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L'argent coulait à flot dans le bureau de l'argentier d'Union Montréal, allègue Martin Dumont

L'argent coulait à flot dans le bureau de l'argentier d'Union Montréal, allègue Martin Dumont

Un texte de François Messier

L'argent coulait à flot dans les bureaux de Bernard Trépanier, l'argentier d'Union Montréal, dans les mois qui ont précédé l'élection municipale de 2005, a allégué mardi un de ses ex-collègues, Martin Dumont, lors de son témoignage devant la commission Charbonneau.

L'ex-organisateur du parti, qui côtoyait M. Trépanier à cette époque, a raconté que plusieurs employés supplémentaires avaient été embauchés pour travailler à la permanence du parti à l'époque, dont des étudiantes.

À une occasion, une réceptionniste a insisté pour aller prendre un café avec M. Dumont à l'extérieur du bureau. Elle se plaignait d'avoir été mandatée pour compter de l'argent dans le bureau de M. Trépanier la veille.

La femme en question affirmait avoir compté 850 000 $ dans le bureau de l'argentier. Selon le témoin, elle souhaitait que M. Dumont intervienne pour faire savoir à M. Trépanier qu'elle n'était pas intéressée à faire ce travail.

Dumont dit qu'il a effectivement intercédé en faveur de la réceptionniste auprès de M. Trépanier. Il lui aurait suggéré en outre d'acheter une machine à compter de l'argent. « C'est correct », a répondu M. Trépanier, qui, selon le témoin, était un « homme de peu de mots ».

Selon le témoin, M. Trépanier s'est bel et bien procuré une telle machine puisqu'à l'été 2005, il pouvait entendre son « bruit distinctif » à raison d'une ou deux fois par semaine.

Martin Dumont était à l'époque directeur de l'organisation pour 10 arrondissements de l'est et du centre de Montréal pour le parti du maire Tremblay, qui s'appelait alors Union des citoyens et des citoyennes de l'île de Montréal (UCCIM). Son bureau était situé non loin de celui de M. Trépanier.

De mystérieuses visites au bureau de Bernard Trépanier

Martin Dumont a aussi expliqué en matinée que de nombreux représentants de firmes de génie-conseil et même des entrepreneurs en construction se présentaient au bureau de M. Trépanier en 2004 et en 2005.

À chaque fois, a-t-il raconté, l'argentier fermait la porte et les stores verticaux de son bureau. Les visiteurs en ressortaient au bout d'une quinzaine de minutes.

Parmi ces visiteurs, M. Dumont a identifié :
  • Michel Lalonde, du groupe Séguin (à plus de 10 reprises);
  • M. Lanni, aussi du groupe Séguin (à 2 ou 3 reprises);
  • Yves Cadotte, responsable du développement des affaires chez SNC-Lavalin (au moins 5 reprises);
  • Bernard Poulin du groupe SM (à 5 reprises);
  • Charles Meunier, responsable du développement des affaires chez BPR (à 3 ou 4 reprises);
  • Jean-René ou Jean-Pierre Sauriol du groupe Dessau (à 2 reprises);
  • Rosaire Sauriol, de Dessau (à 5 reprises);
  • Kazimir Olechmowicz de la firme CIMA+ (à 3 reprises);
  • Yves Théberge de CIMA+ (à 3 ou 4 reprises);
  • Gilles Cloutier, de la firme Roche (à 3 ou 4 reprises);

Cette recension est à coup sûr partielle, puisque Martin Dumont était généralement absent de ses bureaux à la permanence du parti. M. Trépanier rencontrait aussi des gens à l'extérieur du bureau, a-t-il dit.

Selon Martin Dumont, la plupart de ces personnes assistaient souvent voire tout le temps aux activités de financement qu'organisait l'UCCIM à l'époque. Il n'a cependant pas eu l'occasion de préciser si c'était le cas pour Bernard Poulin.

Deux entrepreneurs en construction, Paolo Catania de Frank Catania et associés, et Lino Zambito d'Infrabec, sont aussi venus rencontrer Bernard Trépanier à la permanence du parti, a affirmé le témoin.

Selon M. Dumont, les deux entrepreneurs ont assisté à trois activités de financement dites « nationales » que l'UCCIM avait organisées à l'automne 2004, au printemps 2005 et à l'automne 2005 au buffet Le Rizz de Saint-Léonard.

L'entrepreneur Tony Accurso a aussi assisté à ces trois mêmes activités, mais le témoin dit ne l'avoir jamais vu à la permanence du parti.

La présence de toutes ces personnes aux activités de financement de l'UCCIM contrevenait vraisemblablement à la loi électorale de plusieurs manières puisque, de l'avis même du témoin, un individu ne pouvait donner plus de 1000 $ à un parti municipal par année.

Or les gens qu'il a vus à plusieurs activités de financement en 2004 et 2005 devaient forcément payer leurs billets, a indiqué Martin Dumont, et ceux-ci étaient généralement vendus 500 $ ou 1000 $.

