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Première à l'Excentris du documentaire « Ces crimes sans honneur »

Première à l’Excentris du documentaire « Ces crimes sans honneur »
Julie Caron

« Tu sais que te tuer est aussi facile que de boire un verre d'eau? » Un père d'origine kurde à sa fille

C'est l'une des quelques phrases à glacer le sang que l'on entend au cours du long-métrage filmé tour à tour au Canada, en Allemagne et en Suède, et qui nous montre la lutte de quatre protagonistes pour dénoncer la violence qu'exercent certaines communautés culturelles au nom de l'honneur. Tous, sans exception, l'ont vécue à un degré divers.

Le film s'ouvre dans un cimetière de la Suède et sur Sara, une militante qui a fui le Kurdistan et sa famille pour s'établir en Suède, après que son frère ait pointé une Kalachnikov sur sa tête. Derrière elle, deux photographies géantes de victimes de crimes dits d'honneur, dont Fadime, tuée en 2002 des mains de son père. À l'époque, en Suède, ce meurtre a provoqué une onde de choc semblable à l'affaire Shafia, d'autant plus qu'un an avant sa mort, Fadime avait ultimement tenté d'alerter les médias au sujet de sa condition.

Le quotidien de Sara nous donne d'ailleurs lieu à l'une des scènes les plus choquantes du film, où elle tente en vain de raisonner un père au téléphone, qui se plaint que sa fille n'a pas été vue depuis quelques temps et que sa communauté commence à jaser. « Votre fille a parfaitement le droit de vivre sa vie auprès d'un homme! », lui dit Sara.

Tout comme Sara, Necla, une turque vivant en Allemagne, et Arkan, un Kurde élevé en Suède qui explique dans le film que la violence basée sur l'honneur peut aussi parfois être dirigée contre les hommes, ont immanquablement coupé les ponts avec leur famille. C'est aussi le cas d'Aruna Papp, une chrétienne d'origine indienne vivant en Ontario et qui profitait hier soir de l'occasion pour faire la promotion de son livre, « Unworthy creature ».

Mme Papp, qui est travailleuse sociale, dispense entre autres des ateliers visant à éduquer les intervenants de première ligne comme les policiers, les infirmières ou les enseignants sur la nature des crimes d'honneur, comme on la voit dans une scène du film. Selon elles, ces gens et la population doivent éviter de tout « mettre dans le même sac ».

« La violence domestique n'est absolument pas comparable à la violence faite au nom de l'honneur », a-t-elle dit, très inspirante, lors de la séance de questions enflammée qui a suivi le film. Mme Papp a aussi beaucoup insisté sur le fait que les crimes d'honneur ne doivent pas être attribués à la religion. « C'est culturel, et c'est épidémique! » a-t-elle répété.

Pour Raymonde Provencher, qui a récemment réalisé Grace, Milly, Lucy...des fillettes soldates, l'idée de faire ce film était présente depuis plusieurs années. « Pendant plusieurs années, j'ai voyagé dans plusieurs pays où le crime d'honneur est le pain quotidien. Je voulais donc trouver le moyen de montrer des femmes engagées, de rapprocher ce phénomène de nous et de démontrer comment nous réagissions », a dit Mme Provencher, qui, par une ironie du destin, était en salle de montage pour le présent film lorsque le drame Shafia est survenu.

La cinéaste croit aussi que c'était une question de temps avant qu'un tel cas survienne au Québec. « À Montréal, vous pouvez aller dans un café et vous asseoir près d'une jeune fille qui a une épée de Damoclès au-dessus de sa tête », assure-t-elle, avant d'ajouter que le concept est maintenant dans le radar des gens.

« Quand ta famille menace de te tuer, il te reste quoi au monde? »

« Ces crimes sans honneur » est présentement à l'affiche.

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