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Réalité 2.0: la chanson du Québec en péril

Il devient indispensable que l'industrie de la musique au Québec se branche sur la réalité du numérique, l'embrasse et s'en serve, plutôt que de la nier ou de lutter contre. L', trop occupé à sauver ses meubles depuis Napster, n'a malheureusement ni su, ni eu le luxe d'innover. Pour prendre de grands risques, il faut d'abord n'avoir rien à perdre. Et devant la disparition potentielle de notre culture sur la surface du Web, croyez-moi, on n'a vraiment rien à perdre.
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Récemment, lors du Forum sur la chanson québécoise organisé par le CALQ, j'ai eu l'occasion d'assister à une vraie séance de lavage de linge sale en famille. De fait, le milieu de la chanson au Québec s'est enfin réuni après de trop longues années, pour parler tous ensemble.

Comme la dernière politique culturelle du numérique datait de 1992 (le web a été inventé en 1991...), il était devenu vital que les gens du domaine de la chanson québécoise se rencontrent pour faire face à la musique. De l'auteur au compositeur, à l'interprète, en passant par le producteur, le distributeur, les syndicats et les sociétés de gestion collective; tout le monde y était...à part les radios commerciales qui brillaient par leurs absences.

Durant ce forum, plusieurs artistes d'ici dont Pierre Bertrand (Beau Dommage), Marie-Claire Séguin, Catherine Leduc (Tricot Machine), Guy-Philippe Wells ont dénoncé, sans retenue, la situation précaire que vivent les créateurs et artistes en chanson. Un problème est criant : notre chanson d'ici rejoint de moins en moins d'oreilles au Québec. Lynda Thalie a comparé la situation de notre chanson d'ici au printemps arable; les artistes et créateurs de chansons québécoises, les enfants pauvres de notre industrie, se réveillent enfin. D'autres ont dénoncé un establishment qui s'en serait mis plein les poches au fil des années, trop souvent en dépouillant les artistes de leurs droits et de leurs produits (éditions et bande maîtresse). Aussi, on a eu droit à plusieurs semi-vérités, dites de part et d'autre, souvent fondées sur l'incompréhension de la nouvelle réalité omniprésente au sein de notre culture : le Web. La Société des professionnels des auteurs et compositeurs du Québec (SPACQ) a d'ailleurs témoigné publiquement de son incompréhension de ce qu'est le Creative Commons, lors d'un atelier portant sur la chanson à l'ère numérique.

Une déchirure marquante

Ce qui a fortement marqué ce forum, c'est que le clan «artistes» semblait divisé de celui des « producteurs ». L'envie, chez certains, que la culture soit portée en tête de liste des priorités de notre société - bien avant les priorités du monde des affaires qui exploite la culture - a vraiment provoqué une déchirure idéologique et polarisé les débats.

Solange Drouin, directrice générale de l'ADISQ, a d'ailleurs lancé un appel à l'unité entre les créateurs et les producteurs; pour elle, le fait d'avoir une industrie divisée n'aidera en rien le combat que tous devraient mener contre les géants de la technologie. Ces derniers, armés de gros et riches lobbies, dictent vraisemblablement les lois à Ottawa et se servent du contenu culturel d'ici pour générer des profits astronomiques. On parle des fournisseurs d'accès internet (FAI), entre autres. On ne peut qu'être d'accord avec elle. Je rajouterais toutefois que, sans un gouvernement fédéral qui perçoit la valeur de notre culture québécoise, il deviendra peu à peu impossible de la monnayer.

De fait, la télécommunication (CRTC) et la monétisation (droit d'auteur canadien) sont de juridiction fédérale. Ils sont les bijoux de famille de notre culture qui reposent actuellement entre les mains de Harper. Sans le rapatriement de ces champs de compétences, notre culture est vouée à disparaître lentement, mais sûrement.

