québec qu'ils ont une impunité quand ils interviennent auprès des mouvements sociaux », ajoute-t-il.

D'autres rassemblements, comme des vigiles organisées par des proches de personnes tuées dans le cadre d'interventions du SPVM, ne donnent lieu à aucun affrontement avec la police.

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