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La nature de la bête

Les ventes physiques, c'est terminé. Au mieux, marginal. L'important restera toujours d'être entendu. Depuis l'avènement d'Internet, la portée qu'une œuvre peut avoir n'a fait qu'augmenter de jour en jour. C'est donc dire que tout va pour le mieux dans ce sens.
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Face aux nombreuses injustices vis-à-vis du phénomène de téléchargement dans le milieu de la musique, les artistes restent muets. Peut-être ces derniers n'ont-ils pas pris la peine de réfléchir à la situation, mais peut-être aussi sont-ils pris entre l'arbre et l'écorce. D'un côté menotté par une industrie qui va extraire tous les bénéfices possibles des dernières ventes physiques et d'un autre côté, menottés par des consommateurs qui ont bien raison d'en avoir assez de payer le gros prix pour un disque en magasin. Demandez aux artistes ce qu'ils souhaitent, vous aurez vite l'impression d'entendre parler un PDG de compagnie ou pire à mon avis : les mouches voler.

Rien n'est plus démoralisant que de constater encore en 2012 de quelle façon l'industrie, complètement dépassée et incapable de se remettre en cause, continue d'accuser certains amateurs de musique de piraterie. Elle préfère encore les culpabiliser vis-à-vis du téléchargement peer-to-peer et condamne l'utilisation des torrents alors que l'on assiste tranquillement à l'enrichissement outrageux des fournisseurs d'accès internet. Les stratégies jusqu'ici déployées par les tenants du modèle classique se confirment inutiles et même néfastes pour la bonne santé de la culture musicale. Toute cette machinerie engendre des effets pervers qui se résument à mon avis à une question toute simple: comment vont faire les artistes pour survivre? La musique a un coût pour les créateurs.

Le problème ne se situe pas au niveau des recettes qui sont engendrées par les activités d'un artiste. Il se situe au niveau de sa distribution inégale. À l'image des multinationales de tous les secteurs qui s'enrichissent sur le dos des travailleurs, nous assistons de façon toujours croissante à l'enrichissement outrancier des fournisseurs d'accès internet (FAI) sur le dos des fournisseurs de contenu (FDC). Les ventes de disques diminuent, mais l'utilisation de bande passante augmente au même rythme. Les compagnies de disques qui ont exploité les artistes pendant près de cinquante ans ont bien malgré eux déjà passé le flambeau aux Vidéotron, Bell, Rogers et autres AOL de ce monde. L'argent qui est généré par la musique est toujours là. Il a simplement changé de poches.

Les ventes physiques, c'est terminé. Au mieux, marginal. L'important restera toujours d'être entendu. Depuis l'avènement d'Internet, la portée qu'une œuvre peut avoir n'a fait qu'augmenter de jour en jour. C'est donc dire que tout va pour le mieux dans ce sens. Obtenir un accès illimité à toute la musique du monde « gratuitement » et instantanément est une réalité tout à fait souhaitable. Il est cependant faux de croire que le téléchargement est gratuit. Il suffit de regarder sa facture Internet. Est-ce vraiment nécessaire de spécifier que cette même connexion deviendrait vite obsolète s'il n'y avait pas de contenu à télécharger? Pourquoi les FAI refusent obstinément de rémunérer justement les FDC (auteurs, compositeurs, cinéastes...) qui les alimentent? C'est bien sûr la nature même de la bête. Existe-t-il encore des gens pour s'en surprendre?

Fait à noter : Une étude CROP commandée par la Songwriters Association of Canada démontre que 71% des foyers canadiens sont prêts à investir 5$ de plus à leur facture internet en échange du téléchargement légal des contenus qui circulent sur internet, pourvu que cette somme soit versée aux artistes. Car vous aurez bien compris, les FAI refusent catégoriquement de verser ce pourcentage aux FDC depuis leur marge de profits faramineuse. Cet argent doit venir des utilisateurs. Un tel système n'est ni parfait ni facile à mettre en place certes, mais beaucoup plus cohérent que le bourbier actuel. Il faudrait qu'on commence à se rendre à l'évidence...

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