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Bernard Trépanier collectait pour le PLQ
QMI

Le PDG de Génius Conseil, Michel Lalonde, a affirmé devant la commission Charbonneau qu'il a dû verser 2000 $ à Bernard Trépanier pour avoir le privilège de rencontrer l'ex-ministre libérale Line Beauchamp au club privé 357c de Montréal, le 26 février 2007. L'ex-argentier d'Union Montréal, dit-il, lui avait bien précisé que l'argent était amassé pour le Parti libéral du Québec.

C'est la première fois depuis le début de la commission qu'un témoin affirme que M. Trépanier, présumé au cœur du financement occulte d'Union Montréal, collectait aussi des fonds pour le PLQ.

« « Est-ce que vous vous rappelez qu'il vous a dit : "Apporte deux mille pour le Parti libéral du Québec? " », dit le procureur en chef adjoint M. Gallant « Oui. C'est ça qu'il m'a dit. [...] Pour le Parti libéral du Québec. Pour Line Beauchamp » » — Échange entre M. Lalonde et Me Gallant

Ces révélations viennent aussi contredire la version des faits de l'ex-ministre elle-même, qui affirmait, le 28 novembre dernier, que cette rencontre, tenue à sa demande, n'était pas une activité de financement pour son parti.

Michel Lalonde a fait ces révélations le 31 janvier dernier à la commission Charbonneau, dans une portion de son témoignage livrée sous ordonnance de non-publication. L'interdiction de publier ces extraits a été levée par les commissaires.

Du financement libéral au 357c

M. Lalonde affirme que c'est Bernard Trépanier qui l'a invité à cet événement vers la mi-février. Selon M. Lalonde, les deux hommes se connaissaient bien : depuis quelques années déjà, ils se concertaient pour répartir illégalement les importants contrats d'infrastructures de Montréal entre les firmes de génie qui avaient accepté de verser une ristourne de 3 % sur ces contrats.

Bernard Trépanier, a dit l'ingénieur, l'informait que les élections venaient d'être déclenchées et que Line Beauchamp, alors ministre responsable de la métropole, serait à Montréal pour un petit-déjeuner au 357c.

« Écoute, on fera le petit déjeuner puis si tu veux être présent c'est deux mille dollars », aurait-il dit à M. Lalonde.

Le PDG de Génius dit avoir apporté la somme en argent liquide le matin même et l'avoir remis « discrètement » à Bernard Trépanier dans une salle de conférences du club privé, avant l'arrivée de la ministre Beauchamp.

« Monsieur Trépanier a toujours été quelqu'un qui s'est occupé du financement politique à divers égards, puis je sais que des fois il donnait des coups de main au niveau provincial. Ça fait que moi, ça ne me surprenait pas, là. » — Michel Lalonde

Michel Lalonde n'a cependant pas pu confirmer si les autres invités présents ce jour-là ont aussi fait des contributions politiques au PLQ.

Des invités sélects

À l'époque, la ministre Beauchamp était la responsable de l'organisation de la campagne du PLQ. Son conjoint de l'époque, Pierre Bibeau, lui-même organisateur politique, figure également sur la liste des invités à cette rencontre, que le club privé a remise aux enquêteurs de la commission l'automne dernier.

Les entrepreneurs Paolo Catania, de Frank Catania et associés, et Frank Minicucci, identifié par un enquêteur de la commission comme le « bras droit » de Tony Accurso, auraient également été présents à la rencontre du 26 février, tout comme les ingénieurs Pierre Lavallée (BPR), Rosaire Sauriol (Dessau) et Yves Théberge (CIMA), et l'ex-président du comité exécutif de la Ville de Montréal, Frank Zampino.

Michel Lalonde affirme qu'il n'a pas été question de projets spécifiques lors de la rencontre. Les participants ont plutôt parlé en termes généraux du développement économique du Québec, et notamment du recours à des partenariats publics-privés.

