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Élections au Kenya: Cinq choses à savoir pour comprendre les risques qui inquiètent le pays

Élections au Kenya: pourquoi le pire est à craindre
REUTERS

INTERNATIONAL - Inquiétudes au Kenya quelques heures avant la clôture du vote pour les élections générales.

Six policiers ont été tués dans la nuit de dimanche à lundi dans la ville portuaire de Mombasa, "tombés dans une embuscade" tendue par un groupe d'environ 200 assaillants "armés de fusils, d'arcs et de flèches", a expliqué le chef de la police kényane David Kimaiyo, attribuant implicitement l'attaque au Conseil républicain de Mombasa (MRC), un groupe séparatiste local qui a appelé au boycott du scrutin.

L'ombre des terribles violences ayant marqué le précédent scrutin plane ainsi sur le Kenya et ses 43 millions d'habitants, dans un pays qui figure pourtant parmi les plus stables d'Afrique de l'Est.

Des élections chamboule-tout

Environ 14,3 millions de Kényans sont appelés à voter. Chaque électeur devra déposer six bulletins dans les urnes.

• La présidentielle : Pour la première fois de l'Histoire du Kenya, le scrutin présidentiel est à deux tours. Pour l'emporter dès le premier tour, un candidat devra non seulement récolter plus de 50% des voix au niveau national, mais en plus faire un score supérieur à 25% dans 24 des 47 départements du pays.

• Les députés : La chambre basse du Parlement kényan compte 350 sièges. 290 font l'objet d'un vote direct et sont ouverts à tous les candidats.

47 autres sièges (un par département) sont exclusivement ouverts aux femmes et font l'objet d'un vote séparé. 12 sièges sont par ailleurs attribués à des groupes spécifiques (jeunes, personnes handicapées, syndicats). Le dernier siège est réservé au président du Parlement.

• Les sénateurs : C'est la première fois que les Kényans vont désigner leurs sénateurs. La chambre haute du Parlement, créée par la Constitution de 2010, est composée de 68 sièges. Chacun des 47 département élit un sénateur. Les autres postes sont pourvus sur nomination des partis politiques.

• Les gouverneurs : Le poste de gouverneur a été créé par la Constitution de 2010. Un gouverneur et un vice-gouverneur seront élu, sur un ticket commun, à la tête de chacun des 47 départements.

• Sixième et dernière élection lundi, celle des membres des 47 assemblées départementales.

Un scrutin à haut risque

Le précédent scrutin présidentiel en décembre 2007, dont les résultats serrés étaient contestés par l'opposition, avait été marqué par les pires violences de l'histoire du Kenya indépendant (depuis 1963). Le bilan avait été lourd : au moins un millier de morts et plus de 600.000 personnes avaient dû fuir les violences.

Des affrontements ethniques qui restent dans toutes les têtes. Cette année encore, le scrutin s'annonce serré et nombre de Kényans redoutent le retour des violences. Les candidats en lice ont beau promettre qu'il n'y aurait pas de répétition du bain de sang, la tension est montée durant les derniers jours de campagne.

Le Premier ministre et candidat Raila Odinga a d'ailleurs lancé ces derniers jours plusieurs avertissements contre des fraudes, soulignant la possible colère de ses partisans en cas de défaite et critiquant l'action de certaines institutions, dont la Commission électorale chargée d'assurer le bon déroulement du scrutin. Le processus d'enregistrement biométrique des votants doit permettre des élections transparentes mais des dysfonctionnements ont été signalés dès les premières heures du scrutin.

Plus de 99.000 policiers ont été déployés pour étouffer dans l'œuf toute violence, a annoncé dimanche le porte-parole de la police. Dans les régions de la Vallée du Rift, les plus touchées par violences de 2007, certains ont déjà plié bagage, sur fond de rumeurs d'achats massifs de machettes par les communautés rivales.

Un scrutin à l'issue incertaine

Le scrutin s'annonce extrêmement serré, le Premier ministre Raila Odinga et le vice-Premier ministre Uhuru Kenyatta étant au coude à coude dans les sondages. À 68 ans, Odinga tente sa chance pour la troisième et sans doute dernière fois, face à son principal concurrent, 51 ans, fils du "père" de l'indépendance du pays, assis sur une gigantesque fortune familiale.

Uhuru Kenyatta apparaît de facto comme le successeur du président sortant Mwai Kibaki, il est issu de la communauté kikuyu, la plus importante du pays, dont l'élite truste les hautes fonctions économiques et politiques.

Raila Odinga est lui originaire de la communauté Luo, traditionnellement exclue du pouvoir, et il puise son électorat dans les régions les plus défavorisées de l'ouest, de la côte de l'océan Indien et du nord-est aride.

Six autres personnalités politiques sont candidates, dont certaines ont suffisamment de poids pour influencer le résultat, surtout en cas de deuxième tour.

Un favori inculpé de crimes contre l'humanité

Les traditionnelles rivalités économiques et communautaires dans le pays sont avivées par l'inculpation de Uhuru Kenyatta et de son colistier William Ruto par la Cour pénale internationale (CPI), qui les accuse d'être les principaux instigateurs des violences de 2007-2008.

Leur procès à La Haye doit commencer mi-avril, au même moment qu'un éventuel second tour de la présidentielle.

Pour Richard Dowden, directeur de la Société royale africaine britannique, qui travaille pour la coopération entre le Royaume-Uni et l'Afrique, "les inculpés sentent qu'ils n'ont rien à perdre et que leur meilleure chance est de se faire élire par n'importe quel stratagème," avec dans l'idée de défier la CPI une fois au pouvoir.

"Un scrutin dans lequel un candidat n'a rien à perdre peut virer à la guerre civile", s'inquiète-t-il.

Un héritage discutable

Traditionnel allié de l'Occident, relatif pôle de stabilité dans une Afrique orientale longtemps enlisée dans les guerres civiles, le Kenya est le pays le plus riche d'Afrique de l'Est. Plus de la moitié de la population vit toutefois avec moins d'un dollar/jour.

Le président Mwai Kibaki a fait voter la nouvelle constitution en 2010 et mené avec succès les efforts pour la croissance économique (4,5% l'an dernier) et l'éducation, enclenchant, même laborieusement, certaines réformes urgentes dans la justice, la police et le budget. Il aura passé 10 ans au pouvoir.

Sous ses présidences, le Kenya a confirmé son rôle de moteur économique en Afrique de l'Est et a diversifié ses partenariats extérieurs, en jouant notamment la carte chinoise. La croissance économique (et la dette) kényanes ont explosé.

Mais le dirigeant a beau avoir été porté au pouvoir dans l'enthousiasme populaire en 2002 sur ses promesses de lutte anti-corruption, ses mandats resteront associés à quelques uns des plus gros scandales financiers du pays et aux violences post-électorales de 2007.

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