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Droit à la santé: avez-vous dit universalité?

L’itinérance entretien un double rapport avec la santé, pouvant être autant une cause qu’une conséquence de la détérioration de l’état de santé d’une personne.
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Toutes et tous n’accèdent pas à la santé de la même manière au Québec, et ce sont les plus vulnérables qui en vivent les conséquences.
Helen Melhuish / EyeEm via Getty Images
Toutes et tous n’accèdent pas à la santé de la même manière au Québec, et ce sont les plus vulnérables qui en vivent les conséquences.

Pour les personnes en situation ou à risque d'itinérance, l'exercice du droit à la santé peut s'avérer complexe. Caractérisée par la pauvreté et l'absence ou l'instabilité du logement, l'itinérance a une incidence importante sur l'état de santé des personnes qui la vivent. Souvent victimes de préjugés, de marginalisation, de traumas et inscrits dans des processus de désaffiliation sociale importants, ces personnes accèdent toujours difficilement à des soins de santé en raison de leur situation.

La politique nationale de lutte à l'itinérance adoptée par le gouvernement du Québec en 2014 positionne la santé au cœur d'une approche globale de réduction et de prévention de l'itinérance. Elle comprend la santé comme un déterminant important de l'itinérance, et reconnaît la nécessité d'agir pour favoriser l'amélioration de la santé des personnes en situation d'itinérance ou à risque de le devenir.

Des inégalités sociales et de santé

Alors qu'il est important de réserver une place centrale aux écarts de richesse dans notre analyse des rapports sociaux, il est nécessaire de positionner la santé au cœur de notre compréhension des inégalités.

Toutes et tous n'accèdent pas à la santé de la même manière au Québec, et ce sont les plus vulnérables qui en vivent les conséquences.

Les conditions et la qualité de vie ont une incidence importante sur la santé des personnes: troubles de santé mentale, dépendances, parcours de violence, difficultés à maintenir une alimentation adéquate, trouble du sommeil et le stress constant de la rue, contribuent à creuser le fossé entre les personnes et la possibilité de maintenir un sain état de santé. L'accès à des soins et services de santé de qualité, lui aussi plus difficile pour les personnes marginalisées ou exclues socialement, participe à son tour à l'aggravation de leur état de santé.

L'itinérance entretient ainsi un double rapport avec la santé, pouvant être autant une cause qu'une conséquence de la détérioration de l'état de santé d'une personne.

Les réalités de la santé des personnes en situation ou à risque d'itinérance sont les témoins d'un grave déséquilibre en santé publique. Selon de récentes recherches, l'espérance de vie d'une personne habitant dans Hochelaga-Maisonneuve serait de 11 années inférieures à celle d'une personne résidant à Westmount.

D'autres études nous indiquent pour leur part que l'espérance de vie des personnes en situation ou à risque d'itinérance serait de 10 à 20 années plus courte que celle de la population en général (GAGNÉ, 2013). Ces mêmes personnes vieilliraient également de manière beaucoup plus précoce que tout autre membre de la société. Elles vivraient ainsi les conséquences du vieillissement de manière plus prononcée et beaucoup plus hâtive.

Des réalités complexes

Phénomène souvent mal compris, l'itinérance engendre aujourd'hui encore un vaste lot de discriminations. Pour les personnes qui la vivent, celles-ci s'ajoutent à l'indifférence d'un trop grand nombre de personnes et à l'inaction de plusieurs responsables politiques.

L'itinérance n'est pas une maladie à traiter, mais plutôt un déni des droits fondamentaux, dont justement celui à la santé.

S'il est difficile pour quiconque de naviguer dans les méandres du réseau de la santé, imaginons comment cela peut s'avérer complexe lorsqu'il n'y a pas de véritable possibilité d'avoir accès à un médecin de famille, sans adresse fixe, ni téléphone, souvent dépourvu de pièce d'identité, incapable de se permettre un titre de transport et luttant à chaque instant pour assurer sa propre survie.

