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Affaire embarrassante pour une juge de la Cour du Québec

Affaire embarrassante pour une juge de la Cour du Québec
gavel handcuffs and books on...
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Une juge de la Cour du Québec et son conjoint se sont retrouvés dans une situation délicate après avoir tenté de se faire rembourser des travaux effectués au noir.

Cette cause pour le moins inusitée s'est déroulée en novembre dernier au palais de justice de Laval, où la juge Ellen Paré et son conjoint Jean Robitaille réclamaient 7000 $ à une entreprise pour des travaux vraisemblablement mal faits dans la cuisine de leur résidence.

Selon le jugement dont Radio-Canada a obtenu copie, Mme Paré et son conjoint s'étaient entendus avec l'entreprise Atelier Granite pour l'installation d'un nouveau comptoir de granite dans leur cuisine.

Le couple, qui a constaté la présence de fissures sur le comptoir fraîchement installé, a demandé à l'installateur de procéder à la réparation de la surface. L'apparition d'autres fissures sur le comptoir a alors plongé le couple dans un litige avec Atelier Granite, qui a été porté devant la Cour des petites créances.

Sans contrat ni facture

Mais lors de l'audience, le juge Jimmy Vallée, qui a demandé aux parties de présenter leurs documents et factures, a constaté que les plaignants n'avaient ni facture ni contrat en bonne et due forme liant le couple et Atelier Granite. Seul un document sur lequel étaient écrits les travaux à effectuer, sans TPS ni TVQ, a été présenté à la cour.

C'est ainsi que le juge Vallée a constaté que les travaux avaient été réalisés au noir, c'est-à-dire sans facture officielle et payés comptant pour éviter de verser les taxes.

Considérant que les travaux avaient été faits « dans le but ultime de priver la collectivité de taxes et d'impôts » et « que les parties ne semblent même pas vouloir s'en cacher ! », le juge Vallée a déclaré nul le contrat qui liait le couple à l'entreprise de granite.

Dans son jugement, le magistrat de la Cour des petites créances écrit que cette affaire « va à l'encontre de l'ordre public » et que ce contrat a été fait « en contravention des lois fiscales pour des paiements cash ».

Le juge a néanmoins accordé un remboursement de 1500 $ au couple, considérant que sa requête était fondée en partie seulement.

Une situation délicate

La juge Ellen Paré se retrouve dans une situation délicate, selon le professeur du centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal, Pierre Noreau. Le professeur rappelle en effet que le code de déontologie des juges prévoit que ces derniers ont un devoir d'intégrité.

« Ce qu'inclut la question de l'intégrité, c'est un peu la question de la probité, de l'honnêteté, et ce sont des devoirs que l'on trouve importants et qui sont associés à la figure du juge, une figure d'autorité », explique M. Noreau.

Il ajoute que si une plainte est portée contre la juge, ce qui n'est pas arrivé pour l'instant, elle pourrait encourir des sanctions.

« Soit la destitution d'un côté, qui est la sanction la plus importante, soit la réprimande, qui est une sanction moins grave, mais qui reste quand même pour les juges une sanction importante au plan symbolique », précise Pierre Noreau.

La juge Ellen Paré a refusé de commenter cette affaire. À la Cour du Québec, qui est l'employeur de la juge Paré, on nous a expliqué que « considérant les recours possibles devant les instances judiciaires », on préférait s'abstenir de tout commentaire.

D'après un reportage de Normand Grondin