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Ici Chez-soi de l'ONF: Mark, parler à son père

de l'ONF: Mark, parler à son père

Hallucinations et angoisses font partie du quotidien de Mark, un homme qui a accepté de se livrer au réalisateur Manfred Becker à Toronto pour le documentaire Web Ici, Chez soi.

Ici, Chez soi est un documentaire Web de l'ONF dans les coulisses de Chez soi, une grande enquête de la Commission de la santé mentale du Canada pour stopper l'itinérance chronique. Le concept? Donner un toit aux sans-abri.

Immigrant, Mark a fui le régime communiste de la Pologne pour le rêve nord-américain. Déception: ici, il a dû lutter pour sa survie, affecté par des problèmes de santé. L'immigration est l'une des priorités des chercheurs du projet Chez soi à Toronto, qui veulent comprendre comment traiter la maladie mentale et l'itinérance chronique chez les Néo-Canadiens.

Mark se souvient de sa date de défection du bloc de l'Est : c'était le 23 février 1983, à l’occasion d’un échange étudiant en France. Pianiste, il a longtemps rêvé d'une carrière dans l'industrie du divertissement. Interviewé par mon collègue Oisin Curran, Mark nous a confié que c'est en 2004 que sa santé mentale s'est dégradée et qu'il a connu l'itinérance chronique pour la première fois. Il a été soigné un temps à CAMH, un hôpital spécialisé de Toronto.

Le court métrage Douleur réelle est un portrait sensible et profondément humain, où poésie et réalisme se côtoient. Mark y parle de sa relation à son père, un homme sévère qui semble avoir eu beaucoup d'emprise sur lui. Il avoue aussi candidement appréhender le 31 mars 2013, le jour où doit se conclure l'étude scientifique Chez soi. Devra-t-il déménager, quitter son logement? Recevra-t-il les soins et le soutien nécessaires pour continuer à se rétablir? Sera-t-il laissé à lui-même?

Souvenirs d'enfance

Période importante pour tout le monde, l'enfance est un réservoir de souvenirs marquants et parfois même de traumatismes pour de nombreux individus touchés par des problèmes de santé mentale. Les abus physiques, sexuels et émotionnels peuvent laisser des traces et être associés à des problèmes de santé mentale qui surviennent plus tard, comme une dépendance à la drogue et à l'alcool ou une dépression.

À leur entrée dans le projet, de nombreux participants comme Mark ont vécu une période euphorique, souvent associée à leur déménagement. Forgée durant l'enfance, l'estime de soi de personnes en situation d'itinérance chronique est parfois à un niveau très bas; plusieurs croient qu'ils ne méritent tout simplement pas d'être logés. « Avoir un toit est un droit fondamental, nous rappelle pourtant Sonia Côté, coordonnatrice de Chez soi à Montréal. La croyance qu'ils ne méritent pas d'être logés est très répandue chez les participants. »

De façon imagée, Mark nous parle de son père, allant même jusqu'à imaginer sa présence. Le suivi psychologique et psychiatrique est une composante intégrale du projet : Bouchra, travailleuse sociale qui suit Mark, est l'une des nombreuses intervenantes en mesure de suivre le progrès des participants.

À Montréal, la réalisatrice Sarah Fortin a justement raconté l'histoire de Dre Plante, une psychiatre qui reçoit des participants dans son bureau pour parler de leurs défis quotidiens. Souvent, certaines attitudes difficiles à transformer ont été adoptées dès l'enfance, en réaction à une situation difficile ou un obstacle de la vie. La stigmatisation et le sentiment d'être différent font partie du lot des personnes atteintes d'un problème de santé mentale.

Testé sur des humains

Mark, comme près de 2000 autres individus, est l’un des sujets d’une des plus vastes enquêtes scientifiques menées sur des populations atteintes de problèmes de santé mentale et d’itinérance chronique. De nombreuses questions éthiques ont été soulevées bien avant que les premiers participants soient logés; un comité de pairs (des personnes touchées par la maladie mentale ou l’itinérance) a été mis sur pied pour s’assurer que la recherche ne se fasse pas au détriment du bien-être à long terme des sujets.

Parmi tous les participants logés rencontrés pour le documentaire Web Ici, Chez soi, Mark est l’un des rares qui s’est avoué anxieux en se demandant ce qui lui arrivera après la fin de l’étude, le 31 mars 2013. Après cette date, il pourra probablement conserver son logement pour au moins un an, mais il n’est pas certain que la travailleuse sociale qui l’accompagne sera toujours en poste. Malgré le stress, Mark est reconnaissant. « J’aimerais que ce programme continue pour encore 10 ou 20 ans. Il m’a donné un toit ».

Paula Goering, une chercheure de Toronto engagée dans l’élaboration de l’étude, sait que ce n’est pas facile de mener une étude d’une telle envergure, avec un groupe en traitement (qui reçoit un logement) et un groupe-témoin (qui n’en reçoit pas). Pour y arriver, l’équipe de chercheurs doit collecter des données empiriques de la façon la plus objective possible. Les participants des deux groupes font face à des questionnements bien différents.

« On ne peut pas présumer que la vie des gens s’améliore avec l’approche de Logement d’abord, sauf si on les compare à ceux qui ont uniquement accès aux services existants. Intellectuellement, c’est logique, surtout que cette étude représente une occasion unique. Mais d’un autre côté, la distribution aléatoire dans un groupe-témoin rend le rapport avec les participants non logés plus difficile pour les chercheurs », rappelle Paula Goering.

Réaliser un documentaire Web dans de telles circonstances ajoute une autre dimension aux rapports interpersonnels entre les participants, les chercheurs et le personnel de suivi : Comment être fidèle à l’histoire complexe d’un être humain dans un court métrage de quatre minutes tourné en une journée? C’est une préoccupation constante pour Manfred Becker, réalisateur du court métrage Douleur réelle sur Mark, participant logé de Chez soi à Toronto. Montrer l’humanité de chaque participant est le seul moyen d’atteindre cet équilibre fragile.

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