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Le Canada pourrait faire davantage pour aider les femmes au Darfour

Il y a une décennie, la communauté internationale s'est mobilisée pour apporter une aide humanitaire et mettre fin au génocide au Darfour. Or, la bataille est encore loin d'être gagnée. Malheureusement, le gouvernement canadien manque à l'appel.
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Il y a une décennie, la communauté internationale s'est mobilisée pour apporter une aide humanitaire immédiate et mettre fin au génocide au Darfour. Or, la bataille est encore loin d'être gagnée. Malheureusement, le gouvernement canadien, qui diminue son aide au Soudan alors même que les besoins humanitaires sur le terrain s'accentuent, manque à l'appel.

Le conflit au Soudan, qui entre maintenant dans sa 12e année, a causé la mort de 1,5 million de personnes. Dans l'Ouest du Darfour seulement, 300 000 personnes ont été tuées, 2 millions ont été déplacées et plus de 3,2 millions ont besoin d'aide humanitaire.

Les conflits entre le gouvernement soudanais et les groupes rebelles, qui ont pris naissance en 2003, ont culminé par des campagnes d'épuration ethnique qui se sont échelonnées sur une certaine période. Les processus de paix successifs, dont l'accord de Doha de 2011, n'ont pas réussi à alléger la souffrance du peuple du Darfour. Ces dernières années, on assiste à une recrudescence de la violence : les hostilités entre le gouvernement soudanais et les mouvements armés poursuivent leur escalade et les milices se battent pour prendre le contrôle. Ces conflits ont ravagé encore davantage un pays qui avait à peine pu se remettre du conflit d'il y a 10 ans.

Les civils sont de plus en plus ciblés et pris en otage dans le conflit. Depuis janvier, le gouvernement soudanais et les milices agissant en son nom visent les populations civiles du Darfour par des politiques de la terre brûlée et des bombardements aériens.

La violence sexuelle prend également de l'ampleur. Human Rights Watch a récemment publié un rapport documentant le viol de masse de plus de 200 femmes et jeunes filles par l'armée soudanaise sur une période de 36 heures. Ces attaques systématiques pourraient constituer des crimes contre l'humanité et violer le droit humanitaire de la guerre, puisque tout membre du personnel militaire qui commet un viol ou ordonne des viols est responsable de crimes de guerre. Ces crimes doivent faire l'objet d'une enquête, et les responsables doivent être identifiés et punis. Pourtant, les fonctionnaires du gouvernement soudanais bloquent activement la publication des rapports sur les attaques en intimidant les victimes pour les museler et en refusant l'accès à la ville à l'Opération hybride Union africaine/Nations Unies au Darfour (la MINUAD a été déployée au Darfour en 2007).

Le flot de réfugiés du Soudan du Sud qui traversent la frontière exacerbe la violence. À l'heure actuelle, 167 000 réfugiés et demandeurs d'asile ont trouvé asile dans l'Est du Soudan, au Darfour et à Khartoum. Depuis la résurgence du conflit en 2013 - une crise qui perdurera probablement à défaut d'une solution politique au Soudan du Sud - 1,9 million de Sud Soudanais ont été déplacés. D'ici à ce que l'on parvienne à une solution, les réfugiés - les demandeurs d'asile et les migrants de la République centrafricaine, du Tchad, de l'Érythrée et de l'Éthiopie - continueront probablement de traverser la frontière soudanaise, ce qui aggravera encore plus la situation humanitaire déjà précaire.

Certes, la durée du conflit et la pléthore de priorités internationales, telles que la lutte contre l'EIIS et Boko Haram, ont détourné l'intérêt des gouvernements occidentaux, mais ce n'est pas une excuse. Tous les gouvernements, même le gouvernement canadien, doivent faire davantage pour mettre fin à ce conflit qui perdure depuis plus d'une décennie et apporter une aide humanitaire suffisante jusqu'à ce que l'on parvienne à une solution.

Dans son rapport publié en 2010, le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes affirme que le « le Darfour ne peut être laissé pour compte » et appelle le gouvernement canadien à prendre un engagement à long terme pour répondre aux besoins humanitaires dans la région.

Or, malgré cet appel à l'action, le Soudan ne se classe même plus parmi les 20 bénéficiaires de l'aide étrangère canadienne, alors qu'il occupait auparavant le troisième rang. En 2013, les conservateurs ont annulé la principale contribution du Canada au développement dans le pays, soit le Groupe de travail sur le Soudan, qui était chargé de coordonner l'approche du Canada en ce qui concerne le développement, les efforts pour assurer la sécurité et les initiatives diplomatiques dans le pays. Mon collègue néo démocrate, Paul Dewar, a condamné cette décision et mentionné qu'elle amoindrirait considérablement l'influence du Canada dans la région.

Pour quelle raison le gouvernement canadien a-t-il décidé de diminuer son aide au Soudan? Il est vrai que le Canada a changé ses priorités à la suite de l'indépendance du pays, en 2011; cependant, selon un document ayant fait l'objet d'une fuite à l'ACDI, ce sont des intérêts économiques qui sont à l'origine de la redistribution des fonds. Selon ce rapport, il faudrait diminuer ou éliminer les fonds affectés à l'aide au développement pour le Soudan parce que le pays n'a aucune « importance stratégique » du fait qu'il n'offre pas de débouchés commerciaux ni de possibilités d'investissement.

Le poids des facteurs économiques dans le programme d'aide du Canada est préoccupant. L'absence d'intervention du gouvernement canadien à la suite des attaques sexuelles violentes survenues récemment est également extrêmement inquiétante étant donné que les conservateurs prétendent que la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants dans les pays en développement est au cœur de leurs priorités.

Étant l'un des nombreux pays qui se sont engagés à créer un plan d'action nationale dans le cadre du programme des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité, le Canada dispose déjà d'une base pour mettre de l'avant des changements, mais il n'y donne pas suite. Le plan d'action du Canada pour la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité aurait dû être suivi de mesures qui reconnaissent et prennent en compte les diverses expériences des femmes, en particulier celles victimes du conflit. En septembre dernier, l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) a publié une étude exhaustive sur les progrès réalisés par 27 de ses États membres, dont le Canada, qui ont conçu des plans d'action nationaux. L'OSCE a toutefois précisé dans son rapport que, même si les États membres multiplient les discours sur le programme des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité, la mise en œuvre de ce dernier est lente et incohérente.

Le secteur canadien de la société civile accomplit déjà beaucoup pour améliorer la vie des femmes au Soudan. Par exemple, la Nobel Women's Initiative a créé des programmes novateurs qui tiennent compte de la nécessité de faire participer les femmes aux processus de paix. Or, le gouvernement canadien ne mobilise pas cette expertise dans sa propre intervention face à la crise.

Le gouvernement canadien doit faire mieux. Dans le cas du Soudan, l'investissement canadien dans les services de poursuites et l'assistance aux victimes de violence sexuelle, ainsi que des mesures préventives, contribueraient grandement à protéger les Soudanaises.

Le conflit au Darfour est complexe et l'aide du Canada ne suffira pas à tout régler. Toutefois, le Canada devrait donner l'exemple en mettant en œuvre son plan d'action national et en veillant à ce que ses alliés en fassent autant. Les Soudanaises méritent notre aide.

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Mai 2017

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