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Guy Turcotte : les médias tenus à distance

Guy Turcotte : les médias tenus à distance

Jugé apte à être libéré par la Commission d'examen des troubles mentaux, mercredi, Guy Turcotte devait recouvrer sa liberté jeudi en quittant l'Institut Philippe-Pinel de Montréal. On ignorait toutefois s'il se trouvait toujours dans l'établissement, en fin de soirée.

Les médias ont reçu une mise en demeure en fin de journée, les sommant de s'éloigner de l'entrée de l'institution. Les avocats de l'hôpital estiment que la présence des médias sur les lieux « cause un préjudice certain, important et sérieux à tous les membres du personnel, à tous les patients hospitalisés ou en suivi ».

Il est également écrit dans le document que filmer ou photographier l'Institut Philippe-Pinel, qui est un lieu privé, est illégal au regard de l'article 36 du Code civil du Québec. Si la mise en demeure n'est pas respectée, les avocats entameront « les procédures nécessaires pour faire respecter les droits » de l'établissement.

M. Turcotte, qui a été reconnu non criminellement responsable du meurtre de ses deux enfants, est libre de quitter l'établissement de psychiatrie, mais doit respecter certaines conditions.

L'équipe de psychiatres qui l'a suivi estime qu'il n'est pas malade et qu'il ne représente plus un danger pour la société.

Le point de vue du psychiatre

Le psychiatre de l'Institut Philippe-Pinel Louis Morissette estime que la colère d'une frange de la population est attribuable à une incompréhension du fonctionnement de la Commission d'examen des troubles mentaux. « On ne revient pas sur le jugement, mais je crois que le bât blesse beaucoup au niveau de la population parce que beaucoup de personnes ne comprennent pas et ne sont pas d'accord avec le verdict », avance M. Morissette. « Ça, c'est une chose. Il y a un appel à ce niveau-là. »

Le psychiatre souligne que le rôle de la Commission d'examen est uniquement d'évaluer le danger que pourrait représenter M. Turcotte pour la société aujourd'hui.

« Il a appris à reconnaître son monde intérieur. Il a appris à lire les émotions qui l'habitent. À ce moment-là, il est capable de ne pas accumuler, de ne pas laisser la tension monter. Aujourd'hui, quand il vit une forme d'inconfort psychologique, il va chercher l'information, il va chercher à l'intérieur de lui [...] », exlique Dr Morissette.

La libération de M. Turcotte est conditionnée à la poursuite de son traitement en psychothérapie. Il doit aussi éviter tout contact avec Isabelle Gaston, la mère des victimes, en plus de l'obligation de se présenter chaque année devant la commission et de « garder la paix ». Sa future résidence devra également être approuvée par l'Institut.

De l'injustice, selon Isabelle Gaston

Son ex-conjointe continue de crier à l'injustice. Elle a d'ailleurs lancé un appel à des changements dans le système : « Même si je m'investis à faire changer le système de justice, à l'heure actuelle, s'il ne change pas, si les ministres, les sous-ministres, le Barreau et le Collège des médecins ne changent pas leur façon de faire, on va continuer à avoir des injustices comme celle-là ».

Mme Gaston croit qu'il y a un laxisme entourant le travail des témoins experts - une opinion qu'elle dit partagée par plusieurs juristes - et elle déplore l'absence de mesures de contrôle en cette matière. « On peut avoir un point de vue, mais il faut qu'il soit défendable, il faut qu'il soit - peu importe le parti pour lequel on est - démontrable », soutient-elle. Elle ajoute que, selon elle, les témoins experts prennent parti au détriment de leurs devoirs scientifiques.

Mme Gaston dénonce ce qu'elle estime être une instrumentalisation de la médecine pour justifier le recours à l'article 16 du Code criminel concernant l'irresponsabilité criminelle.

Elle précise que la loi prévoit plusieurs niveaux de préméditation d'un meurtre justement pour tenir compte des prédispositions d'un accusé. Elle estime que le système de justice est en train d'étirer des concepts légaux.

Malgré tout, Mme Gaston juge que la décision des trois commissaires « était la plus adéquate et la seule que j'espérais être prise. En raison de la jurisprudence, je ne crois pas qu'ils auraient pu être plus sévères ».

Sorties progressives

Guy Turcotte était détenu à l'Institut Philippe-Pinel depuis la fin de son procès, en juillet 2011. Depuis juin dernier, il a progressivement bénéficié de sorties avec accompagnement, puis sans accompagnement.

Lors des audiences de la Commission d'examen des troubles mentaux, mercredi matin, l'ex-cardiologue avait demandé une remise en liberté inconditionnelle, en s'engageant à poursuivre sa psychothérapie. Selon les experts qui l'ont rencontré, Guy Turcotte ne représente plus aucun danger pour le public ni pour son ex-conjointe.

Son psychiatre, le Dr Pierre Rochette, disait cependant croire qu'une libération inconditionnelle serait prématurée, en raison du taux de progression de la psychothérapie.

Guy Turcotte a tué ses deux enfants de 3 et 5 ans en février 2009. Il a été reconnu non criminellement responsable de leur mort en juillet 2011.

La Couronne a cependant interjeté appel de ce verdict de non-responsabilité criminelle.

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