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Les défis de Mark Oldershaw

Les défis de Mark Oldershaw

Aux Jeux olympiques de Londres, Mark Oldershaw a accompli ce qu'aucun autre membre de sa famille n'avait fait jusque-là : décrocher une médaille. Mais c'est à grands coups de persévérance que l'Ontarien a réussi là ou son grand-père, son père et ses deux oncles avaient échoué en six participations olympiques.

Un texte de Manon Gilbert

Médaillé de bronze en C-1 1000 m, Oldershaw ne l'a pas eu souvent facile. Pas autant que son meilleur ami Adam van Koerverden à qui le succès colle à la peau. Avec l'argent en K-1 1000 m, sa quatrième récompense olympique, van Koeverden est devenu le pagayeur le plus décoré de l'histoire du Canada.

Et ce n'est pas par manque d'efforts qu'Oldershaw ne rivalisait pas au chapitre des résultats avec son partenaire d'entraînement kayakiste. Assez que l'Ontarien s'est souvent demandé s'il finirait un jour par récolter le fruit de ses efforts.

« Je m'entraîne fort, mais je ne sais pas s'il y a quelqu'un qui s'entraîne aussi fort qu'Adam, tient à souligner d'entrée Oldershaw. Je ne me comparais pas à Adam intentionnellement. J'essayais de ne pas le faire, mais c'est difficile quand vous côtoyez quelqu'un qui a autant de succès. Je m'entraînais fort et je voulais réussir autant que lui. Somme toute, il y a plus de positif que de négatif parce qu'Adam est quelqu'un de très inspirant. »

Il reste que le canoéiste de 29 ans a dû ravaler sa fierté à quelques reprises, comme en 2002 quand il a été le seul canoéiste canadien à quitter les Championnats du monde les mains vides. Même scénario quatre ans plus tard.

Mais c'est en 2003 que son avenir d'athlète a pris un dur coup. Van Koeverden et lui rêvaient de leurs premiers Jeux olympiques à Athènes. Pendant que son frère d'eau du club de Burloak s'illustrait avec deux médailles en Grèce, Oldershaw se remettait de deux chirurgies pour retirer une tumeur bénigne sur un nerf de sa main droite... celle qui donne toute l'impulsion à son coup de pagaie.

Pendant une bonne année, de terribles douleurs chroniques l'empêchaient de dormir plus d'une trentaine de minutes. Malgré la souffrance et la frustration, le champion du monde junior de 2001 a refusé d'abdiquer. Avec l'aide de son frère, il a mis au point un dispositif pour attacher le bas du manche de sa pagaie à son poignet droit. Une trouvaille qui l'a aidé à finir 4e aux essais nationaux. De quoi maintenir bien en vie le rêve de Pékin, malgré une fracture à la même main en 2007!

L'aventure en Chine s'est toutefois avérée une véritable déception. Cinquième au 500 m des mondiaux l'année précédente, le natif de Burlington visait réalistement la finale. Son élimination en demi-finale, par près d'une seconde, lui a scié les jambes.

« Après Pékin, je me disais que je n'étais peut-être pas assez bon. Je m'étais entraîné tellement fort et j'avais fait de bonnes choses, mais ça n'a pas fonctionné comme je le voulais. Je me suis mis à douter. Ça m'a usé. Vous devez croire en vos moyens même si plusieurs personnes vous disent que vous ne gagnerez jamais cette médaille. Il ne faut pas seulement rêver. Il faut continuer à travailler et à se fixer des objectifs. »

Inspiré par son grand-père et sa copine

Toute l'abnégation d'Oldershaw a fini par porter ses fruits le 8 août 2012, une journée qui restera à jamais gravée dans sa mémoire. Tellement qu'il a écrit un long blogue de sept pages sur son site Internet pour être certain de ne pas oublier une seule minute de LA course de sa vie.

Ironiquement, ce n'est pas tant la course en tant que telle qui lui laisse son plus beau souvenir. Trop de douleur. Trop d'acide lactique. Tellement de sel dans les yeux qu'il ne voyait que la pointe de son embarcation. Même sa mère a traversé ses pensées à mi-parcours. C'est peut-être ce qui explique son impassibilité une fois la ligne d'arrivée franchie.

Ce que le canoéiste de Burlington chérit, c'est plutôt cet état de grâce juste avant la mise à l'eau de son embarcation. Chariots of fire qui jouait dans son iPod, un air inspirant pour l'occasion. Sa balade le long du parcours avant de se rendre à la tente pour récupérer son canoë. Ce sentiment de solitude malgré la foule. Son père et entraîneur Scott qui l'a aidé à transporter son embarcation jusqu'aux quais. Homme de peu de mots, Scott lui a dit qu'il avait fait tout ce qu'il avait à faire, il n'avait qu'à aller vite et il pouvait y arriver.

Inspiré par son grand-père Bert, dont il avait apporté la pagaie de bois utilisé lors des JO de 1948, le petit-fils a pris place dans son canoë et a passé sa main sur son nom de famille inscrit sur le côté, question de lui porter chance. La course pouvait commencer.

« C'est comme si, à ce moment, toute ma vie a pris son sens, beaucoup plus que lorsqu'on m'a remis la médaille, a confié l'auteur de sept victoires en Coupe du monde. Je me sentais tellement prêt, tellement heureux. Je me disais de profiter pleinement de mon expérience peu importe ce qui arrive parce que dans moins de quelques minutes, elle allait être chose du passé. Mais c'est sûr que d'avoir gagné une médaille, ça aide à apprécier tout ce que j'ai vécu avant. »

Tout près de lui, Oldershaw pouvait compter sur quelqu'un qui lui a souvent rappelé, durant l'été, l'importance de profiter de chaque moment. En mars dernier, Annamay Pierse, vice-championne du monde du 200 m brasse en 2009 et détentrice du record du monde sur la distance jusqu'au 1er août, a raté ses sélections olympiques à Montréal. C'est sur les costaudes épaules de son de copain que la nageuse, longtemps affectée par la maladie de dengue contractée aux Jeux du Commonwealth de 2010, a versé toutes les larmes de son corps avant d'affronter les journalistes.

« Ce que j'ai retenu de tout ce qu'a vécu Annamay, c'est que vous devez profiter de chaque occasion qui vous est offerte parce que vous ne savez pas ce que la vie vous réserve, assure celui qui a pratiquement appris à pagayer avant de marcher. Peut-être que je n'aurai jamais une autre occasion de participer aux Jeux, alors je devais tout faire pour me préparer adéquatement. »

Et Oldershaw est passé de la parole aux actes. Reconnu pour cette fin de course explosive, il a réussi à gérer cette fois, ce qui lui a souvent fait défaut dans le passé.

« J'étais rapide en début de saison, mais quand arrivaient les Jeux olympiques ou les Championnats du monde, je ne l'étais pas. Ou bien, j'avais un bon départ, mais je ralentissais trop à mi-parcours. D'arriver à tout mettre en place, au bon moment, c'est l'un des plus grands défis. »

Un défi qu'il est prêt à relever jusqu'aux Jeux de Rio en 2016. Ensuite, il passera le relais à la prochaine génération d'Oldershaw.

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