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La possibilité d'une vie extraterrestre... et l'exobiologie

Il y a deux semaines, la NASA a organisé une conférence de presse pour annoncer qu'elle envisageait de détecter des signes de présence d'une vie extraterrestre d'ici 20 ans. Cette annonce a bien évidemment été abondamment reprise par les médias.
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Il y a deux semaines, la NASA a organisé une conférence de presse pour annoncer qu'elle envisageait de détecter des signes de présence d'une vie extraterrestre d'ici 20 ans. Cette annonce a bien évidemment été abondamment reprise par les médias: elle cultive notre impatience et suscite l'émerveillement de savoir que nous serions enfin à portée d'une fabuleuse découverte. Mais elle repose sur des sables mouvants et une confusion qui paraît orchestrée.

Certes, il est indéniable que notre capacité à détecter un nombre toujours croissant d'exoplanètes (près de 2000 à ce jour), toujours plus petites, avec des instruments de plus en plus performants, nous permet d'observer des objets qui pour certains peuvent s'apparenter à de lointaines cousines de notre planète. Les instruments actuels nous révèlent qu'une très grande majorité des étoiles de notre galaxie sont entourées d'exoplanètes. Une fraction notable d'entre elles (estimée à une dizaine de pour cent) s'apparenterait plus ou moins à la Terre en ce qui concerne la taille et se trouverait à une distance de leur étoile compatible avec la présence d'eau liquide en surface. Cependant, au-delà du dénombrement, nos outils de caractérisation ne nous apportent pas encore des informations telles que la composition de leur atmosphère ou la température de surface. Celle-ci n'est pas qu'une simple fonction de la distance à l'étoile, il faut aussi compter sur un potentiel effet de serre et de façon générale sur le climat. La possibilité physico-chimique qu'une exoplanète possède de l'eau liquide à sa surface est en réalité difficile à établir. Mais admettons que sur certaines d'entre elles ce soit le cas.

C'est à ce stade qu'il est trompeur de poursuive le raisonnement en prenant ses désirs pour des réalités. Il n'a jamais été démontré que la présence d'eau à l'état liquide conduirait inéluctablement à l'apparition de la vie. Cette association n'est pas nouvelle et il n'est pas rare de voir mentionnée l'existence de bactéries extraterrestres dans les moindres recoins du système solaire qui pourraient receler de l'eau à l'état liquide. Enfin, quand nous serons en mesure d'analyser la composition de l'atmosphère de ces lointaines exoplanètes, d'ici 20 ans, je l'espère, si nous y observons une composition chimique proche de celle de notre planète, ou bien complètement inattendue... Que pourrons-nous en déduire? Qu'elle sera la preuve de la vie extraterrestre. Nous n'en savons rien.

Le communiqué de la NASA est sur ce point extrêmement confus. Il mentionne une déclaration de Matt Mountain, directeur du Space Telescope Science Institute. "Imaginez simplement le moment où nous trouverons des signatures potentielles de vie. Imaginez le moment où l'espèce humaine se réveillera et réalisera que notre longue solitude dans le temps et dans l'espace pourrait être terminée - la possibilité que nous ne soyons plus seuls dans l'univers". Cette déclaration combine des affirmations au futur: "nous trouverons", "l'espèce humaine se réveillera"... et des modérations du propos immédiates qui passent presque inaperçues: "des signatures potentielles de vie", "notre longue solitude (...) pourrait être terminée", "la possibilité que nous ne soyons plus seuls". En bref: nous allons trouver quelque chose, nous allons trouver des indices... c'est certain! Ce que nous déduirons de ces indices: que la vie existe peut-être ailleurs. Ce "peut-être" ne changera pas la face du monde.

L'exobiologie pourrait littéralement être définie comme la recherche de la vie extraterrestre. Mais ce domaine interdisciplinaire est beaucoup plus que cela. Afin de construire une stratégie scientifique globale pour rechercher (et peut-être trouver) la vie au-delà de la Terre, il est nécessaire d'identifier les étapes et les conditions qui ont permis son émergence sur notre planète. Les questions "comment la vie est apparue?" et "quand?" sont donc au centre de tout raisonnement exobiologique. Il est pour l'instant strictement impossible de mettre un curseur quantitatif entre la possibilité que nous soyons seuls dans l'univers, et la pluralité presque infinie de mondes habités par de multiples formes de vie.

La diversité de configurations des systèmes exoplanétaires, par exemple avec des très grosses exoplanètes très proches de leur étoile, était inattendue. Ceci a conduit à replacer la Terre dans un environnement qui semble de plus en plus singulier parmi tous les autres systèmes planétaires, chacun d'eux étant également singulier parmi les autres. La théorie de la migration des planètes géantes a résulté de ces observations, et de cette théorie une nouvelle histoire des premières centaines de millions d'années du système solaire est en train d'être écrite. Jupiter se forme en premier et se rapproche du Soleil emportant avec lui la matière qui pourrait donner naissance à notre planète. "Nous sommes sauvés", alors que la Terre n'existe pas encore, in extremis par la formation de Saturne, qui rattrape Jupiter et la ramène vers son orbite actuelle. Que la formation d'une planète comme la Terre soit la conséquence d'un tel enchaînement, que la possibilité de vie tienne à un fil si mince est vertigineux.

Mais la vie est bel est bien apparue sur Terre, elle y était déjà diversifiée il y a 3,5 milliards d'années (le système solaire s'est formé il y a 4,5 milliards d'années). Il est aussi probable qu'elle soit apparue, car il y avait de l'eau à l'état liquide et de la matière organique (des molécules à base de carbone, hydrogène, azote et oxygène) sur notre planète, sans pour autant que nous ayons pu encore élucider les mécanismes mis en jeu. La capacité des systèmes vivants à s'adapter aux environnements les plus extrêmes sur Terre est tout à fait étonnante. Il semble que n'importe quel environnement terrestre, chaud ou froid, basique ou acide soit habité. Bien qu'il reste difficile de savoir si la vie a la capacité d'émerger dans des conditions extrêmes, sa faculté à s'adapter ouvre des perspectives pour la recherche de la vie ailleurs dans le système solaire. Que ce soit sur Mars, ou dans les océans supposés des satellites des planètes géantes (Europe, Ganymède, Callisto, Titan, Encelade ...), notre système solaire héberge des niches potentielles qu'il faudra explorer.

Méfions-nous cependant d'un optimisme débordant. Les annonces fracassantes dans les médias pourraient engendrer la lassitude dans l'opinion publique si les promesses ne sont pas tenues. L'exobiologie et la communauté scientifique doivent conserver une approche patiente et raisonnée. Nous pouvons trouver à l'avenir des indices d'une vie extraterrestre, peut-être d'ici 20 ans, mais des indices ne sont pas des preuves. La citation popularisée par Carl Sagan dans le programme américain Cosmos dans les années 1980: "les affirmations extraordinaires exigent des preuves extraordinaires" doit être enracinée dans l'approche exobiologique.

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