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"90 minutes", un film dérangeant à Toronto sur la violence conjugale en Norvège

"90 minutes", un film dérangeant à Toronto sur la violence conjugale en Norvège

La Norvège a la réputation d'être l'un des pays les plus heureux au monde: c'est ce cliché que la cinéaste Eva Sorhaug a voulu casser, dans 90 minutes, le film dérangeant qu'elle présente cette semaine au festival de Toronto, et qui traite de la violence conjugale dans son pays.

Selon l'Onu, en 2011, la Norvège arrivait en tête du classement des pays classés en fonction de leur indice de développement humain (la France était 20e). Elle est également l'un des pays les plus égalitaires du monde.

"Mais la réalité est beaucoup moins rose", a expliqué Eva Sorhaug à l'AFP. "Mon pays détient proportionnellement, avec l'Espagne, le nombre de meurtres conjugaux le plus élevé d'Europe. De 2OOO à 2008, 72 femmes ont été tuées par leur partenaire", ajoute-t-elle.

C'est cette réalité que la réalisatrice de 42 ans, qui élève seule ses deux enfants et se revendique "féministe", a voulu montrer. "Je veux provoquer un débat en Norvège, un pays où il est difficile d'être un homme, pour comprendre pourquoi autant d'hommes en arrive à tuer leur partenaire", dit-elle.

"Il y a la crise économique, la perte de l'emploi ou l'incapacité pour certains hommes de supporter une rupture. Il nous faut réfléchir au rôle des hommes" dans la société norvégienne, "pas seulement à celui des femmes", qui a conduit ce pays de 5 millions d'habitants à l'égalité des sexes.

Eva Sorhaug utilise le même procédé que dans l'un de ses films précédents, Cold lunch (2008), qui mettait en scène trois personnages d'un même quartier, sans lien entre eux.

Pays traumatisé

Le film raconte trois histoires de couples qui s'imbriquent les unes dans les autres mais sont indépendantes. Le spectateur assiste aux 90 dernières minutes de la vie de chacun d'entre eux.

Johan, un homme d'affaires entre deux âges, rentre dans son appartement cossu pour y préparer le dîner avec sa femme. Dès les premières minutes du film, on ressent un malaise devant cet homme à l'air angoissé, aux gestes d'automate. On ne saura pas ce qui occasionne son mal de vivre. Perte d'emploi, déclassement social ? On se doute juste que sa femme, élégante quinquagénaire manucurée, ne le supporterait pas.

Ils se mettent à table. L'atmosphère est de plus en plus lourde mais la femme, très volubile, ne semble pas s'en rendre compte. L'homme semble las et l'écoute à peine. Soudain, l'épouse s'effondre sur la table. Son mari a versé du poison dans le plat qu'il lui avait mijoté.

La caméra reviendra à nouveau sur lui, après avoir été explorer la deuxième histoire, celle de Fred, un policier dont la femme a demandé le divorce. L'un et l'autre sont économes de mots devant leurs deux enfants mais on sent, à ses regards, que lui voudrait continuer leur vie de couple. Elle lui demande de partir, il prend sa voiture, puis fait demi-tour, son pistolet de service à la main.

La troisième histoire, la plus violente visuellement, se déroule dans un appartement aux murs blancs, remplis de cartons non déballés. L'atmosphère est glauque. La caméra suit les mouvements désordonnés de l'homme, un drogué qui bat sa compagne, l'attache au montant du lit pour la violer. Un bébé pleure dans un berceau.

"Mon but n'est pas de faire la morale mais de montrer", affirme Eva Sorhaung. Dans un pays encore traumatisé par la tuerie perpétrée l'an dernier par Anders Breivik (77 morts), le film, qui n'y a pourtant pas encore été diffusé, suscite de nombreuses réactions.

Ces derniers jours, les principaux quotidiens du pays lui ont consacré de longs articles. Selon la réalisatrice, "aucun autre film norvégien n'a eu autant de commentaires".

"Mon film est un cri. Si vous l'oubliez une fois sorti du cinéma, alors j'aurais échoué", dit-elle.

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