L'ancien pilote de F1 Philippe Streiff, devenu tétraplégique après un accident en essais, détaille pour Relaxnews la manière dont il a développé un véhicule entièrement adapté à son handicap.
Aujourd'hui Conseiller technique handicap auprès de la Délégation à la sécurité et à la circulation routières, il raconte comment il a contribué à élaborer une automobile entièrement dédiée à son handicap, qu'il utilise quotidiennement en toute sécurité.
Relaxnews : Dans quelle mesure avez-vous participé à l'élaboration des équipements aujourd'hui intégrés à votre voiture de tous les jours (conseils, tests, etc.) ?
Philippe Streiff : C'est lors de mon séjour au Centre de rééducation et de réadaptation fonctionnelles de Kerpape en Bretagne, après mon accident [lors des essais du Grand Prix F1 du Brésil, à Rio de Janeiro, le 15 mars 1989 -ndlr], que nous avons eu l'idée, avec le médecin directeur du centre, le Dr Michel Busnel, d'équiper un véhicule école, une Renault Espace II à conduite anglaise, avec volant et pédales à droite, d'un joystick à la place du conducteur, à gauche, cela avec l'aide technique de Jean-Daniel Kempf, gérant de la société K-Automobilité à Paris 15e.
Je me déplaçais, à l'époque, sur un fauteuil roulant électrique, que je manipulais déjà avec un joystick. Alors pourquoi ne pas adapter une voiture ainsi ? Après trois années (de 1991 à 1994) d'études, de conception et d'essais en double commande, soit près de 100.000 km, j'ai passé le premier permis mini-manche au monde, en 1995, en emmenant l'Inspecteur de la préfecture de Nanterre (92) dans cette voiture, que nous avons ensuite offerte, avec Renault, à l'Hôpital Raymond-Poincaré de Garches, en tant qu'auto-école.
Depuis, plus de 200 personnes conduisent à l'aide d'un mini-manche. Nous avons d'ailleurs, au Centre de ressources et d'innovation mobilité & handicap (CEREMH), situé sur le circuit de Versailles-Satory au sein du Pôle de Compétitivité automobile MOV'EO, un véhicule école Kia Carnival à plancher bas avec une rampe d'accès afin de permettre à une personne en fauteuil roulant électrique de conduire directement depuis celui-ci, sans transfert.
R. : Combien coûte ce type de véhicule et à qui s'adresse-t-il ?
P.S. : Qui peut le plus peut le moins. Ce système de conduite adaptée convient à tous les handicaps (tétraplégie, myopathie, amputation, etc.). Nous avons même réussi à faire conduire Philippe Croizon, amputé des 4 membres, qui a réussi son pari de relier les cinq continents à la nage, le 18 août dernier ! Le coût, en fonction du handicap, peut varier de 15.000€ à 30.000€.
R. : Quelles contraintes ce type de conduite procure-t-elle ? Est-elle par exemple parfaitement sécurisée en cas de manoeuvre soudaine à effectuer (chien qui traverse, chaussée glissante...) ?
P.S. : Le joystick est équipé d'une assistance hydraulique et le conducteur peut réagir, sans contraintes particulières, dans les mêmes conditions qu'avec un système de conduite traditionnelle.
R. : Comment imaginez-vous les évolutions à venir ? Que vous manque-t-il aujourd'hui comme aide pour "ressentir" les sensations d'un conducteur lambda ?
P.S. : Depuis que je suis devenu ambassadeur pour BMW France, j'ai la chance de conduire une BMW GT5 à conduite mini-manche, et je peux mesurer à quel point les nouvelles technologies (caméras, systèmes d'aide à la conduite, etc.) peuvent apporter une aide aux personnes handicapées. Aujourd'hui, j'actionne actuellement le démarrage, le klaxon ou les vitres avec ma main gauche. Les prochaines améliorations que je souhaiterais apporter à cette voiture seraient les commandes vocales pour toutes les annexes de l'habitacle, telles que le chauffage, la climatisation, le GPS, etc.
Le site internet de Philippe Streiff : philippe.streiff.com