Mme Drouin a aussi ajouté que l'enjeu n'est pas de savoir ce qui est plus important entre la business ou la culture, mais bien que les deux soient complémentaires. Techniquement, elle a raison. Mais la réalité tend à démontrer le contraire; en analysant les dix dernières années, où les lois du libre marché de l'ère numérique se sont confortablement installées, on a remarqué que notre culture s'est sournoisement assujettie au service de l'économie. Notre culture est désormais le sang qui circule dans les veines des fournisseurs d'accès internet; elle est le produit d'appel d'une certaine compagnie convergente d'ici, pour vendre ses périodiques, ses émissions de télé et ses autres produits dérivés. Chez nos radios commerciales, on tourne platement aux 55 minutes les mêmes chansons provenant des multinationales; chaque chanson doit nécessairement ressembler le plus possible à la précédente, dans un « format radiophonique ». On truque les quotas du CRTC pour éviter que le contenu d'ici ne prenne trop de place, entre une pub de meubles et de fast-food. Tout cela pour ne pas déplaire aux annonceurs qui alimentent les énormes profits des radios, plus que jamais concentrées en réseaux.

Bref, si vous me suivez, la chanson d'ici ne se porte pas si bien, lorsque la culture est à la remorque de la business. L'inverse demeure donc une piste à explorer, logiquement.

Une crise d'adolescence pour notre chanson

Ce forum aura permis de mettre un gros doigt sur le bobo : les créateurs souffrent aujourd'hui des effets pervers d'une infantilisation qui date de l'âge d'or du « record ». Leur incompréhension du système, dans lequel ils œuvrent, m'est apparue évidente au terme de ces 48 heures de discussions. On ne peut cependant pas leur en tenir rigueur, car le manque de transparence de leur industrie a, durant de trop longues années, fait d'eux les victimes d'un système créé vraisemblablement à leur désavantage. D'ailleurs, on s'en rend mieux compte aujourd'hui, maintenant que les profits sont moins au rendez-vous. Je m'explique :

Jadis, alors que les ventes de disques généraient un déluge d'argent, toute une industrie s'est formée, composée d'intermédiaires utiles et indispensables, prenant tous leur « cut » au passage. Malgré les nombreux intermédiaires, l'artiste réussissait à bien vivre et à se payer une Beetle, pendant que ses producteurs, son fabricant de disques, son distributeur et les patrons des détaillants roulaient en Porsche ou en Mercedes.

Aujourd'hui, et depuis l'invention de Napster en 1998 (l'équivalent du 11 septembre 2001 pour le milieu de la musique), tous les revenus fondés sur la vente de la musique s'effondrent, lentement, mais sûrement : 60 % des revenus générés par la vente de musique en moins; les fournisseurs d'accès internet sont maintenant milliardaires depuis qu'ils font impunément leur beurre sur le dos des créateurs, avec le consentement légal de leurs amis les conservateurs (article 31.1). Conséquemment, la même part, celle qui revient aujourd'hui aux créateurs, leur permet à peine de survivre! Et cela, pendant que leurs producteurs d'antan roulent encore avec leur vieille Mercedes, payée depuis fort longtemps. Bref, jadis, l'idée d'avoir un petit pourcentage d'une très grosse somme ne provoquait évidemment pas le désir de revendication chez les artistes. Maintenant, depuis que les revenus sont fuyants, les créateurs se réveillent en plein cauchemar souvent endettés et dépouillés de leurs bandes maîtresses et de leurs droits d'éditions. Je ne dis pas que tous les producteurs ont abusé de leurs artistes; je dis que les artistes qui ont été abusés s'en rendaient moins compte, avant. Aujourd'hui, la plupart des producteurs d'antan ont vendu leurs actifs et sont déjà partis, peinards, à la retraite. Et le pire : à regarder la courbe des ventes de musique piquer du nez depuis 2000, tout ça était fichtrement prévisible. Heureusement, d'autres producteurs, plus jeunes et innovateurs, sont aujourd'hui beaucoup plus justes et équitables envers les créateurs.

Dans le même ordre d'idées, une grande ironie a aussi été soulevée durant ce forum : La SOCAN, cette société qui perçoit l'argent au nom des auteurs et compositeurs lorsqu'une chanson est jouée en public (radios, télés, spectacles, restaurants, bars, etc.) offre des fonds de retraite à ses employés, tandis que ceux qui créent les chansons et qui font vivre l'organisme n'en ont pas! À ce titre, Geneviève Côté, nouvellement membre du conseil d'administration de la SOCAN, s'est engagée à soulever cette question d'iniquité devant le prochain C.A.

