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Barack Obama tend la main aux républicains

Barack Obama tend la main aux républicains

Un texte de Sophie-Hélène Lebeuf

Aussitôt réélu, le président Obama a lancé un appel à l'unité. Au lendemain de sa victoire, il a parlé aux dirigeants démocrates et républicains du Congrès pour faire part de son engagement à collaborer avec eux sur les enjeux importants pour les Américains.

Barack Obama, dont le premier mandat a été marqué par des tensions avec le camp républicain, devra composer avec un Congrès quasi identique au précédent : le Sénat reste contrôlé par les démocrates, et la Chambre des représentants par les républicains.

Une source à la Maison-Blanche a indiqué mercredi qu'il s'était entretenu avec le président républicain de la Chambre, John Boehner, la dirigeante de la minorité démocrate à la Chambre, Nancy Pelosi, le chef de la majorité démocrate au Sénat, Harry Reid, et le chef de la minorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, pour évoquer le programme législatif des deux prochains mois.

« Le président a réitéré son engagement à trouver des solutions bipartites à la réduction du déficit d'une façon équilibrée, des baisses d'impôts pour les familles de la classe moyenne et les petites entreprises, et la création d'emplois », a précisé la source.

Celle-ci a déclaré que M. Obama avait exprimé « le souhait de voir les dirigeants des deux partis mettre de côté leurs intérêts partisans et travailler ensemble pour donner la priorité aux intérêts des Américains et à l'économie » du pays.

Reste à voir si l'appel du président sera entendu à Washington.

M. Boehner, qui a toutes les chances de rester le chef de la Chambre des représentants, a dit voir dans l'élection de la veille un plaidoyer des Américains pour que les deux partis déposent les armes et « fassent ce qui est mieux pour notre pays ».

« Dans le but d'en venir à un accord bipartite qui commencerait à résoudre le problème, nous sommes prêts à accepter de nouveaux revenus, dans des conditions favorables », a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse donnée en après-midi au Capitole.

Pas question de reculer sur les baisses d'impôts préconisées par le camp républicain pour tous les Américains, a-t-il cependant prévenu. Cette mesure stimulerait selon lui la reprise économique, tout en augmentant les recettes fiscales.

Les citoyens les plus riches ne devraient pas non plus voir leur taux d'imposition augmenter comme le souhaite le président Obama, a-t-il ajouté. La veille, il avait argué qu'en renouvelant la majorité républicaine à la Chambre des représentants, « le peuple américain a également précisé qu'il n'y a pas de mandat pour augmenter les taux d'imposition ».

Au Sénat, M. McConnell s'est montré plus incisif. « Les électeurs n'ont pas approuvé les défaillances ou les excès du premier mandat du président », a-t-il dit, l'exhortant à « proposer des solutions qui ont réellement une chance de passer à la Chambre contrôlée par les républicains ».

Les défis d'Obama

Après avoir été reconduit à la tête des États-Unis pour un deuxième mandat, Barack Obama devra poursuivre sur la voie de la reprise économique, qui reste fragile, tout en composant avec un Congrès qui ne lui est pas davantage acquis qu'au cours des deux dernières années. Le tout, en tentant de faire sa marque dans l'Histoire...

À quelles priorités doit-il s'attaquer ? « La dette, la dette et la dette », martèle Élisabeth Vallet, chercheuse à l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l'Université du Québec à Montréal.

« C'est vraiment l'élément qu'il doit régler le plus vite possible, explique-t-elle. La gestion de l'emploi va prendre des investissements, mais avant tout il faut que son budget soit équilibré ». Avec une dette dépassant les 16 210 milliards de dollars, « les États-Unis vivent au-dessus de leurs moyens, dans une logique qui va les mener à un état de cessation de paiement, un peu à l'instar de la Grèce. On doit éviter l'écueil de la fameuse "falaise fiscale" », prévient-elle.

Cette « falaise », ensemble de mesures d'austérité comprenant la fin des baisses d'impôts de l'ère Bush et des compressions dans les dépenses publiques devant entrer en vigueur dès janvier prochain, à moins d'un accord du Congrès, risque de replonger le pays en récession.

Où les démocrates, opposés aux compressions, et les républicains, opposés à toute hausse d'impôt, trouveront-ils un compromis? À suivre.

L'un des principaux joueurs sur cette question sera le président du comité de la Chambre des représentants sur le budget, Paul Ryan, colistier déchu de Mitt Romney qui ne s'est pas gêné pendant la campagne pour critiquer les politiques économiques du président.

