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Le festival des lois inapplicables

La Loi 25 sur la revente de billets est entrée en vigueur le 7 juin. En tant que contribuable, j'ai platement l'impression de m'être fait entourlouper. Tant d'efforts chez les parlementaires pour étudier et rédiger une loi difficilement applicable et, pire encore, créant des situations monopolistiques dans l'industrie de la vente et la revente de billets.
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Il y a eu la loi 78. Concoctée par le gouvernement Charest ce 18 mai 2012, elle vise entre autres à encadrer les manifestations citoyennes, voire restreindre la liberté des Québécois à s'associer pour manifester. En dépit de tous les efforts du gouvernement pour contrôler les manifestations du Printemps érable, cette loi 78 ne semble pas applicable.

Rappelons-nous, entre autres, la manifestation du 22 mai dernier, où plus de 50 manifestants (plus de 200 000... pour être précis) n'ont pas su respecter le trajet officiel dûment déposé par les organisateurs au service de police. En suivant le flot et en tournant à gauche plutôt qu'à droite sur la rue Sherbrooke, ces manifestants faisaient tout naturellement un doigt d'honneur à cette loi 78 inconstitutionnelle et complexe à appliquer, aux yeux du Barreau du Québec.

Résultat de la course, les policiers n'ont finalement arrêté aucun manifestant; pas en vertu du non respect de la loi 78, du moins. Après la loi 78, en voici aujourd'hui une autre où le gouvernement tente désespérément de «contrôler l'incontrôlable»: la Loi 25 sur la revente de billets.

Loi 25 en vigueur

Pour demeurer dans le thème de l'inapplicabilité, ce 7 juin dernier est entrée en vigueur une autre loi dont l'application risque bien d'être toute aussi complexe : la Loi 25 sur la revente de billets. Pensée par notre rétrograde ADISQ et mise en place par le ministre Jean-Marc Fournier, cette loi prétend mettre fin à la revente en ligne de billets de spectacles et d'événements sportifs au Québec.

Le gouvernement Charest envisage donc de faire disparaître du web québécois toute trace d'entreprises (québécoises) s'adonnant à la revente à profit de billets. Bien que la problématique de la revente de billet soit effectivement réelle et très navrante pour le consommateur québécois, il n'en demeure pas moins que l'idée de contrôler la revente en ligne de billets tient des lubies les plus farfelues. Pourquoi donc? L'application de la loi. En théorie «béton» sur papier, la loi 25 deviendra impraticable dans la réalité de l'Internet «World Wide Web» qui s'étend, dois-je le rappeler, au-delà des frontières de notre Petit Québec bien de chez nous.

Dans ce contexte, pour en arriver à éradiquer les revendeurs du web, il faudrait une armée de cyberpolices pour faire respecter cette loi... S'il n'y a pas plus que 34 policiers patrouillant le web pour protéger les jeunes québécois des cyberpédophiles, combien y en aura-t-il pour surveiller les revendeurs de la planète s'adonnant à la revente sur notre territoire?

Bien qu'ensoleillé, le début de cet été 2012 est un sombre moment pour le consommateur québécois. En rédigeant une telle loi sous prétexte de vouloir «protéger le consommateur québécois», le gouvernement Charest laisse une brèche bien ouverte au profit d'une minorité. De fait, conformément à la loi 25, il sera désormais possible pour un producteur (vendeur officiel) de revendre en exclusivité ses propres billets à profit. En d'autres termes, cette loi créera un monopole de revente pour le marché primaire et rendra illégal tout marché secondaire. Tout cela est un non sens comme le soulignent certains économistes, dont Alain Therrien, chargé de cours à HEC Montréal.

Cette brèche dans la loi 25 laisse exclusivement le choix aux producteurs de profiter ou non de la surenchère sur l'offre et la demande de leurs produits. Grâce à cette loi 25, le Canadien de Montréal aura désormais le monopole sur le marché de la revente des billets du Tricolore, profitant ainsi grassement de la faille de cette loi avec leur propre service de revente «La Voute aux billets». Ce dernier permet aux détenteurs de billets de saison de revendre en partie ou en totalité leurs billets à profit. Les Grandes Gueules et le Sportnographe font d'ailleurs du cinglant millage sur cette aberration. C'est à se demander comment l'ADISQ a-t-elle pu à ce point compter dans son propre but... en travaillant si fort pour obtenir une loi qui ne changera à peu près rien pour la majorité de ses membres-producteurs, mais qui changera tout pour le Canadien de Montréal.

De vraies solutions, il y en a...

Pour éradiquer la revente de billets, Philippe Rezzonico proposait dans son blogue sur Radio-Canada la solution quasi infaillible du billet virtuel. Pour ma part, dans ma Lettre à Louis-José Houde, je proposais l'implantation d'une taxe sur le profit de la revente vouée à être reversée à l'industrie culturelle. Avec une telle solution, Jean-Marc Fournier se serait fait beaucoup d'amis dans le milieu culturel en taxant les méchants revendeurs pour reverser une redevance aux gentilles entreprises culturelles qui, disons-le franchement, ont grandement besoin d'argent neuf ! Or, puisque la loi 25 empêchera désormais les revendeurs de faire du profit, la revente mercantile devra se faire inévitablement sur le marché noir. À ce que je sache, le gouvernement ne prélève aucun impôt ni taxes sur le marché noir, n'est-ce pas? On en sort doublement perdant.

Se faire arnaquer par des revendeurs n'est pas agréable pour personne. Mais au delà de ce type d'abus, l'ADISQ a failli à sa tâche en dépensant pas mal de temps et de ressources pour obtenir cette loi inapplicable et inutile quant au fond du problème. Un problème de riches, d'ailleurs, qui ne concerne que très peu d'artistes et de producteurs de notre industrie. Moins de 1% du chiffre d'affaire lié au spectacle québécois est concerné par le phénomène de la revente. Alors pourquoi mettre la machine du 99% au service du 1%? C'est dans l'air, faut croire.

En tant que contribuable, j'ai platement l'impression de m'être fait entourlouper. Tant d'efforts chez les parlementaires pour étudier et rédiger une loi difficilement applicable et, pire encore, créant des situations monopolistiques dans l'industrie de la vente et la revente de billet. Un effet pervers au seul bénéfice d'une minorité, provoquant potentiellement un abus sans scrupule des consommateurs. Dommage... l'objectif de la loi 25 était justement le contraire.

Manifestation des 100 jours - 22 mai 2012

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