Seul ensemble

Durant ces 48 heures, on a pu remarquer que le milieu de la chanson n'est pas du tout uni. Plusieurs clochers défendent des intérêts bien précis et le milieu est ultra complexe. Des exemples : les interprètes sont représentés par l'Union des artistes, par la Guilde des musiciens et par Artisti; les auteurs et compositeurs sont représentés à la fois par la SOCAN, la SPACQ et SODRAC; les producteurs de disques, de spectacles et de vidéos sont représentés par l'ADISQ et la SOPROQ; les diffuseurs et agents de spectacles réunis à RIDEAU... Vous, lecteurs profanes, n'avez évidemment pas besoin de comprendre toute cette réalité. Il faut seulement retenir que c'est complexe, sans plus. Le grand problème est donc qu'aucun regroupement de ces diverses entités n'existe, afin de parler d'une seule et unique voix. Aucun Messie n'a, à ce jour, été assez charismatique pour réunir tout le monde. Pourtant, du côté de la Danse, il existe le Regroupement québécois de la danse qui est très efficace auprès des politiciens et qui parle d'une seule et unique voix.

Et bien au-delà du fait que tous dans le milieu de la musique doivent d'abord s'entendre, avant d'en arriver à une représentation forte pour faire face aux problèmes, il faut aussi savoir écouter son marché...

À cet égard, une dame nommée Nathalie Courville, professeur en marketing à HEC-Montréal, est venue souligner dans un atelier à quel point le milieu de la chanson « résiste » face à son nouvel écosystème qu'est celui du Web. Elle a parlé des nouvelles manières de consommer la musique; du fait que les jeunes ont des habitudes de consommation différentes. Elle a notamment parlé d'impliquer davantage le public (les fans) dans le financement des artistes.

Si les modèles traditionnels s'effondrent depuis dix ans, d'autres doivent rapidement naître; les programmes de subvention de la culture devront nécessairement stimuler tout cela.

Le défi de l'Alzheimer culturel

Enfin, une des grandes problématiques liées à la pérennité de notre culture est le fait que l'archivage de nos produits culturels (chanson, vidéo, livres, etc.) soit présentement entre les mains du privé. Sachant bien qu'iTunes possède une discothèque assez complète de la culture mondiale, qu'adviendrait-il si ce monstre de la technologie en arrivait à perdre la confiance de ses actionnaires; s'il perdait la popularité que lui confèrent ses consommateurs? Est-ce responsable, en tant que société, de laisser le sort des bandes maîtresses originales de Soldat Lebrun, La Bolduc, Harmonium ou Loco Locass entre les mains d'entreprises corporatives? L'avantage de l'ère du papier était que les créations laissaient des traces. À l'ère numérique, notre culture devient, par défaut, la proie d'une amnésie collective potentielle, si rien n'est fait pour la sauvegarder.

Des problèmes, mais des pistes de solutions

Le but de la rencontre organisée par le CALQ était de parler de problèmes et, certes, de trouver des solutions à envoyer au ministre de la Culture, M. Maka Kotto. Tellement de problèmes ont été soulevés qu'on a eu l'impression pendant un moment qu'on ne sortirait jamais vivant de cette crise! Mais, heureusement, voici quelques solutions qui ont été proposées :

À l'ère numérique, où des millions de disques durs éparpillés dans le monde stockent notre contenu québécois, l'archivage national et l'identification standardisée sont devenus cruciaux pour identifier notre culture, la rassembler, la retrouver, la consommer et, surtout, lui assurer une immortalité. Un standard d'étiquetage (tags ou métadonnées) de la chanson, de même qu'un système national de sauvegarde en temps réel de nos données culturelles devraient être mis sur pied sans attendre.

Aussi, les créateurs semblent éprouver d'énormes difficultés à joindre les deux bouts. Souvent, ils doivent avoir un autre travail pour subvenir à leurs besoins. Or, dans le but de créer de la richesse dans cette industrie en perte de vitesse, l'investissement sur un programme soutenant des projets pilotes exploratoires, proposant d'autres pratiques et modèles économiques, devrait être envisagé. À ce titre, les détails des projets retenus et leurs résultats devraient être rendus publics, en toute transparence. Selon plusieurs, l'argent public devrait invariablement générer des données publiques, accessibles à tous.

