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La fausse bonne idée de la libéralisation de l'alcool

Le gouvernement libéral cherche, depuis son arrivée au pouvoir, à mettre à mal les symboles de notre État-providence au travers desquels se sont matérialisées nos aspirations nationales. Cela passe pour eux par une application rigoureuse de la doctrine néolibérale. Voilà la raison pour laquelle ils ont mis sur pied la Commission de Révision Permanente des Programmes, sous couvert de vouloir rendre plus efficient l'État québécois.
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Lundi dernier, Lucienne Robillard a présenté le deuxième rapport de la Commission de Révision Permanente des Programmes (CRPP) dans lequel elle y allait avec les autres commissaires de recommandations des plus choquantes afin de faire économiser au gouvernement du Québec une certaine somme et rendre l'appareil étatique plus « efficace ». Pour ce faire, les commissaires ont visé plus spécifiquement deux institutions : Revenu Québec, dont nous avons traité plus tôt cette semaine, et la Société des Alcools du Québec (SAQ).

La Commission Robillard s'attaque donc à la SAQ en suggérant la fin du monopole de celle-ci sur les vins et spiritueux. Cette proposition repose sur le fait que la société d'État serait inefficace puisque le ratio de ses frais d'administration par rapport à ses revenus serait de 21 %. Ce ratio, à lui seul, justifierait donc la libéralisation du marché de l'alcool qui se ferait au bénéfice des consommateurs puisque la SAQ serait forcée de le diminuer pour être compétitive face au secteur privé, ce qui diminuerait les prix au détail.

Tout d'abord, l'affirmation selon laquelle le prix de l'alcool diminuerait pour le consommateur est trompeuse. En effet, les commissaires arguent que le manque à gagner causé par la libéralisation pourra être compensé par le gouvernement en augmentant les taxes perçues sur la vente des vins et spiritueux. Ainsi, toutes les économies promises ne seraient au fond que du vent puisqu'elles seraient reprises en taxes plutôt qu'en marge de profits. De plus, la libéralisation n'apportera pas nécessairement une diminution des prix de vente, comme le démontre une étude de prix réalisée par l'Association canadienne des sociétés des alcools. La SAQ se classe au cinquième rang au Canada, juste devant l'Alberta, dont le marché de l'alcool a pourtant été libéralisé il y a 20 ans. Ainsi, ce n'est pas parce qu'il y a une fin du monopole que les prix diminuent automatiquement.

Ensuite, la fin du monopole de la SAQ mettrait à risque la diversité des produits offerts à la clientèle puisque la concurrence impliquerait pour la société d'État de favoriser l'achat des plus grands vendeurs plutôt que de diversifier son offre afin de faire des économies d'échelle. Cette diversification des produits de la SAQ est une bonne chose pour les consommateurs, mais aussi pour les vignerons et les distillateurs du Québec, qui profitent d'une nouvelle place de choix dans les SAQ avec l'appellation Origine Québec. Au final, la libéralisation telle que proposée par Lucienne Robillard n'amènera pas d'économies pour les consommateurs et met en péril la variété de produits offerts.

De plus, l'administration de la SAQ, malgré ce que peut bien en penser la commission Robillard, a presque réussi à faire doubler le dividende remis au gouvernement depuis 2005 en le faisant passer de 546 millions à 1,034 milliard. Cela démontre que malgré sa pseudo-inefficacité, la SAQ réussit tout de même à fournir au gouvernement un dividende intéressant qui augmente d'année en année, et ce, sans tenir compte des difficultés que rencontre la croissance de la consommation depuis la crise financière de 2008. Ainsi, les recommandations de la commission Robillard ne sont pas basées sur une non-rentabilité de la SAQ ni sur une diminution du dividende, puisque celui-ci augmente.

Si la libéralisation n'entraîne pas d'économies et que la SAQ fournit un dividende qui augmente de manière intéressante d'année en année au gouvernement du Québec, que peut bien justifier cette recommandation de la part de la commission et cette ouverture de la part du président du Conseil du Trésor, Martin Coiteux? La réponse est simple : l'idéologie. La libéralisation telle que prônée par les libéraux ne peut être qu'une décision idéologique à deux volets : l'un visant à mettre à mal les gains effectués par le syndicat des employés de la SAQ, l'autre cherchant à mettre en péril un des symboles du modèle québécois.

La libéralisation effectuant une pression sur la société d'État pour faire face à la concurrence, celle-ci devra diminuer ses coûts sans pour autant augmenter ses revenus. Cela passe par deux axes principaux, soit l'achat en gros pour effectuer des économies d'échelle - entraînant du même coup une perte de variété - et une attaque en règle contre les conditions de travail de ses employés, qui constituent le plus important poste budgétaire de la société d'État actuellement. Ce dernier axe s'inscrit en droite ligne avec l'idéologie néo-libérale du gouvernement Couillard qui, avec ses propositions aux employés de la fonction publique, nous démontre qu'il cherche à faire des économies à tout prix sur le dos des employés du secteur public. Si la fonction publique doit s'appauvrir, les employés de la SAQ devraient faire eux aussi les frais du néolibéralisme.

Le gouvernement libéral cherche, depuis son arrivée au pouvoir, à mettre à mal les symboles de notre État-providence au travers desquels se sont matérialisées nos aspirations nationales. Cela passe pour eux par une application rigoureuse de la doctrine néolibérale. Voilà la raison pour laquelle ils ont mis sur pied la Commission de Révision Permanente des Programmes, sous couvert de vouloir rendre plus efficient l'État québécois. Ne nous leurrons pas. Il s'agit d'une commission politique qui vise à légitimer les actions et l'idéologie du gouvernement libéral sous une apparence d'objectivité et de démarche scientifique. Les recommandations de la Commission Robillard sur la SAQ et sur Revenu Québec en sont deux exemples patents. Notre gouvernement est prêt à tout pour mettre le couvercle sur le sentiment nationaliste qui règne au Québec depuis longtemps. Même si cela exige une reddition tranquille de toutes nos réussites aux mains d'Ottawa et de quelques gros intérêts qui souhaitent s'enrichir sur le dos des Québécois.

Ce texte est cosigné par Guillaume Rousseau, Vice-Président aux affaires politiques et au programme du Comité national des jeunes du Parti Québécois, et Pierre Norris, Président du Comité Régional des jeunes du Parti Québécois des Laurentides.

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