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Au-delà du parkinsonisme, la vie continue

Il y a mon père d'aujourd'hui et mon père dans ma tête tel que construit depuis 45 ans. Comme si j'avais deux pères dichotomisés par sa maladie. Mais les deux sont toujours réunis encore dans ses yeux farceurs, optimistes, plein de courage, dans sa sérénité, dans son désir de rencontrer l'autre.
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Quand une personne entre dans le système de santé, elle arrive à un moment vulnérable de sa vie. Or, sa vie ne se résume pas à ce moment, bien que ce dernier puisse être un point tournant. Tout notre système de santé contribue toutefois à réduire cette personne à sa maladie et à la déposséder d'elle-même en lui ouvrant ainsi très grand le couloir de la mort pendant sa propre vie. À vouloir tout sécuriser et tout contrôler, on tue la vie et la spontanéité qui lui est inhérente, non ? Il y a un certain risque à vivre qu'il faut continuer à assumer même dans la maladie.

On me dit: dommage que votre père ait une si petite voix...Bien que je le fasse répéter moi-même si souvent, je pense: mais non, mon père a une voix puissante qui, sans micro, se fait entendre dans une foule bruyante. On me dit: votre père, il porte small ou medium...Bien que je ne cesse d'aller lui chercher de nouveaux vêtements de plus en plus petits, je pense: mais non, mon père, il est colosse, il habille chez Bovet gros hommes. On me dit: votre père est si gentil, dommage qu'il ne s'engage pas dans la conversation...Bien que je tente moi-même de lui donner explicitement des stratégies pour demeurer dans la conversation avec les autres, je pense: mais non, mon père, il prend le plancher de la conversation à lui seul. On me dit : attention, votre père se lève, il va tomber, ne le laissez pas faire seul. Bien qu'il me soit arrivé si souvent de le relever du sol en acceptant ses rigolades visant à diminuer l'angoisse de la situation, je pense : mais non, mon père est un homme au pas assuré et déterminé dans la vie.

Il m'apparaît primordial de connaître le chemin de jeunesse de la personne âgée pour chercher à convoquer son essence au seuil de la cité que peut être sa vieillesse. Si Rome est «âgée» et si tous les chemins y mènent, il n'en demeure pas moins que le chemin pris pour y arriver demeure un voyage tout à fait unique selon le sentier fréquenté. Cela contribue à voir Rome de manière aussi variée qu'il y a de chemins pour y parvenir, non ? Pourquoi en serait-il autrement du voyage de l'humain vers sa propre «cité âgée» ? Le voyage ne se résume pas à Rome en soi, mais bien par tout le chemin parcouru qui viendra nuancer la représentation finale que l'on peut se faire de Rome !

Il y a mon père d'aujourd'hui et mon père dans ma tête tel que construit depuis 45 ans. Comme si j'avais deux pères dichotomisés par sa maladie. Mais les deux sont toujours réunis encore dans ses yeux farceurs, optimistes, plein de courage, dans sa sérénité, dans son désir de rencontrer l'autre. Avec moins d'éloquence peut-être, avec moins de gestuel accompagnant un discours qui se fait plus rare, avec moins de stature peut-être dans sa posture physique, mais sans aucun doute avec beaucoup plus de centration sur l'essentiel...son regard sur l'autre et pour l'autre qui s'intensifie comme un vaste océan sans horizon dans une profondeur azurée. Mon père demeure unifié par l'océan de ses yeux. Pour celui qui ne voit pas la profondeur de l'océan, je demeurerai toujours la tornade pour rappeler que l'océan est seul maître de son univers, dans toute sa splendeur et sa beauté.

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