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Monter sur les planches pour surmonter la déficience intellectuelle

Monter sur les planches pour surmonter la déficience intellectuelle

Un texte de Myriam Fimbry

Les comédiens de la troupe Atout Coeur, de Montréal, sont presque tous des déficients intellectuels. Le 13 mars, ils se produiront sur scène, à l'Écomusée du Musée du fier monde, dans le cadre de la Semaine québécoise de la déficience intellectuelle, qui se déroule du 10 au 16 mars.

Le théâtre leur permet de s'épanouir, mais aussi de s'exprimer et de s'affirmer.

Depuis près de deux ans, la directrice artistique Yolande Lemaistre, une travailleuse sociale à la retraite, les aide là mettre au point leur rôle. Tout un défi, quand on pense que plusieurs d'entre eux sont atteints de déficience intellectuelle, causée par exemple par la trisomie 21 ou le syndrome d'Asperger. Quand on sait aussi que tous ont subi un jour du rejet ou des regards de travers dans la rue, dans le métro ou l'autobus.

Lors des répétitions, deux soirs par semaine dans un gymnase du quartier Ahuntsic, ils échappent au regard social dévalorisant et trouvent une source de confiance en soi.

La pièce Montréal Est-Ouest, c'est l'histoire d'un gang de rue, de deux amoureux qui se quittent le soir du 24 juin, d'une mère qui a peur pour sa fille, d'un danseur de break dance atteint d'une balle et qui se retrouve en fauteuil roulant...

Des pas de géant

Sur scène se mêlent le théâtre, le mime et la danse. « Ils ont appris à s'écouter. Ils n'étaient pas habitués à ça », explique Yolande Lemaistre. « Ensuite, ils ont fait des pas de géant, au niveau de la danse, de l'expression des sentiments et des émotions. Tous maintenant sont capables d'exprimer leurs émotions. »

La directrice de la troupe guide ses comédiens avec une patience infinie et sans lésiner sur les compliments et les encouragements. Elle trouve son plaisir dans les progrès que réalisent ses élèves. « Oui, c'est exigeant. Mais ils s'en sortent très bien, explique-t-elle. Mon intérêt est de les amener le plus loin possible dans ce qu'ils peuvent donner. Ce sont des gens qui ont été habitués à ce qu'on leur demande peu de choses... parce qu'ils étaient déficients! »

Un pied de nez au handicap

Mai, l'une des comédiennes, a réussi à retenir son texte, l'un des plus longs de la pièce. Elle était gênée au début parce qu'il fallait parler fort, elle qui a la voix basse. Il lui a fallu travailler son élocution pour bien se faire comprendre. Elle avoue que ce n'était pas facile. « J'aimerais bien être comme les autres, mais j'essaye de faire de mon mieux pour bien parler », dit-elle.

Monter sur les planches et se mettre en avant, c'est tout un pied de nez au handicap, et même... un geste d'affirmation. « C'est leur royaume. Ils peuvent s'exprimer autant qu'ils le veulent. Et pas juste dans les rôles. Quand ils ont un conflit entre eux, ils apprennent à le régler en se parlant », dit la directrice de la troupe. Une habileté qui peut leur rendre service dans la vie quotidienne, lorsqu'ils se sentent agressés par un regard insistant ou une remarque désagréable. « Avant, ils étaient habitués à s'écraser, à ne rien dire, à subir. »

Mettre au point un spectacle prend un an et demi à deux ans. Mais la récompense et les applaudissements sont au rendez-vous. Lors de la première représentation de la pièce, en novembre dernier, le public a été saisi par la performance des comédiens. « Les gens venaient nous voir à la fin de la pièce, se souvient la directrice de la troupe. Ils n'en revenaient pas. »

Plusieurs troupes de théâtre au Québec poursuivent les mêmes objectifs d'intégration sociale des personnes déficientes, dont Les Muses, centre des arts de la scène fondé par Cindy Schwartz, et la Gang à Rambrou.

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