Devant leur écran, les élèves du primaire d'aujourd'hui ont - par défaut - accès à toute la pop culture mondiale; bien avant de savoir qui sont Félix Leclerc, Gilles Vigneault, Daniel Bélanger, Richard Desjardins, Jean Leloup ou Lisa Leblanc, ils découvrent sans détour les Lady Gaga et les Gangnam Style de ce monde. La solution? Les connecter à leur culture en bas âge; les sensibiliser, à même leur éducation, en intégrant la chanson québécoise à leur programme; stimuler des tournées de spectacles destinées à la sensibilisation de la chanson en milieu primaire et secondaire. Ces mesures sont d'autant plus nécessaires, que les radios relèguent les chansons de nos artistes d'ici aux heures de petite écoute en soirée, quand les enfants sont couchés!

Puisque le milieu complet de la chanson ne se rencontre à peu près pas, un forum similaire devrait avoir lieu chaque année. Mieux encore : la création d'un blogue de discussion, sur les enjeux culturels et économiques liés à la chanson, stimulerait une conversation en temps réel et de façon continuelle. Dans le même ordre d'idées, le groupe de réflexion musiQCnumériQC a présenté, lors du Forum a déposé au CALQ, des documents proposant, entre autres, la création d'un Comité consultatif numérique de la culture. Ce comité, constitué de professionnels du numérique issus de divers secteurs, bénévoles, indépendants et libres de tout conflit d'intérêt commercial, serait annexé au ministère de la Culture et assurerait une vigie permanente sur les enjeux numériques liés à notre culture. La mise sur pied d'un tel comité contribuerait à éviter une perte de direction générale sur nos politiques culturelles, au gré du vent électoral. Au même titre, unministère du numérique transversal (ou Autorité permanente du numérique) devrait assurer une cohérence d'un ministère à l'autre, quant aux enjeux du numérique, en général : démocratie ouverte, modèles économiques et systémiques dans tous les secteurs (appels d'offre, octrois de contrats, tourisme, culture, environnement, développement économique, finances, émigration, éducation, emploi, etc.). Il y a autant d'enjeux liés au numérique, qu'il y a de champs de compétences gouvernementales.

Ensuite, l'assouplissement des tarifs établis (cachets minimums de la Guilde des musiciens, de l'Union des Artistes, les droits de reproduction mécanique de la SODRAC ou l'exécution publique de la SOCAN) devrait se faire momentanément, et ce, afin de permettre à tous de tenter de nouvelles avenues, de tester le marché sur de nouveaux concepts et de développer du public. Plutôt que de rester accrochés aux tarifs à cachets miniums garantis (tarifs fixes), nous devrions envisager la voie du partage de revenus (tarifs variables). Cette direction devrait être momentanément imposée par le ministre de la Culture, afin de dénouer une situation de marché sclérosée, causée par plusieurs acteurs campés sur leurs positions en négociation.

De plus, il devrait y avoir une intervention ministérielle, afin de rendre accessible notre culture du passé. Par exemple : les producteurs des films produits au dernier siècle n'auraient jamais imaginé qu'Internet prendrait une telle place dans notre vie de tous les jours; à l'époque, ces producteurs n'ont tout simplement pas pu négocier - avec les acteurs et artisans - le droit de diffuser leurs films sur Internet. Voilà pourquoi vous ne trouverez pas de si tôt « Le déclin de l'empire américain » sur TOU.TV ou Netflix... Parce que certains syndicats demandent des tarifs actuellement irraisonnables, fondés sur une réalité économique d'antan. Bref, pour des raisons syndicales, on assiste au déclin de l'empire culturel québécois, au détriment de tous. Il serait donc extrêmement logique que, pour le bien de la survie de notre culture ancestrale, le ministre Kotto intervienne pour rendre notre culture du passé immédiatement accessible sur le Web. Le fait de laisser cette situation sclérosée à la merci des négociations entre les syndicats, les sociétés de gestion collective et les producteurs n'aura pour effet secondaire que de faire disparaître à terme notre culture du Web, là où, justement, nos consommateurs de culture de demain se forgent, chaque minute, les yeux rivés sur YouTube. Pour l'avenir, les producteurs sauront certainement négocier d'entrée de jeu avec les artistes et artisans des droits inhérents à la diffusion sur le Web.

