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Les gènes, clef du terrier de la souris et de la sociabilité des fourmis

Les gènes, clef du terrier de la souris et de la sociabilité des fourmis
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SCIENCE - Quel est le point commun entre la forme du terrier creusé par la souris des dunes et l'organisation sociale des fourmis de feu ? Ces comportements complexes, et pourtant innés, sont gouvernés par les gènes, selon des études publiées mercredi.

Les chercheurs s'intéressent depuis longtemps à l'influence de la génétique sur la morphologie des animaux et ont déjà appris beaucoup à ce sujet. Mais l'apparition et l'évolution de comportements propres à certaines espèces, transmis d'une génération à une autre, restent encore largement mystérieuses.

Le gène de la "sortie de secours en cas de pépin"

Jesse Weber et ses collègues biologistes de l'Université américaine de Cambridge, ont apporté la preuve que ce sont bien les gènes qui poussent la souris des dunes (Peromyscus polionotus) à creuser des terriers beaucoup plus sophistiqués que ses cousines sylvestres.

Les souris des dunes creusent toutes des terriers dotées d'un long tunnel d'entrée menant à leur nid, complété par un "tunnel de secours" dont l'extrémité s'arrête juste sous la surface du sol, ce qui leur permet de s'échapper facilement au cas où un prédateur pénètre par l'entrée principale.

Par comparaison, la souris sylvestre (Peromyscus maniculatus) se contente d'un terrier plus simple, court et dépourvu d'issue de secours. On pense que la souris sylvestre n'aurait tout simplement pas eu besoin de développer un style de terrier aussi complexe que sa cousine des dunes qui évolue dans un habitat plus ouvert et donc plus dangereux.

Jesse Weber et son équipe ont croisé les deux espèces pour observer le comportement fouisseur de leurs rejetons. Les hybrides adoptaient les mêmes tunnels complexes que la souris des dunes, signe qu'il s'agit d'un caractère dominant, transmissible de génération en génération.

Les chercheurs ont alors croisé ces hybrides avec des souris sylvestres afin d'identifier les gènes responsables du comportement fouisseur.

Ils ont découvert que la taille du tunnel d'entrée est gouvernée par au moins trois emplacements d'un gène sur un chromosome ("locus"), alors que l'existence d'un tunnel de secours est liée à un seul et unique locus, différent des précédents.

Un "supergène" de la tolérance chez les fourmis

Ce comportement individuel est donc essentiellement le résultat de l'évolution de la souris des dunes et s'est construit à partir de "modules" génétiques distincts. Un phénomène qui pourrait expliquer un grand nombre des comportements observés dans la nature, conclut l'étude publiée dans la revue britannique Nature.

Chez les fourmis de feu (Solenopsis invicta), d'autres chercheurs ont même réussi à identifier le "supergène" responsable d'un comportement complexe non plus individuel mais social.

Cette espèce de fourmi adopte en effet deux types d'organisation très différents. Dans la première, la colonie ne renferme qu'une seule et unique reine, grosse et très féconde, dans l'autre elle abrite plusieurs reines à la taille et à la fertilité plus modestes.

Dans les colonies comptant plusieurs reines, dites "polygynes", les ouvrières acceptent plusieurs reines, alors que chez les colonies "monogynes", elles n'en tolèrent qu'une seule.

La clef de ce comportement est contenue dans un "supergène", un regroupement coordonné de 600 gènes transmissible d'une génération à l'autre, révèle une autre étude publiée dans Nature.

D'un côté, les fourmis porteuses d'une variante génétique dite "BB" ne tolèrent qu'une seule reine. De l'autre, les fourmis porteuses de la variante "Bb" en acceptent plusieurs, à condition que ces reines elles aussi soient du type "Bb". Les ouvrières reconnaissent et tuent en effet toute reine "BB" qui s'approche de leur fourmilière.

Quant aux ouvrières ou reines "bb", le problème ne se pose pas car il s'agit d'individus non viables, qui meurent prématurément et ne peuvent donc se reproduire.

"On connaît des cas où les supergènes affectent des traits complexes, mais c'est la première fois qu'on démontre qu'un supergène commande un comportement complexe de nature sociale, chez quelque animal que ce soit", souligne Andrew Bourke, biologiste à l'Université britannique d'East Anglia, interrogé par l'AFP au sujet de cette étude.

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