Cette question est en outre compliquée par la nécessité de relever le plafond de la dette publique au plus tard au cours du premier trimestre de 2013 afin d'éviter que Washington se retrouve en défaut de paiment. Barack Obama voudra éviter une reprise du scénario de l'été dernier, lorsque les jeux politiques avaient failli mener à une impasse sur cet enjeu, suscitant une véritable crise politique. L'entente conclue in extremis n'avait pas empêché l'agence de notation Standard and Poor's de retirer aux États-Unis leur cote « triple A ».

Outre la dette, auquel le président a promis de s'attaquer, les autres enjeux de politique intérieure sont eux aussi beaucoup axés sur l'économie, souligne Elisabeth Vallet. « Il doit aussi trouver un moyen de faire en sorte de restaurer des emplois rapidement pour que l'indice de confiance des consommateurs remonte », dit-elle. Si l'emploi se porte mieux, le taux de chômage atteint tout de même 7,9 %.

Au cours de son discours, le président lui-même a évoqué l'importance de réduire le déficit, mais aussi celle de réformer le régime fiscal, qui s'empoussière depuis des années, de réformer le système d'immigration et d'atteindre l'indépendance énergétique.

« Les États-Unis veulent se désengager des bailleurs de pétrole moyen-orientaux, ce qui sera à l'avantage du Canada », explique Mme Vallet.

Autre dossier de politique étrangère auquel la Maison-Blanche devrait s'attaquer en priorité : le conflit israélo-palestinien, dans lequel « Obama mettra peut-être son poing sur la table, par exemple pour arrêter le processus de colonisation », dit Mme Vallet.

« On parle beaucoup de l'Iran, mais le Yémen et le Pakistan constituent des dangers beaucoup plus grands », juge-t-elle. « Le Pakistan, c'est le talon d'Achille de l'Hercule américain. C'est un pays nucléaire dont les installations ne sont pas bien protégées et qui est infiltré par des extrémistes musulmans. »

Puis la concurrence est forte au niveau mondial. Washington garde un oeil sur la Chine, qui « deviendra en 2020 la première puissance économique au monde ». Il y a aussi les économies émergentes que constituent les cinq pays du BRICS : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud.

Un Obama nouveau ?

Dans son discours de victoire, le président, qui a connu des sommets d'impopularité pendant son premier mandat, a assuré qu'il avait changé. « Que vous m'ayez accordé votre vote ou non, je vous ai écoutés. J'ai appris de vous, et vous avez fait de moi un meilleur président, a-t-il déclaré. Fort de vos histoires et de vos luttes, je retourne à la Maison-Blanche plus déterminé et plus inspiré que jamais devant le travail à accomplir et l'avenir qui nous attend. »

Quand on demande à Élisabeth Vallet le principal écueil qu'il doit surmonter en de début de deuxième mandat, la chercheuse est tranchante. « Lui-même, tranche-t-elle. Il va devoir ajuster son style de présidence, les choix qu'il va faire en termes de conseillers, sa façon de gouverner. »

« Il faudrait qu'il aille tordre des bras au Congrès, qu'il prenne le temps de réseauter, ce qu'il ne fait pas pour l'instant, qu'il prenne le temps d'amener les gens à lui au lieu d'attendre que les choses se passent. Pour faire adopter son programme, il va falloir qu'il sorte du processus judiciaire [la contestation de la réforme de la santé s'est par exemple réglée devant la Cour suprême], qu'il utilise son pouvoir de persuasion, qu'il aille faire de la politique politicienne en allant sur la scène publique pour expliquer que, face à lui, il a un Congrès qui ne fonctionne pas, et qu'il marchande. » La commande est grande.

Elle rappelle toutefois que Bill Clinton a fait preuve de davantage d'assurance après sa réélection.

« C'est dans le deuxième mandat que les présidents veulent marquer l'histoire, souligne Mme Vallet. Obama va certainement parvenir à le faire après les élections de mi-mandat » de 2014, qui pourraient lui donner des coudées plus franches que celles qu'il a maintenant, son parti n'ayant grapillé qu'une poignée de sièges supplémentaires au Congrès.

« Dans deux ans, si l'économie s'améliore, Barack Obama pourrait espérer avoir une vraie marge de manoeuvre au Sénat », si les démocrates parviennent à faire élire 60 des 100 sénateurs, « et reconquérir quelques sièges à la Chambre des représentants », dit la chercheuse. « Il lui resterait deux ans où il ne serait plus en campagne. C'est le moment où un président laisse sa marque dans les livres d'histoire. »

Ça ne veut pas dire qu'on assistera pour autant, au cours des deux prochaines années, à une reprise de l'impasse dont ont souvent été témoins les Américains. « Ça dépend vraiment du style de leadership qu'Obama va adopter et des choix qu'il va faire », conclut-elle.

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sophie-helene.lebeuf@radio-canada.ca

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