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L'essence trop chère à Montréal, selon CAA-Québec

L'essence trop chère à Montréal, selon CAA-Québec

Les automobilistes de la région de Montréal qui ont vu le prix du litre d'essence augmenter à 1,53 $ payent trop cher, selon le CAA-Québec. Cette situation est pourtant tout à fait normale, se défend pour sa part l'Institut canadien des produits pétroliers.

Le prix du litre d'essence a fait un bond de 13 ¢ depuis quelques heures dans la majorité des stations d'essence de la région métropolitaine.

Les augmentations ont d'abord été signalées dans des stations de la chaîne Petro-Canada. Des stations Shell n'ont pas tardé à suivre, puis des détaillants Esso ont fait de même. Toutefois, quelques détaillants font office de villages gaulois et résistent à la hausse.

Des stations d'essence offrent toujours le litre d'essence à 1,49 $, 1,45 $ et même 1,40 $.

Le porte-parole de CAA-Québec, Cédric Essiminy, estime que le prix de l'essence est trop cher à 1,53 $. « Le coût d'acquisition ce matin est à 1,43 $, on parle du prix du gros fixé par la régie de l'énergie », explique M. Essiminy.

Il s'agit du prix le plus élevé depuis 2008, moment où l'essence atteignait des niveaux jamais vus jusque-là.

Les automobilistes doivent apprendre à magasiner leur essence comme ils magasinent des vêtements, selon CAA-Québec.

M. Essiminy, signale qu'une augmentation du coût d'acquisition pour les détaillants était annoncée pour mercredi, le litre passant de 1,39 $ à 1,43 $ pour les détaillants.

Selon lui, cette augmentation du coût d'acquisition des détaillants aurait pu être utilisée pour justifier une hausse à la pompe, mais il rappelle que l'essence vendue mardi a été achetée par les détaillants au prix de 1,39 $, soit avant la hausse.

Il ajoute par ailleurs que l'augmentation de 4 ¢ du litre ne justifie en rien la poussée excessive subie par les automobilistes qui, elle, oscille autour de 12 ¢ le litre.

Les lois du marché

Le porte-parole de l'Institut canadien des produits pétroliers (ICPP), Carol Montreuil, fait toutefois une lecture différente de la situation. « Il faut regarder du point où on partait lors d'une hausse comme ça, parce que ce n'est pas inhabituel dans le passé d'avoir vu des hausses de 10 ¢ comme on a vu hier », explique M. Montreuil.

La forte hausse de mercredi matin s'explique, selon M. Montreuil, par une période où les prix de vente se sont avérés trop faibles par rapport au prix d'acquisition. La correction qui s'en suit, bien que mal accueillie par les consommateurs, se justifie pour permettre aux détaillants de faire leurs frais.

« On partait de 1,40 $, ce qui est essentiellement le prix d'acquisition, et donc beaucoup d'automobilistes, qui faisaient le plein à un prix de 1,40 $ ou moins, faisaient de très bonnes affaires ». Et, quand on vit ça, on le sait, c'est habituellement suivi d'une augmentation. »

La PDG de l'Association québécoise des indépendants du pétrole, Sonia Marcotte, abonde en ce sens. « La marge de détail était très faible et on a rétabli, tout simplement, une marge de détail plus importante », explique Mme Marcotte. Elle précise que la marge de profit des détaillants s'était trouvée compressée par l'augmentation de la hausse du prix du raffinage sans que les prix à la pompe ne soient ajustés.

« Quand la marge de détail devient tellement basse, comme c'était le cas hier avant l'augmentation, un détaillant va décider d'augmenter [son prix] et les autres vont augmenter parce que personne, hier, ne faisait d'argent », poursuit Mme Marcotte.