Pour véritablement faire une différence, une meilleure flexibilité doit être rendue accessible aux personnes qui ne pourraient s'adapter au cadre rigide de notre système de santé.

L'accès à la santé doit ainsi être compris à partir de la complexité de la réalité propre à chaque personne, et non seulement par des aménagements aux services offerts dans le réseau de la santé.

Se rendre en milieu hospitalier peut susciter beaucoup d'angoisses chez une personne en situation ou à risque d'itinérance. Pour une personne qui consomme de l'alcool ou des drogues, les traitements offerts sont trop souvent accompagnés d'un arrêt imposé de la consommation.

Cherchant à faire ce qui serait «objectivement bon pour les personnes» on fait plutôt abstraction de leurs réalités et de leurs besoins immédiats. Pour d'autres personnes ayant des traumatismes liés à un ou plusieurs passages en institutions, dont notamment beaucoup de femmes, de jeunes, de personnes s'identifiant en tant que LGBTQ+ et de membres des Premières Nations et d'Inuits, la situation est tout aussi difficile.

Des démarches visant l'amélioration de l'état de santé peuvent ainsi paradoxalement alimenter la détresse psychologique de certaines personnes et briser une confiance souvent fragile, pour en somme miner les possibilités de réinsertion en santé.

Des pistes de solution

De nombreux programmes et services spécialisés en itinérance se sont développés ces dernières années afin de répondre aux besoins spécifiques des personnes itinérantes. S'il faut saluer et adéquatement soutenir ces initiatives, il faut parallèlement viser un renforcement généralisé de l'accessibilité à l'ensemble des portes d'entrée du système de santé.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux annonçait il y a un peu moins d'un an le déploiement de la Stratégie d'accès aux soins de santé et aux services sociaux pour les personnes en situation d'itinérance ou à risque de le devenir. La réussite de son déploiement dépendra en vaste partie de la capacité de l'ensemble du réseau de la santé et des services sociaux de s'adapter aux besoins et aux réalités spécifiques des personnes en situation ou à risque d'itinérance. Il dépendra également largement de la volonté du gouvernement provincial d'y investir les sommes requises.

Pour dépasser les énoncés de principes en faveur de l'accessibilité universelle aux soins de santé et aux services sociaux, c'est l'ensemble des intervenant.e.s du réseau public qui doivent aujourd'hui être mis à contribution. Non seulement faut-il effectuer des changements concrets au niveau des structures, des programmes et des services offerts, mais il faut également opérer un véritable changement «culturel» au sein du réseau de la santé et des services sociaux.

Les actions à consolider et à développer doivent nous permettre de briser l'isolement des personnes dans un parcours de soins qui est représentatif de leurs besoins et de leurs réalités, en tout respect de leurs capacités.

Elles doivent d'abord permettre d'établir un rapport d'égalité entre le «patient» et le personnel soignant afin d'assurer l'adhésion et la pleine participation aux services offerts.

Une personne en situation ou à risque d'itinérance doit être considérée en tant que membre de la société à part entière et experte de sa propre réalité. Elle doit être dignement reçue, pleinement écoutée et adéquatement accompagnée, sans jugement face à sa situation.

Des actions en marche!

De nombreux organismes communautaires ont, eux aussi, développé d'intéressantes initiatives d'accès à la santé qui permettent de faire la différence dans le quotidien de milliers de personnes à Montréal. Ces initiatives communautaires permettent d'offrir des soins de santé à proximité des milieux de vie des personnes. Elles offrent des alternatives intéressantes à des personnes qui accéderaient autrement plus difficilement à des soins.

S'il est souhaitable que la Stratégie d'accès du MSSS se déploie de manière à ouvrir l'ensemble des portes du réseau public aux personnes en situation d'itinérance ou à risque de le devenir, les initiatives communautaires devront être reconnues et mieux soutenues. C'est par un ensemble d'actions, tant dans le réseau de la santé que dans le milieu communautaire, que nous favoriserons le droit à la santé pour toutes et tous!

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