Qui plus est, des entrepreneurs comme Paolo Catania et Lino Zambito n'avaient pas de place d'affaire à Montréal, et n'avaient conséquemment pas le droit de contribuer à la caisse électorale d'un parti.

Le comptant très présent dans les activités de financement

Martin Dumont avait précédemment raconté que beaucoup d'argent comptant circulait lors des activités de financement organisées par l'UCCIM.

Il a raconté que lors d'une activité organisée en novembre 2004 au profit du parti dans l'arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, il avait été fortement incité à aller aux toilettes par l'entrepreneur en construction Nicolo Milioto. Ce dernier lui avait alors remis une enveloppe qui aurait contenu 10 000 $ en argent comptant.

Mal à l'aise, Martin Dumont raconte être allé remettre le tout à Bernard Trépanier, qui était présent. Par la suite, deux autres entrepreneurs ont aussi voulu « aller aux toilettes » avec M. Dumont. Ce dernier dit leur avoir répondu d'y aller avec M. Trépanier.

M. Dumont dit que lors de cette activité, le parti avait amassé 50 000 $, soit la moitié de l'objectif fixé. Deux jours plus tard, a raconté le témoin, Bernard Trépanier l'a appelé pour qu'il aille chercher les 50 000 $ manquants au restaurant Onyx de Laval. L'argent devait lui être remis par Tony Accurso.

M. Trépanier a finalement rappelé M. Dumont pour lui dire qu'il n'avait pas besoin d'aller chercher l'argent.

À l'époque, un parti électoral municipal pouvait amasser des dons anonymes jusqu'à concurrence de 20 % des sommes totales reçues par année. Les partis devaient déclarer ces sommes, mais n'avaient pas à spécifier leur provenance.

Pourquoi ne pas dénoncer?

Martin Dumont s'est fait demander pourquoi il n'avait pas dénoncé les situations irrégulières dont il avait été témoin. Avant même qu'on ne lui présente une double comptabilité en décembre 2004, l'ex-organisateur du parti avait pourtant aperçu un coffre-fort bourré d'argent dans le bureau de M. Trépanier et s'était fait remettre une enveloppe par Nicolo Milioto.

M. Dumont a répondu qu'il avait déjà questionné le directeur général du parti Christian Ouellet à ce sujet, et que ce dernier lui avait dit que tout était légal. Il lui avait aussi recommandé de se concentrer sur ses activités d'organisateur et de ne pas se soucier du financement.

M. Dumont dit qu'il a aussi songé à prévenir la police et le Directeur général des élections du Québec, mais qu'il ne l'avait pas fait. Il n'a pas davantage parlé de la situation avec le maire Tremblay, dont il avait été conseiller municipal de 2001 à 2004, puisque celui-ci avait prouvé en décembre 2004 qu'il ne voulait « pas savoir ça »

Luindi, M. Dumont avait révélé qu'il avait vu à l'automne 2004 un coffre-fort bourré d'argent dans les bureaux que M. Trépanier occupait à la permanence du parti, située rue Saint-Jacques.

Appelé en renfort par M. Trépanier, qui n'arrivait pas à fermer le coffre-fort, M. Dumont dit avoir été « choqué » et « ébranlé » de constater qu'il était bourré de billets de 50 $, de 100 $ et de 1000 $.

Le témoignage de M. Dumont n'a pas permis d'établir d'où provenait l'argent qui se trouvait dans le coffre-fort, ni à quelle fin il devait être utilisé.

Martin Dumont aussi soutenu que Bernard Trépanier a été rémunéré pour ses services de responsable du financement de l'UCCIM entre le moment de son embauche en 2004 et son départ « officiel » en 2006, mais qu'il avait continué de remplir ces fonctions par après.

Martin Dumont a soutenu que c'était Bernard Trépanier lui-même qui l'avait informé de cette situation en 2007. Le témoin était alors devenu chef de cabinet du maire de l'arrondissement de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles, Cosmo Maciocia.

Bernard Trépanier a été accusé de fraude, de complot et d'abus de confiance dans l'affaire du Faubourg Contrecoeur. L'ex-président du comité exécutif de la Ville Frank Zampino et l'entrepreneur en construction Paolo Catania sont aussi accusés dans cette affaire.

Lors de son témoignage à la commission Charbonneau, l'ex-vice-président d'Infrabec Lino Zambito a soutenu qu'Union Montréal percevait 3 % de la valeur des contrats truqués accordés par la Ville entre 2005 et 2009.

L'ingénieur à la retraite Gilles Surprenant a plutôt évoqué qu'une tranche de 3 % était destinée au comité exécutif de la Ville de Montréal.

Lundi matin, un ex-partenaire d'affaires de Paolo Catania, Elio Pagliarulo, a affirmé que l'ex-président du comité exécutif de la Ville de Montréal Frank Zampino a reçu des pots-de-vin totalisant 555 000 $ dans le cadre de ce scandale financier.

Suivez sur Twitter notre journaliste @MessierSRC qui assiste aux travaux de la commission Charbonneau.

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