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Borsellino admet la collusion, mais blâme Surprenant

Borsellino admet la collusion, mais blâme Surprenant

Un texte de François Messier

À la commission Charbonneau, le grand patron de Construction Garnier, Giuseppe « Joe » Borsellino, confirme que des entrepreneurs montréalais ont fait de la collusion pour se répartir des contrats de la Ville de Montréal à compter de 1995, et que le système a pris de l'ampleur au tournant du siècle.

Il soutient cependant que l'idée de mettre en place le système revient à Gilles Surprenant, un ingénieur qui a longtemps préparé les plans et devis pour les projets d'égouts à la Ville avant de prendre sa retraite en novembre 2009. Ce dernier a livré une toute autre version des faits lors de son témoignage, en octobre.

Giuseppe Borsellino dit que Gilles Surprenant a suggéré que les entrepreneurs se partagent les contrats dès la première rencontre qu'il a eue avec lui, en 1990. La conversation s'est déroulé aux abords d'un chantier pour un contrat d'égout sur la rue Roy. Il s'agissait du premier contrat d'envergure que Garnier avait raflé à la Ville.

Borsellino dit qu'il n'a pas entendu parler à nouveau de Gilles Surprenant avant 1995. L'ingénieur l'a alors convoqué à une rencontre au restaurant avec Paolo Catania, de Frank Catania et associés, et Johnny Piazza, de Piazza Construction.

C'est à cette occasion que Gilles Surpenant aurait alors proposé de gonfler des contrats au profit des seuls trois entrepreneurs présents à cette rencontre. Ce fut le début du système de collusion, a dit Borsellino. Selon lui, les trois entrepreneurs ont ensuite commencé à se répartir des contrats et versaient une somme d'argent à Gilles Surprenant.

Le témoin affirme que le système a ensuite pris de l'ampleur avec l'arrivée de nouveaux joueurs, vers les années 2000. Catcan, ATA, TGA et Infrabec se sont notamment joints au groupe, a dit Borsellino. Mirabeau, Conex et Excavations Super étaient aussi vraisemblablement dans le coup, a dit Borsellino, qui a insisté pour dire qu'il ne pouvait l'affirmer avec certitude.

« C'est gros ce que vous nous dites cet après-midi », a fini par rétorquer le procureur Tremblay, qui avait visiblement peine à croire à cette version des faits. Il a souligné qu'elle contredit totalement celle livrée par Gilles Surprenant lors de son passage devant la commission. Ce dernier avait plutôt souligné que l'un des trois entrepreneurs lui avait dit lors de cette rencontre : « Si on peut manger un peu plus, d'autres vont pouvoir manger ».

Le procureur Tremblay s'est aussi demandé comment un système collusoire aurait d'abord pu être organisé avec seuls trois des entrepreneurs oeuvrant à Montréal. Il s'est aussi demandé pourquoi Borsellino aurait été invité à la rencontre par Gilles Surprenant, alors qu'il n'était, selon ses dires, qu'un joueur mineur à ce moment. Gilles Surprenant avait plutôt dit que Garnier, Frank Catania et associés et Piazza Construction étaient les joueurs majeurs dans le domaine des égouts.

Un nom évoqué à plusieurs reprises

Voir : Le profil d'affaires de Guiseppe Borsellino

Le nom de Joe Borsellino a déjà été évoqué à plusieurs reprises devant la commission. Il a notamment été associé à un cartel d'entrepreneurs actifs à Montréal dans les années 2000 par l'ex-propriétaire d'Infrabec Lino Zambito, le patron de Terramex Michel Leclerc et les ingénieurs retraités de la Ville de Montréal Gilles Surprenant et Luc Leclerc.

Lors de son témoignage, Lino Zambito a affirmé que Garnier Construction faisait partie du cartel des égouts actif à Montréal au cours des années 2000. Il a soutenu que ces entreprises devaient verser 2,5 % de la valeur des contrats truqués obtenus à Nicolo Milioto, alors dirigeant de Mivela Construction, un homme identifié comme un intermédiaire entre les entrepreneurs et le clan mafieux Rizzuto par un enquêteur de la commission. Des véhicules de Garnier avaient d'ailleurs été vus par la GRC près du café Consenza, quartier général de la mafia, lors de l'opération Colisée entre 2002 et 2006.

L'ex-entrepreneur avait précisé que les mêmes entrepreneurs versaient une autre ristourne de 3 % sur les contrats obtenus à Nicolo Milioto pour le financement d'Union Montréal, et ce, à compter de 2005 ou 2006.

En octobre dernier, Gilles Surprenant a aussi désigné Garnier Construction comme une des dix entreprises de construction impliquées dans un système de collusion à la Ville de Montréal entre 2000 et 2008. M. Suprenant a révélé avoir reçu quelque 700 000 $ en pots-de-vin de la part des membres de ce cartel, dont 102 500 $ de Giuseppe Borsellino.

Luc Leclerc, qui a longtemps été ingénieur chargé de la surveillance des chantiers à la Ville de Montréal, a aussi dit qu'il recevait de l'argent de Giuseppe Borsellino, en échange de l'approbations de faux extras. Il dit avoir déjà reçu 25 000 $ en argent comptant de ses mains.

De son côté, Michel Leclerc de Terramex a expliqué avoir découvert la réalité de la collusion à Montréal au contact de Giuseppe Borsellino, à la fin des années 1990. Ce dernier lui avait alors, à deux reprises, demandé de se « tasser » pour des contrats lancés par la Ville de Montréal en 1997.

À la première occasion, a-t-il dit, Giuseppe Borsellino lui a offert 50 000 $ pour qu'il se retire d'une soumission qu'il avait remportée. Michel Leclerc a raconté que quelques jours après avoir refusé l'offre, M. Borsellino et un autre homme l'avaient intercepté dans son camion pour insister de nouveau, mais en vain. « Il y a eu un petit peu d'intimidation », a-t-il dit.

« Dans les jours qui ont suivi cette rencontre-là, on a eu un appel à la bombe au bureau, et puis on a eu de l'équipement qui a été volé et endommagé. J'en ai déduit que c'était peut-être en rapport avec cet événement-là », a conclu Michel Leclerc.

Michel Lalonde a aussi déclaré la semaine dernière qu'il avait déjà autorisé de faux extras réclamés par Garnier Construction. Génius recevait 25 % de ces sommes volées aux contribuables en argent comptant, a-t-il dit, ce qui lui permettait de faire du financement politique illégal.

Son nom était aussi ressorti lorsqu'il a été révélé que l'ex-grand patron des travaux publics à la Ville de Montréal, Robert Marcil, avait remis sa démission en juin 2009 après avoir été interrogé par des enquêteurs de la Ville au sujet d'un voyage en Italie en sa compagnie. Jocelyn Dupuis était également du voyage.

Aucun de ces sujets n'a été abordé par le procureur Tremblay lundi après-midi.

Un texte de François Messier et Bernard Leduc

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