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Heymans ou persévérer pour mieux durer

Heymans ou persévérer pour mieux durer

Émilie Heymans n'a pas mis le gros orteil à l'eau depuis sa 12e place en finale du tremplin de 3 m aux Jeux de Londres. À part pour prendre sa douche, tient-elle à préciser.

Un texte de Manon Gilbert

Et la piscine ne manque pas à la Québécoise qui respire le bonheur. Rarement l'a-t-on vue aussi radieuse et détendue.

Première plongeuse de l'histoire à décrocher une médaille dans quatre Jeux olympiques et seule athlète canadienne, tous sports confondus, à réaliser l'exploit, Heymans profite de ses vacances bien méritées.

Au menu, cours de cardiovélo (spinning) et de plateforme d'aérobie (step) avec sa soeur, tournée des médias, couture et télévision.

Après un cycle olympique intense, le moment est idéal pour récupérer, guérir les petits bobos... et réfléchir à son avenir. Si son coéquipier Alexandre Despatie a décidé de poursuivre l'aventure au moins jusqu'aux mondiaux aquatiques de Barcelone l'an prochain, Heymans, elle, poursuit sa réflexion. Elle ne sait pas quand elle va replonger ou si seulement elle va le faire. Seule chose certaine, Londres représentait son chant du cygne olympique.

« Je ne me mets pas de pression pour décider d'une date. C'est une grosse décision, je fais du plongeon depuis l'âge de 11 ans. C'est quelque chose que j'aime faire. Et on dirait que quand on arrive à un moment comme celui-là, on se souvient juste des bons moments. Tu oublies facilement les moments où tu as eu de la misère. Alors, c'est pour ça que t'as toujours le goût de revenir », a affirmé l'athlète de 30 ans à Radio-Canada Sports.

Le souvenir de Pékin

Les bons moments, Heymans les a collectionnés au même rythme que ses médailles. Un total de 18 en grandes compétitions internationales, dont deux d'argent et deux de bronze aux JO, ainsi qu'une d'or et deux d'argent aux mondiaux.

Sa médaille la plus satisfaisante? Heymans hésite longtemps avant de se prononcer.

« Pékin, sur le 10 m, ça a été la meilleure performance de toute ma vie. Le fait de l'avoir réussi aux Jeux olympiques, c'est quelque chose d'exceptionnel, de hyper difficile à faire. J'aurais pu faire la compétition trois heures plus tôt, et ça n'aurait pas été pareil », assure la membre du club de Pointe-Claire.

Une meilleure performance que quand elle avait été sacrée championne du monde en 2003 à Barcelone? Oui, et pas seulement au chapitre des points, 404 (pour les plongeons en finale seulement, sauf qu'à l'époque, le score des demi-finales comptait dans le pointage final de 597,45) contre 437,05.

« Des Championnats du monde, il y en a tous les deux ans, les Jeux, c'est chaque quatre ans. Tu as plus de pression quand tu plonges aux Jeux olympiques, juste parce que ce sont les Jeux. Ça change tout. Aux Championnats canadiens, j'ai déjà fait une performance de 440, donc équivalente, mais ce n'était pas à ce moment-là que je devais faire la meilleure performance de ma vie. C'est ça qui est exceptionnel. J'ai fait LA performance au moment le plus important. »

Mais la blonde plongeuse soutient que ses médailles olympiques ont toutes une signification particulière. L'argent de Sydney, c'était sa première médaille, le bronze à Athènes, elle l'a gagné avec sa bonne amie Blythe Hartley, à Londres, elle est passée à l'histoire.

D'ailleurs, elle a encore plus de mérite, parce qu'elle a enlevé ses médailles en synchro avec trois partenaires différentes. D'une fois à l'autre, l'adaptation n'a pas été nécessairement évidente, surtout quand la différence d'âge était plus marquée comme avec Anne Montminy (Sydney) ou Jennifer Abel (Londres), mais Heymans en est ressortie grandie en tant qu'athlète et en tant que personne. Avec Abel, de 10 ans sa cadette, elle a pu mettre en pratique ce qu'elle avait appris à ses débuts dans l'équipe nationale en 1997.

« Il ne faut pas que ça soit toujours la même personne qui fasse tous les efforts. C'est surtout ça que j'ai mis au point avec Jenn au départ. Même si j'étais plus vieille, elle n'avait pas à faire tous les ajustements. Je ne voulais pas qu'elle sente que c'est moi qui prends toutes les décisions. On est une équipe et on travaille ensemble dans la même direction. Et c'est ça que j?avais senti avec Anne Montminy aussi », explique la doyenne de l'équipe.

Dans l'ombre de Despatie

Heymans a défié le temps. C'est d'ailleurs l'héritage qu'elle veut léguer à la future génération : persévérer pour mieux durer. Non seulement a-t-elle su s'adapter à différentes partenaires, mais elle a aussi réussi à s'ajuster à un sport qui a bien évolué depuis ses débuts en 1992. À l'époque, avec son 1,70 m (5 pi 7 po) et sa solide carrure, elle ne détonnait pas. Aujourd'hui, la norme, c'est le format chinois, d'où un avantage accru pour la vitesse d'exécution. Pour rivaliser au chapitre du nombre de vrilles ou de périlleux, Heymans doit donc faire preuve d'une grande force.

Malgré tous ses succès, Heymans ne réalise pas encore la portée de son exploit à Londres. D'une grande humilité pour une athlète de sa stature, la native de Bruxelles se demande même si son nom évoquera un quelconque souvenir dans quelques années.

« Je pense que c'est plus dans une couple d'années que je vais voir l'impact. Et à quel point est-ce que ça va me suivre? D'ici une couple de mois, peut-être que les gens vont avoir oublié. Après les Jeux olympiques, les gens oublient vite. Maintenant, on en parle beaucoup parce que c'est récent. »

Pourtant, les résultats de l'ancienne gymnaste se comparent à ceux de son célèbre coéquipier Alexandre Despatie, malgré leur cheminement fort différent. Heymans n'a jamais joui d'une reconnaissance comparable à celle du Lavallois, seul plongeur à avoir été sacré champion du monde dans les trois épreuves en solo, pas plus que des nombreux commanditaires qui s'y rattachent. Mais la principale intéressée ne s'en formalise pas outre mesure. De nature réservée, elle y a même trouvé son compte.

« Moi, j'ai appris à vivre avec les médias. Alexandre, dès qu'il a commencé, il aimait ça. Tu voyais que c'était super naturel pour lui. C'était un peu la coqueluche du Québec. Moi, il y avait une télé et je partais à courir de l'autre bord. Quand j'ai commencé, c'était l'horreur pour un journaliste de m'interviewer. Je disais trois mots : oui, non, peut-être. Je détestais faire des entrevues. On a des personnalités vraiment différentes, mais je suis vraiment contente d'où je suis rendue présentement. »

Visiblement sereine, la diplômée en commercialisation de la mode à l'UQAM est prête à tirer un trait sur sa carrière. La relève en plongeon féminin se porte bien avec les Abel, Filion, Benfeito et Ware. Si elle replonge, c'est pour boucler la boucle à Barcelone et encore servir de source d'inspiration à ses coéquipières.

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