Préconisant l'unité, l'ADISQ divise malgré elle

Il a été soulevé, durant le Forum sur la chanson québécoise, que l'ADISQ n'inclut pas l'opinion ni la réalité des artistes autoproduits dans son processus décisionnel... En fait, ce genre de réalité est techniquement banni. Selon les règlements généraux de l'ADISQ, l'artiste autoproduit est considéré comme l'étaient les femmes avant la dernière guerre mondiale, comme le sont encore aujourd'hui les autochtones et comme le sont les mineurs au sens légal : des « incapables ». Incapables de décider du sort de leur industrie, puisqu'ils n'ont tout simplement pas le droit de vote. Pire encore, ces membres, non-votants, n'ont pas le droit de se présenter aux élections du conseil d'administration de l'ADISQ. Comme si les artistes représentaient un « danger » pour les producteurs qui ont le privilège de décider à l'ADISQ... Alors que, sans ces artistes, les producteurs n'ont que le silence à produire. Ironique.

Il devient donc indispensable que notre industrie se branche sur la réalité du numérique, l'embrasse et s'en serve, plutôt que de la nier ou de lutter contre. L'establishment, trop occupé à sauver ses meubles depuis Napster, n'a malheureusement ni su ni eu le luxe d'innover. Pour prendre de grands risques, il faut d'abord n'avoir rien à perdre. Et devant la disparition potentielle de notre culture sur la surface du Web, croyez-moi, on n'a vraiment rien à perdre.

Depuis 1978, les choses ont bien changé dans le décor entourant l'ADISQ : les technologies d'enregistrement studio sont rendues accessibles aux artistes émergents; il ne coûte désormais plus 1000 $ par jour pour enregistrer un album. La distribution de la musique d'un artiste peut aujourd'hui s'opérer à partir de sa table de cuisine, à l'aide d'un ordinateur à 800 $ et une connexion internet de base. Il existe plus de 900 artistes catégorisés « québécois » sur Bandcamp.com, distribuant directement leur musique à leur public. 74% de ces artistes flirteraient avec la gratuité des contenus. Les nouveaux consommateurs de musiques préfèrent l'accessibilité des peer-to-peer ou du streaming sur YouTube, à l'expérience en magasin. À ce titre, HMV fermera 60 succursales au Royaume-Uni. cette année; le Virgin Megastore sur les Champs-Élysées vient de fermer; la FNAC en France est dans la tourmente... Bref, autour de l'ADISQ, l'écosystème s'est véritablement métamorphosé depuis les 10 dernières années. L'autoproduction fait non seulement partie de la réalité de notre industrie; elle surpasse en nombre les producteurs « établis et reconnus » par l'ADISQ; ceux avec un droit de vote.

Fatalement, en n'incluant pas les artistes autoproducteurs à son processus décisionnel, l'ADISQ abandonne par défaut ces derniers; ils demeurent isolés et laissés à eux-mêmes. Comment éviter qu'un nouveau joueur, non expérimenté, définisse de nouveaux précédents désavantageux en matière de pratiques commerciales? Comment donc, si ce dernier est isolé, mal informé, laisser à lui-même, en proie à la libre économie? En tant que producteur d'aujourd'hui, pour obtenir gain de cause devant les géants technologiques de ce monde qui abusent de notre contenu culturel, il faut être fort et ne parler que d'une seule voix.

Or, à défaut d'inclure tous les types de producteurs, l'ADISQ divise, malgré elle. Sachant que tel n'est pas son but, voilà l'effet pervers de ses politiques et règlements internes qui servent de moins en moins de gens dans cette industrie.

D'ailleurs, parlant de nouvelle réalité, comment se fait-il que le nombre de « ventes » d'albums soit encore la seule unité de mesure officielle déterminant quel artiste aura droit à un Félix? Qu'en est-il des écoutes sur les services de streaming? Des visionnements sur YouTube, des amis sur Facebook, des tweets, des retweets? Allez savoir. Demandez à l'ADISQ...

En espérant que le ministre de la Culture Maka Kotto pourra mettre en branle des solutions concrètes pour assurer la survie, voire la santé de notre chanson d'ici, mon seul souhait est que ma culture québécoise se porte mieux. Je souhaite que tous, du milieu de la chanson, puissent trouver le moyen de s'unir, plutôt que de demeurer dans la vulnérabilité que confère par défaut l'isolement.

Le constat est clair : nous sommes actuellement « seuls ensemble » (comme disait Daniel Bélanger). L'effort doit donc être fait sans délai pour se rassembler, « tous ensemble ».

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