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La deuxième chance de Hélie

La deuxième chance de Hélie

À moins de deux ans des Jeux olympiques de Sotchi, Louis-Pierre Hélie a pris un pari risqué (joue le tout pour le tout) : celui de changer de discipline. S'il chausse encore les bottes de ski, c'est en ski-cross qu'il tentera désormais de faire sa place et ce, dès samedi lors des Championnats nationaux à Nakiska.

Un texte de Manon Gilbert

Il faut dire que le Québécois n'avait pas vraiment le choix. Comme il n'avait plus sa place au sein de l'équipe canadienne de ski alpin, c'était le ski-cross ou la réalité d'un vrai boulot. Avec un budget réduit, Canada Alpin a décidé de concentrer tous ses efforts sur les athlètes qui avaient de bonnes chances de se distinguer en Russie.

Et comme plusieurs blessures (déchirure du ligament antérieur et commotion en 2010, fracture du pied en 2012) ont ralenti sa progression durant les deux dernières saisons - il n'a réussi que deux tops 25, ses deux seuls en carrière -, il ne figurait dans le top 30 d'aucune discipline en Coupe du monde. C'est là une condition sine qua non pour voir son nom sur la liste contingentée de Canada Alpin publiée à la fin avril.

Sauf que Paul Kristofic, alors entraîneur-chef de Canada Alpin et maintenant vice-président de l'instance nationale qui regroupe l'alpin et le ski-cross, ne voulait pas gaspiller un tel talent. Il savait que le style fonceur et énergique, ainsi que le gabarit du natif de Berthierville convenaient parfaitement au ski-cross. Il lui a donc fait une offre difficile à refuser.

« Je voulais rester dans le ski. Paul m'a proposé de faire le saut en ski-cross. Je n'ai rien à payer, je suis déjà sur l'équipe nationale et je vais faire des Coupes du monde au moins jusqu'en janvier [NDLR : ses résultats détermineront la suite des événements], a raconté Hélie. Dans ma tête, ça sonnait bien! »

Comme argent sonnant. Parce qu'il aurait pu continuer à skier sous les couleurs de l'équipe canadienne, mais comme indépendant. Il aurait alors dû payer ses entraînements et ses compétitions... et sortir de sa poche entre 25 000 à 30 000 $ par année, ce que fait le Québécois Jeffrey Frisch depuis deux saisons.

L'ancien skieur alpin n'a mis qu'un gros deux heures avant d'accepter l'offre de Kristofic, le temps de téléphoner à Erik Guay et Brady Leman, qui a savouré deux victoires en Coupe du monde de ski-cross la saison dernière, pour savoir ce qu'ils en pensaient.

« Je lui ai dit de foncer. C'est un bon skieur, il est costaud. Ça reste à voir s'il va être bon. Il faut être souple pour amortir les sauts et ne pas se blesser, comme le fait Chris Del Bosco très bien », a dit Guay.

Leman a fortement encouragé son ancien coéquipier à raccourcir ses planches. D'ailleurs, Hélie avait failli suivre Leman en 2008, mais il avait décidé de se donner une autre chance en alpin. Pari réussi puisqu'il a été sacré champion du classement général de la Coupe Nor-Am en 2009, ce qui lui a ouvert toutes grandes les portes du grand cirque blanc.

Plus fatigué qu'en alpin

Membre de l'équipe de développement, Hélie a donc passé l'été à apprivoiser sa nouvelle discipline. Au chapitre de la vitesse et des virages, aucun problème. Après tout, ce ne sont pas des parcours à 80 km/h qui vont demander bien des ajustements à un athlète habitué à titiller les 120-130 km/h. Mais les similitudes s'arrêtent là.

Une fois la technique de départ maîtrisée - il se faisait battre par de plus petits que lui, mais il paraît que c'est maintenant l'une de ses forces -, Hélie a dû apprendre à passer les bosses.

« En alpin, l'approche des sauts est plate, alors qu'en ski-cross, elle est à angle (comme en ski acro), ce n'est pas la même façon d'absorber, explique celui qui a fini 13e de la descente de Val Gardena il y a deux ans. Au début, quand je prenais les sauts, j'essayais de les absorber comme en descente, mais je volais peut-être 10 mètres plus haut que les autres. »

D'ailleurs, le skieur de 26 ans en a eu pour son argent à l'entraînement, tellement brulé qu'une petite sieste en après-midi s'imposait. Alors, ne lui parlez pas du mythe que les adeptes de ski-cross fêtent plus qu'ils ne s'entraînent.

« D'abord au gym, on travaille 3 heures au lieu de 2 parce qu'on doit travailler le haut du corps (pour les départs), ce qu'on ne faisait jamais en descente parce que c'est un poids de plus que tu ne veux pas. En alpin, après cinq super-G, ta journée est finie. En ski-cross, on fait huit descentes du parcours, ensuite, on travaille les départs, puis on termine avec les sauts. C'est presque une journée complète sur la neige. »

Après trois camps d'entraînement, le skieur de 26 ans ne regrette pas sa décision. La sécurité, grandement remise en question en début d'année après la mort de son compatriote Nik Zoricic, ne l'inquiète pas non plus. Même que le côté stratégique du ski-cross lui procure des émotions qu'il n'avait jamais ressenties en alpin.

« En descente, l'adrénaline, c'est quand tu pars. Après ça, tu dois rester concentré sur ce que tu as à faire. Mais en ski-cross, c'est de haut en bas parce que si tu es premier, il faut que tu le restes jusqu'à la fin. En alpin, tu dois aussi suivre une ligne de course, mais pas en ski-cross parce qu'il faut couper les petits espaces où quelqu'un peut passer. C'est trippant », affirme Hélie qui avait terminé 30e du super-combiné des Jeux de Vancouver.

Vive les imprévus!

Justement, le fait de se retrouver à côté de trois autres adversaires représente son plus gros défi, mais, en même temps, son plus grand allié parce que tout peut arriver. On se souvient de la chute du Montréalais Chris del Bosco en finale des Jeux olympiques. Adieu le bronze.

Et Hélie sait très bien que ces impondérables pourraient lui permettre de réaliser son rêve. Parce que même s'il a changé de sport, l'objectif ultime demeure le même.

« J'ai toujours rêvé d'avoir une médaille aux Jeux olympiques. Le rêve change de direction, mais ce n'est pas vraiment loin. C'est une occasion d'aller aux JO en ski-cross. Ce n'est pas un rêve en dessous de celui du ski alpin, qui était d'être le meilleur, c'est un rêve égal. »

Avant de penser à Sotchi, Hélie se tourne vers le Championnat du monde de 2013, ce qui représenterait une belle étape de transition entre les Coupes du monde et les JO. Et s'il se qualifie pour une ou deux finales en Coupe du monde, il aura atteint son objectif... pour 2012-2013.

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