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Sylvain Cormier, à mon tour de vous critiquer!

En ce qui nous concerne M. Cormier, je profiterai de l'occasion de mon départ de ce milieu musical pour dire tout haut ce que plusieurs pensent tout bas de vous, de certains de vos semblables, de votre métier.
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M. Cormier, permettez-moi de réagir à votre plus récent article intitulé «Un tour de Segway pour rien», paru dans Le Devoir, ce 3 octobre dernier.

Après près de 20 années dans l'industrie de la musique, je tirais dernièrement ma révérence à ce milieu. Et le concert MV Symphonique du 2 octobre dernier se voulait le «point d'orgue» d'une carrière de gérant d'artiste que je laisse derrière moi. Cette soirée du 2 octobre, donc, représentait surtout pour moi l'aboutissement d'un long travail politique de deux ans et demi pour transformer ce concert en projet pilote, dans le cadre d'un nouveau modèle d'affaires.

Aujourd'hui, en ce qui nous concerne M. Cormier, je profiterai de l'occasion de mon départ de ce milieu pour dire tout haut ce que plusieurs pensent tout bas de vous, de certains de vos semblables, de votre métier.

Se critiquer dans l'pied...

M. Cormier, nous sommes dans un petit milieu. Nous sommes dans un petit marché. Un très petit marché de 8,2 millions de personnes qui, plus souvent qu'autrement, s'abreuvent de culture américaine. Nous sommes dans un marché où notre relève de consommateurs de culture s'estompe et, certainement, ne lit pas Le Devoir, ni les autres quotidiens d'ici. Nous sommes dans un marché où les lecteurs de critiques culturelles sont majoritairement des artisans de ce milieu, plus que de simples lecteurs non initiés. Vous n'êtes donc pas sans savoir que vous avez un impact immense sur cette minorité de consommateurs culturels qui vous suivent; ils sont si peu nombreux... mais si fondamentaux à notre survie culturelle.

Je ne dis pas ici que vous devriez être consensuel avec vos cibles; je dis que ceux que vous critiquez mériteraient plus de rigueur, de profondeur et de recherche, avant de subir le fruit de votre perception au premier degré et de vos impressions bien émotives... qui ne datent pas d'hier (Céline Dion, 1998).

Or, au lendemain du concert MV Symphonique du 2 octobre dernier (que vous pourrez réécouter ici, si jamais vous êtes parti avant la fin...), j'ai eu l'impression que vous et moi ne vivions tout simplement pas sur la même planète. À lire vos lignes, je suis tombé des nues de voir à quel point vous étiez déconnecté du monde qui apprécie le travail de Misteur Valaire et de leur entourage.

Pendant que vous écriviez vos lignes gratuites et assassines, une cinquantaine de personnes « twittaient » sur #MVsymphonique leur appréciation du concert, cela durant les heures et les jours suivants. Bien sûr qu'il y a eu un moment où les interventions chantées de Luis Clavis proposaient une sono assez discutable dans la salle... Mais vous ne saviez pas que c'était un choix de mise en scène que d'utiliser les haut-parleurs du curé, afin d'avoir un « son brun » à souhait, afin de laisser aussi la place aux sources acoustiques, autant que possible. Vous ne le saviez pas, parce que vous ne vous êtes pas intéressé à cette dimension. Et l'innovation de mettre le band derrière l'orchestre, pour une fois où cette dernière n'était pas un «Power Keyboard» au service d'un band pop, bien ça vous a échappé aussi. Ce spectacle vous a sorti de votre zone de confort, visiblement...

Profondeur, rigueur et recherche

Plutôt que de rester au premier degré et de critiquer l'utilisation (inusitée) de Segway dans le cadre d'un concert symphonique, vous auriez pu faire vos devoirs... Vous n'avez visiblement pas remarqué que ce concert, contrairement à d'autres, intégrait totalement les artistes populaires invités à l'orchestre acoustique. Vous ne saviez visiblement pas que ce concert enregistré l'était fait dans le but de rendre les pistes sources disponibles à des remixeurs, dont DJ Champion sera le premier invité. Vous ne saviez pas que les 60 musiciens sur scène, avec les membres de Misteur Valaire, sont maintenant tous ensemble coproducteurs des enregistrements. Vous ne saviez pas que ce concert était à sa façon «historique», parce que vous assistiez à la réécriture des modèles d'affaires; vous ne saviez pas que vous étiez aux premières loges d'un précédent qui dictera sans doute les conventions collectives de demain, entre musiciens, producteurs et diffuseurs, au grand bénéfice de notre culture.

Vous ne savez rien... alors que vous avez le privilège de dire n'importe quoi et d'être payé pour le faire, en plus. Voilà le problème.

Mésadapté socio-affectif salarié?

Trop souvent, j'ai eu l'impression, à vous lire, à vous écouter, que ce métier est un «faire-valoir» pour vous. J'ai jadis eu l'occasion d'épier - bien involontairement - une conversation ouverte entre vous et un autre journaliste dans la salle de presse des Francofolies de Montréal. J'y étais pour d'autres raisons, par hasard. Et ce que j'ai entendu bien malgré moi sortir de votre bouche m'a littéralement jeté par terre. Le manque de respect à l'égard des artistes que vous critiquiez était flagrant; du grand «caler pour se remonter». Mais comme beaucoup dans ce milieu, j'ai fermé ma gueule, apeuré par l'idée que cela puisse avoir un impact négatif sur les artistes que je représentais à l'époque. Aujourd'hui, «Exit Guillaume!». Je peux désormais dire ce que je pense de vous, sans incidence sur ma destinée. Je n'ai plus peur de vous. Voilà.

Critique... constructive?

Et si vous trouviez le moyen d'être constructif? Vous pourriez contribuer à l'avancement de notre culture et non à son anéantissement. Nombre d'artistes qui m'envoient leur démo s'attendent à avoir un retour constructif de ma part. Et non, je ne prends pas plaisir à les caler... Je prends plutôt le temps de leur dire ce qui fonctionne bien et ce qui fonctionne moins bien, dans le respect. Parce qu'à leurs yeux, c'est moi le pro. Lorsque les gars de Misteur Valaire m'ont présenté leur démo en 2005 alors qu'ils n'avaient que 17 ans, on était bien loin du style et du son indicible qu'ils ont développés avec le temps. Leur développement - que vous avez d'ailleurs à peine suivi en 10 ans - a été un long parcours d'amélioration qui les a fait connaître auprès de plus de 60 000 fans dans 58 pays différents. Et si cela est arrivé, c'est parce que des gens autour d'eux ont été constructifs. Pas destructifs, pas consensuels... constructifs !

Bref, j'aimerais voir plus de constructivité en vous et en ce milieu. Et je vous lance le défit de partir le bal, puisqu'il y en a pas mal autour de vous, dans votre métier, qui souffrent du même syndrome. Bien platement. Et je m'abstiendrai ici de les nommer. Ils se reconnaîtront sans doute.

Voilà qui est dit.

Guillaume Déziel

Ex-gérant d'artiste

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