Son appui financier au PLQ n'a cependant pas été évoqué lors de la rencontre, ce qui ne l'a pas étonné :

« Règle générale, c'est assez rare que les ministres disent : "Merci beaucoup pour l'argent que vous nous avez donné." [...] C'est plutôt dire, "Merci d'être présents, merci d'être là pour appuyer la démocratie." Ça se fait plutôt de cette façon-là. Ça fait que c'est comme ça que ça s'est passé. » — Michel Lalonde

L'ingénieur explique lors de son témoignage que Génius faisait du financement politique grâce à l'argent comptant que lui remettaient des entrepreneurs. Les firmes de génie approuvaient de faux extras sur des contrats, et les entrepreneurs leur retournaient 25 % de cette somme en argent comptant. L'argent ainsi utilisé pour des contributions politiques provenait donc des deniers publics.

Le 18 mai 2007, ce même groupe d'individus tenait une seconde rencontre au 357c. Le Parti libéral avait alors été reporté au pouvoir et la ministre Beauchamp avait été nommée ministre de l'Environnement par le premier ministre Jean Charest.

Lors de cette seconde rencontre, affirme Michel Lalonde, personne ne lui a demandé de contribution politique. Bernard Trépanier lui avait plutôt dit que la ministre avait apprécié la première rencontre, et qu'elle voulait maintenant les consulter sur les dossiers environnementaux.

Michel Lalonde dit avoir profité de l'occasion pour lui signifier que les délais d'approbation pour des projets étaient trop longs et que beaucoup d'intervenants avaient leur mot à dire. Le PDG de Génius dit avoir voulu la sensibiliser à la nécessité de revoir les procédures utilisées à l'interne.

Dans une entrevue accordée à Radio-Canada le 28 novembre dernier, Line Beauchamp avait nié que les rencontres au 357c, tenues à sa demande, avaient permis de faire du financement politique.

« Ce n'était pas des activités de financement du Parti libéral du Québec » — Michel Lalonde

Le chef de cabinet de Beauchamp appelé à la rescousse

Quelques semaines plus tard, Génius, qui avait été désigné par Frank Catania et associés pour préparer les plans et devis dans le projet résidentiel Faubourg Contrecoeur, a effectivement eu des problèmes de cette nature.

Frank Catania et associés et Génius souhaitaient que les travaux démarrent à l'automne 2007, mais trois certificats d'autorisation qui devaient être délivrés par le ministère de l'Environnement se faisaient attendre. Le fait que des couleuvres brunes pouvaient utiliser l'écosystème était au nombre des problèmes.

L'ingénieur soutient avoir parlé des retards que cette situation pouvait entraîner lors d'une rencontre avec Frank Zampino et Bernard Trépanier. Ce dernier a alors appelé directement le chef de cabinet de la ministre Beauchamp, François Crête, pour obtenir « un coup de pouce ». Il a ensuite appelé Michel Lalonde pour lui dire d'expliquer son problème de façon plus précise à François Crête.

« Tout de suite après [la rencontre], M. Trépanier a lâché un coup de fil au cabinet de la ministre de L'Environnement. Il m'a appelé, il dit : "Écoute, tu peux parler au directeur du cabinet puis lui expliquer la situation." Ça fait que j'ai parlé au directeur du cabinet... » — Michel Lalonde

Michel Lalonde raconte que, peu après, le directeur régional du Centre de contrôle environnemental, Pierre Robert, l'a appelé et l'a « sermonné », en lui disant qu'il aurait dû l'appeler directement plutôt que de passer par le bureau du ministre.

Le dossier a néanmoins progressé. Selon Michel Lalonde, il n'a fallu que « quelques jours » pour que les gens du ministère délimitent un périmètre de protection pour les couleuvres brunes. « Ça a permis de débloquer les certificats d'autorisation pertinents », a affirmé Michel Lalonde.

Les travaux prévus pour la période hivernale ont pu se dérouler comme prévu.

Un texte de François Messier, avec Bernard Leduc

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Tony Accurso

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