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Kolik, du théâtre allemand à l'Usine C

Kolik, être ou ne pas être, à l'Usine C
Sylvain Couzinet-Jacques

Prêts pour le décollage? Kolik était de passage à l'Usine C mercredi, et c'est le genre de pièce où il faut laisser sa logique à l'entrée et se préparer à quitter le plancher des vaches.

Paradoxalement, ce n'est pas non plus du théâtre d'émotion pure. Le comédien français Thierry Raynaud, dans ce solo, joue avec les mots, leurs sons et leurs sens, ce qui fait de Kolik un objet très cérébral. On rit parfois, on traverse des moments d'anxiété, désamorcés aussitôt par l'attitude d'absurdité cynique du soliste, mais on est constamment dans le questionnement.

La pièce est une traduction d'un texte de l'auteur allemand Rainald Goetz, né en 1954, qu'on connaît peu ici, au Québec, mais qui a beaucoup fait parler de lui outremer, parfois dans la controverse, et a remporté de nombreux prix.

Kolik fait partie d'une trilogie dont le thème central est le conflit, Guerre. Dans la société, d'abord, dans la famille ensuite et, dans ce dernier volet, à l'intérieur même de l'être humain.

Le personnage incarné par Thierry Raynaud, dans la mise en scène dépouillée d'Hubert Colas, se tient assis à une table, remplie de shooters, qu'il avale l'un après l'autre, entre deux mots ou deux phrases de discussion avec lui-même. Dans la dernière partie, son ombre grandissante finira par presque l'avaler.

Ce qu'on prend au début pour un constat de la perte de sens du monde moderne, où l'homme est souvent traité comme un automate qu'on crinque jusqu'à ce qu'il se brise, devient au fil de l'heure un tour de piste des pensées, sensations et phases contradictoires de la vie. À la fin, l'homme reste seul face à lui-même. Confronté à sa propre mort. Et ce n'est pas si lourd. On meurt, et c'est tout. Après avoir bu cette vie autant qu'on pouvait.

Ça explique peut-être le détachement généré par ce texte volontairement décousu, qu'il faut rapiécer soi-même. Le personnage qui boit et qui déblatère, exprimant les pensées qui se bousculent dans sa tête, dans un langage schizophrénique, représente l'individu en général et non un être en particulier. Pas d'attachement possible, donc. On est plutôt renvoyé à soi-même, à son propre questionnement intérieur.

Si vous allez au théâtre pour vous faire raconter une histoire, passez votre tour, mais si vous aimez être confronté et déstabilisé, vous pourrez y trouver votre compte. Petit avertissement: claustrophobes, s'abstenir...

Kolik roule en France depuis un moment déjà et sera jouée à Montréal pour une seconde représentation le jeudi 22 mars.

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