Le porte-parole de l'ICPP explique que, malgré la variation de la marge de profit des détaillants, leur moyenne annuelle demeure autour de 5 à 6 ¢. « Ça veut dire que lorsqu'on vit des périodes où [la marge de profit des détaillants] est près de zéro, comme c'était le cas dans les derniers jours. Ça veut dire qu'il y aura d'autres périodes où la marge sera de 10 ou 12 ¢. »

Les variations de prix que connaît le Québec - contrairement à la stabilité qui règne dans les autres provinces - s'expliquent par la compétitivité du marché « qui est très bien approvisionné », selon M. Montreuil. « [Cette compétitivité] force les détaillants à jouer sur le prix de l'essence pour attirer les clients chez eux ».

« Le guide, qui devrait faire foi de tout, c'est le prix minimum affiché par la Régie de l'énergie et [elle] le fait pour les six ou sept régions administratives du Québec. » M. Montreuil souligne que lorsque le prix à la pompe avoisine le prix minimum fixé par la régie de l'énergie, le consommateur peut être assuré que cette situation ne durera pas et qu'une augmentation est à prévoir.

Mme Marcotte diverge d'opinion à ce sujet. Elle souligne que son association a avancé une solution pour éviter de telles fluctuations du prix à la pompe. L'Association québécoise des indépendants du pétrole propose que le gouvernement légifère sur la marge de profit des détaillants.

« La marge maximale [de profit des détaillants] à Montréal, par exemple, pourrait être de 6 ¢ et la marge minimale pourrait être de 3 ¢ », explique Mme Marcotte. Elle estime qu'une telle mesure aurait pour effet de limiter les variations importantes du prix à la pompe.

Mme Marcotte précise que des associations de consommateurs, comme l'Union des consommateurs, sont notamment favorables à la proposition de son association.

La part du consommateur

Le professeur à HEC Montréal Pierre-Olivier Pineault, spécialiste des politiques énergétiques, ne s'émeut pas tellement de la hausse du prix de l'essence. Il estime que la hausse est justifiée du point d'un point de vue économique. Les détaillants haussent le prix de l'essence pour tenter de réaliser un profit en estimant que le marché peut accepter une telle hausse.

« Tous les détaillants à Montréal n'ont pas augmenté autant. Dans la couronne de Montréal non plus. Et dans d'autres régions du Canada la hausse n'est pas du tout aussi importante », explique-t-il.

« Donc, il y a le flaire de certains détaillants qui ce sont dits : "Oui, c'est justifié parce que le consommateur va continuer d'acheter". »

M. Pineault souligne qu'il existe, à l'échelle internationale, une tendance à la hausse du prix du brut. « Il y a des tensions. Il y a toujours ces tensions au Moyen-Orient avec l'Iran. Il y a toujours ces menaces de récessions ou des espoirs de reprises qui font qu'il y a des fluctuations. »

Le professeur Pineault estime que les consommateurs se sont eux-mêmes placés dans cette position de dépendance par rapport aux pétrolières. Il avance que le parc automobile a évolué vers des véhicules utilitaires sport (VUS) et des camionnettes plus énergivores, depuis 10 ans, au détriment de voitures plus petites et économiques en essence.

« On a fait le choix, individuellement, d'acheter des voitures plus grosses et on fait le choix, collectivement, de ne pas changer l'urbanisme, de ne pas changer la manière dont on occupe le territoire », soutient M. Pineault.

Selon lui, la dépendance au pétrole est profondément enracinée dans le mode de vie des Québécois comme des Nord-Américains. « On fait du dézonage agricole pour encourager l'étalement urbain, poursuit M. Pineault, et on ne vote pas pour des gouvernements qui [prônent] des changements assez radicaux dans la manière de se transporter. Transport en commun, covoiturage, on pourrait beaucoup plus encourager ce genre de modes de transport. »

M. Pineault croit qu'il faudrait des changements profonds dans la société québécoise pour qu'elle réussisse à s'affranchir de sa dépendance à l'essence. Et, dans une telle éventualité, il explique que ce n'est pas le prix du pétrole qui baisserait, mais l'importance qu'il occupe dans notre budget.

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