Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.
Un peu comme Raymond Cloutier, qui s'est prêté au jeu de s'imaginer gouverneur de notre culture le 8 avril prochain, permettez-moi de proposer un sacré coup de barre à cette industrie culturelle qui court à «fière allure» dans le mur du numérique.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

J'ai récemment lu avec intérêt la lettre de Raymond Cloutier intitulée «Si j'étais ministre de la Culture le 8 avril prochain...». Dans sa lettre, M. Cloutier suggérait de convoquer un immense chantier pour réfléchir en profondeur sur le modèle québécois de soutien à la culture. Quelle bonne idée! Mais le problème, c'est que ça a déjà été fait...

Effectivement, à l'automne 2010, l'ex-ministre Christine St-Pierre convoquait un immense chantier de réflexion sur la culture. Lors de plusieurs comités sectoriels, ateliers et forums, pas moins de 729 personnes issues de tous les milieux culturels québécois ont contribué à souligner les problématiques de nos politiques culturelles, subventions et infrastructures. Mieux encore, ces rencontres à répétition ont donné naissance à deux rapports en 2011: celui de la SODEC en octobre et celui du CALQ en novembre. Ces deux documents cumulaient conjointement 57 recommandations archi-précises pour orienter une politique culturelle claire, particulièrement en réponse aux chamboulements causés par l'avènement du numérique.

Je ne sais pas pour quelle raison le gouvernement Charest a mis les 57 recommandations sur la tablette... Puis, est arrivé le «Printemps Érable», les manifs et les casseroles. Après quoi, le Parti libéral s'es fait montrer la porte le 4 septembre 2012. Pourtant, il s'est passé facilement 9 mois entre les dépôts des rapports du CALQ et de la SODEC et les élections. 9 mois pour agir. Et rien n'est arrivé.

Une fois le Parti québécois au pouvoir, Maka Kotto a été nommé ministre de la Culture. Après 18 mois en poste, il a finalement déposé une stratégie culturelle le 3 mars dernier, soit deux jours avant le déclenchement des élections... Accompagnée de cette stratégie est venue l'annonce de la création d'un chantier sur le droit d'auteur en matière de diffusion numérique ainsi que la mise en place d'un (autre !) travail de consultation auprès des créateurs. Or, soit on tourne en rond, soit on avance vraiment au ralenti. Mais ça fait vraiment pitié !

Si la tendance se maintient, la stratégie de Kotto risque - elle aussi - de finir sur les tablettes ; tout comme le Rapport Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables ou le Rapport Gautrin sur la démocratie ouverte. Vraisemblablement, il semble plus facile pour nos élus de jouer aux «échecs électoraux», au lançage de bouette et à l'autodéfense intellectuelle, qu'aux vrais enjeux de notre société.

Besoin d'un dictateur éclairé svp...

Un peu comme Raymond Cloutier, qui s'est prêté au jeu de s'imaginer gouverneur de notre culture le 8 avril prochain, permettez-moi de proposer un sacré coup de barre à cette industrie culturelle qui court à «fière allure» dans le mur du numérique.

Vous trouverez dans mon article «La Stratégie culturelle numérique de Kotto (pour les nuls)» les neuf grandes directions du plan Kotto résumées, de même que mes suggestions concrètes et peu coûteuses pour agir rapidement, dont certaines sont résumées ici :

  • Limiter l'exploitation privée des produits culturels à 7 ans;
  • Saisir légalement notre contenu patrimonial numérique produit avant 2007 et le rendre immédiatement accessible au grand public;
  • Couper les subventions des créateurs égoïstes et bonifier celles des créateurs généreux avec la collectivité;
  • Forcer les producteurs de contenus et créateurs subventionnés à publier leurs œuvres via une arrière-boutique nationale, afin d'éviter l'amnésie collective;
  • Exiger la notion de transparence individuelle pour nous empêcher de tourner en rond, collectivement;
  • Envoyer les meilleurs penseurs du numérique en haut du mât, pour nous avertir des Icebergs, avant que l'on fonce dedans et que notre bateau culturel ne prenne encore plus l'eau;
  • Arrêter de dépenser sur les infrastructures et investir cet argent sur l'infra-consommateur de culture (ces adultes de demain).

J'espère que la prochaine personne à hériter du poste de ministre de la Culture saura poser des gestes devant une industrie sclérosée et paralysée, dont les acteurs sont plus souvent préoccupés par leur sort personnel que par la santé globale de leur culture, de leur industrie culturelle.

La nature ayant horreur du vide, notre absence culturelle probante à la surface du web est d'autant plus menaçante pour nous-mêmes que l'omniprésence de la culture américaine. Le 8 avril prochain, je nous souhaite donc à tous un(e) ministre de la Culture qui osera enfin prendre soin de notre culture, sans devoir convoquer à nouveau 729 personnes, encore et encore...

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.