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Faubourg Contrecoeur : au cour du complot

Faubourg Contrecoeur : au cour du complot

Un texte de François Messier

Le témoignage de Michel Lalonde devant la commission Charbonneau sur le scandale du Faubourg Contrecoeur tend à confirmer que le projet résidentiel de 300 millions $ a été attribué à Frank Catania et associés au terme d'un vaste complot.

Selon le PDG de Génius, entendu fin janvier sous un interdit de publication qui a été levé aujourd'hui, le président du comité exécutif de la Ville de Montréal, Frank Zampino, l'argentier d'Union Montréal, Bernard Trépanier, et le directeur général de la Société d'habitation de Montréal (SHDM), Martial Fillion, ont tous bafoué, à l'époque, les règles d'octroi de contrats pour s'assurer que le résultat de l'appel d'offres favorise l'entreprise de M. Catania.

Tous auraient participé à un jeu de dupes aux dépens de la Ville de Montréal et des contribuables, car si, en apparence, le projet semblait suivre son cours normal, légal, dans les faits, il empruntait une voie parallèle et occulte.

Tant le témoignage de Michel Lalonde que celui d'Isabelle Toupin, principale enquêteuse de l'escouade Marteau dans le projet Faufil, le confirment.

La première version, officielle, est connue :

  • En 2004, la firme d'urbanistes GGBB (Groupe Gauthier Biancamano Bolduc, devenu Plania) obtient de la SHDM le mandat de préparer le plan d'affaires, l'appel de qualification et l'appel d'offres
  • En 2005, le Groupe Séguin (devenu Génius) reçoit plusieurs mandats de la SHDM pour des études de sols. Ils seront exécutés en partenariat avec Dessau et sa filiale, le laboratoire LVM
  • En 2006, GGBB lance un appel de qualification, au terme duquel Frank Catania et associés et Marton reçoivent le 1er novembre le feu vert pour soumissionner. Catania est finalement choisi par un comité de sélection, le 15 décembre
  • En mars 2007, le conseil d'administration de la SHDM approuve officiellement l'octroi du contrat à l'entrepreneur.

Mais dans les faits, le projet a très tôt emprunté une trajectoire parallèle à la voie officielle. Ainsi, selon les propres aveux de Michel Lalonde, si le groupe Séguin a obtenu ces mandats, c'est parce qu'il a sollicité officieusement les principaux acteurs dans ce dossier et grâce aux contributions politiques qu'il avait convenu de verser à Union Montréal.

Le PDG de Génius a notamment expliqué, lors de son témoignage en non-publication, que la SHDM lui a accordé divers contrats après qu'il eut sollicité privément son directeur général en 2004. « J'ai validé ça, pis ça a ben du bon sens », lui a dit Martial Fillion.

Quant à l'obtention du contrat par Frank Catania et associés, M. Lalonde soutient que, bien avant la tenue de l'appel de qualification puis de l'appel d'offres, l'entreprise était favorisée.

« On vous avait confirmé que c'était F. Catania qui l'aurait »?, a demandé Me Gallant. « Oui, c'est ça », a répondu M. Lalonde, qui précise l'avoir appris lors d'un cocktail au printemps 2005.

Bernard Trépanier était aussi au courant que l'entrepreneur était favorisé, a dit M. Lalonde.

M. Lalonde, dont la firme avait les mandats d'étude des sols avec Dessau, a admis par ailleurs avoir transmis de l'information privilégiée à plusieurs reprises à Frank Catania et associés, entre mars et septembre 2006.

« Quand on sera rendu à l'étape de s'en aller vers l'appel de qualification, assure-toi d'envoyer la version finale de tes estimés à Catania », lui a dit Martial Fillion pendant l'été. « Bernard Trépanier m'avait dit la même chose », a-t-il ajouté.

M. Lalonde a même avoué avoir eu des réunions techniques avec F. Catania, et tout ça avant l'octroi officiel du contrat à ce dernier par la SHDM en mars 2007.

L'entreprise Frank Catania et associés a été désignée par plusieurs témoins à la commission comme faisant partie d'un cartel des égouts actif à Montréal dans les années 2000. L'entreprise a aussi été liée au clan mafieux Rizzuto lors de précédents témoignages.

L'ex-président du comité exécutif de la Ville de Montréal Frank Zampino, l'homme d'affaires Paolo Catania, l'ex-président de la Société d'habitation de Montréal (SHDM) Martial Fillion et l'ex-organisateur politique d'Union Montréal Bernard Trépanier sont au nombre d'un groupe de neuf personnes arrêtées par l'escouade Marteau et accusées.

M. Fillion ne subira cependant pas son procès, il est décédé début février.

Des pots-de-vin pour Martial Fillion et Richer Dompierre

Le PDG de Genius a aussi affirmé le 31 janvier devant la commission que Bernard Trépanier lui a demandé 5000 $ pour Martial Fillion. M.Trépanier avait affirmé que l'ex-directeur général de la SHDM faisait alors des « travaux « chez lui et qu'il avait de « petits problèmes personnels » que M. Lalonde pouvait aider à régler, « puisqu'il n'avait pas été trop sollicité dans le cadre du projet Faubourg Contrecoeur ».

Michel Lalonde a remis l'argent à Trépanier et n'a pas vérifié s'il s'était bien rendu.

Michel Lalonde dit aussi qu'il a versé un pot-de-vin à l'ex-conseiller municipal Richer Dompierre, qui était responsable à l'époque de délivrer des permis dans l'arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve. Selon lui, c'est Bernard Trépanier qui lui a demandé de verser la somme, au nom de Paolo Catania, qui ne pouvait le faire. Michel Lalonde affirme que Paolo Catania l'a bel et bien remboursé par la suite.

Le rôle de Richer Dompierre, a-t-il précisé, consistait à s'assurer que le dossier cheminait rapidement, et que les permis soient octroyés dans des délais permettant aux acteurs du projet de respecter l'échéancier prévu.

François Messier, avec Bernard Leduc

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