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Égypte: les effets pervers de l'affrontement entre l'armée et Les Frères Musulmans

Seul l'arrêt immédiat des violences de l'armée, la cessation immédiate des manifestations pro-Morsi et le retour sans délai à des négociations politiques autour d'un pacte national de gouvernement consensuel serait susceptible d'arracher l'Égypte à un chaos programmé.
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L'armée du général Al-Sissi est entrée dans l'engrenage de la violence et a activé dangereusement cette spirale mortifère dont personne ne sait jusqu'où elle va aller. En tous les cas, c'est toute l'Égypte, c'est-à-dire l'ensemble des couches de la population, musulmane ou non, islamiste ou pas, qui risque d'en pâtir durablement et d'en payer le prix fort : celui de la terreur, des larmes et du sang. Il n'est pas non plus exclu, loin s'en faut, que des retombées extrêmement négatives pour toute la région se fassent sentir à moyen ou plus long terme.

Il est important, devant les événements actuels, de procéder à une lecture pluricausale qui évite les manichéismes stériles. Chacun des acteurs politiques, armée, islamistes ou non, porte une responsabilité dans ce qui arrive : certains par inaction ou une attitude timorée devant la déposition du président déchu issu des Frères musulmans Mohamed Morsi, le 3 juillet dernier, d'autres par surenchère idéologique, celle des islamistes en particulier, ou, plutôt par zèle sécuritaire, celui de la hiérarchie militaire et les forces de sécurité à sa solde.

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Les Frères musulmans, qui nourrissent une vision totalitaire de l'islam dont ils prétendent qu'il serait la solution à tous les maux, en premier lieu aux problèmes socioéconomiques et moraux de la société, ont été effectivement incapables de relever le dur défi de la transition politique de l'après Moubarak, tombé en disgrâce définitive en janvier 2011. Privés d'une solide culture de gouvernement, de compétences techniques et du sens éminemment important du compromis, depuis leur accession aux plus hautes marches de l'État, il semblerait que l'ivresse du pouvoir ait progressivement gagné les islamistes, animés de surcroît d'un esprit revanchard après tant d'années de répression, croyant que seule la légitimité des urnes conférait une inoxydable légitimité. Ils se sont en l'espèce lourdement trompés, qui plus en snobant les manifestations de rue qu'ils croyaient sans doute passagères et évanescentes. Bien mauvais calcul.

Toutefois, force est de constater que c'est la police, sous la houlette du commandement militaire de Sissi, qui a eu la main la plus lourde. En effet, c'est lui qui a donné l'ordre de faire usage de la force, si besoin est, sur les manifestants1. Dans les conditions d'extrême insécurité du pays depuis plusieurs mois, cela ne pouvait équivaloir qu'à un permis de tuer quand on sait que des bavures, en de telles circonstances, sont toujours possibles.

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Manifestations et répression en Égypte (14 au 16 août 2013)

Du débat contradictoire et de conflictualité somme toute normale et souhaitée autour de la gouvernance des Frères musulmans, sur leur bilan intermédiaire ô combien calamiteux, l'Égypte, par l'action irréfléchie des apprentis sorciers leaders de l'armée, replonge lentement mais sûrement dans un néo-autoritarisme militaire qui aura, à coup sûr, si rien n'est rapidement fait, les conséquences suivantes, parmi lesquelles:

  • La poursuite de la guerre civile avec l'insécurité généralisée pour toutes les composantes de la société égyptienne, en particulier les minorités religieuses (les Coptes) qui en sont malheureusement les premières victimes expiatoires.
  • La radicalisation armée de franges politico-religieuses déjà fortement méfiantes vis-à-vis du processus démocratique en temps normal.
  • Défiance et mouvements de fort ressentiment de la population égyptienne et arabe à l'égard des puissances occidentales accusées, à tort ou à raison, de complicité ou de silence assourdissant vis-à-vis des faits et méfaits de l'armée.
  • Renforcement de martyrologie islamiste, celle des Frères musulmans notamment, voyant la main d'Israël partout et les méfaits de "l'allié sioniste" (sic) dans les exactions en cours.
  • Diffusion d'une apologétique musulmane, en France par exemple, consistant à laisser penser que si les Frères musulmans ou les islamistes sont attaqués, ce sont l'islam et les musulmans, qui, in fine, sont visés.

Au final, seul l'arrêt immédiat des violences de l'armée, la cessation immédiate des manifestations pro-Morsi et le retour sans délai à des négociations politiques autour d'un pacte national de gouvernement consensuel serait susceptible d'arracher l'Égypte à un chaos programmé.

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