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Pour Dilma Rousseff, ce sera la destitution ou la démission

Est-ce un coup d'État? Un affront à la démocratie? En aucun cas. En réalité, la possibilité qui est offerte à un peuple de destituer ses gouvernants est un instrument extrêmement important des idéaux démocratiques.
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Dimanche 16 août 2015, le peuple brésilien était à nouveau appelé à descendre dans la rue. À la différence des précédentes manifestations, comme celle de juillet 2013, ou le rassemblement historique du 15 mars dernier, cette fois-ci les revendications portaient sur un point précis, spontané, issu de la volonté de «soulager les consciences», comme l'a suggéré Helio Gaspari. L'objectif était clair: c'est la destitution ou la démission.

Dans les deux cas de figure, Dilma Rousseff devra quitter le Planalto (résidence officielle des présidents brésiliens).

Attendons de voir comment se déroulera le mouvement de dimanche (NDT: à l'heure de la publication du billet sur le HuffPost brésilien, la manifestation n'avait pas encore eu lieu). Et parce qu'il se concentre sur une demande bien particulière, on peut tout à fait penser qu'il n'attirera pas autant de manifestants que les précédents. Mais il est clair que le climat a changé. Le 15 mars, on avait un peu de tout, de ceux qui réclamaient l'intervention militaire à ceux qui étaient là seulement pour exprimer leur mécontentement, tout en s'opposant à la lointaine perspective d'un impeachment.

Étrangement, l'idée n'a jamais été oubliée; au contraire, elle s'est renforcée. En mars, l'impeachment semblait un projet extrémiste. Aujourd'hui, il est dans toutes les bouches. Le programme du PT, exposé pour la dernière fois le 6 août, se concentrait sur la crise économique. Il présentait des informations des temps passés et de fragiles arguments émotionnels. Ce grossier instrument de propagande déclarait à qui voulait l'entendre: «nous somme la cible à abattre». Il jouait sur la peur d'une crise politique.

Car la crise économique doit jouer un rôle dans le rejet de plus en plus fort qu'inspire le gouvernement Dilma. Celui-ci, à son tour, alimente la volonté d'opposition, qui s'étend jusqu'à la base alliée. Une impopularité de nature à faire remonter à la surface des questions psychologiques intéressantes quant au jeu politique: «les alliés», comme le PMDB, ne sont pas d'heureux subalternes. Ils se sont vus obligés de négocier pour ne pas mourir, mais attendent les premiers signes de fragilité pour virer de bord. Rien de plus naturel. Un gouvernement impopulaire n'a pas la force nécessaire pour maintenir sa base de soutien. Il perd sa gouvernance.

En vérité la crise politique, que la propagande du PT a voulu utiliser comme épouvantail, est déjà bien réelle. Reste à savoir si une destitution aggraverait la situation ou au contraire la calmerait. Chaque camp a l'opinion qui lui convient.

Au-delà de la crise économique, voilà qui révèle un problème important du gouvernement actuel: la légitimité. Dilma a rappelé qu'elle avait encore la légitimité du vote. Mais n'est-il pas étrange que sa popularité ait autant chuté, et aussi rapidement, après avoir été réélue par la majorité de la population? Ce phénomène montre le dégré d'irresponsabilité dont un gouvernement doit faire preuve en matière d'économie pour que la croissance chute autant jusqu'aux élections. Et à quel point il lui a fallu mentir pendant sa campagne, niant la dure réalité dans laquelle nous nous trouvions déjà.

Aujourd'hui, les mesures d'austérité engagées pour faire face à la crise placent le gouvernement Dilma sur le même plan que le gouvernement d'Aécio et les horreurs qu'il n'aurait pas manqué d'adopter s'il était passé. En clair, ceux qui ont voté pour éviter ce genre de situation observent aujourd'hui les dégâts. D'où le bien-fondé de leur mécontentement. Ce dimanche aura été l'occasion de mesurer la légitimité de l'impeachment.

Est-ce un coup d'État? Un affront à la démocratie? En aucun cas. En réalité, la possibilité qui est offerte à un peuple de destituer ses gouvernants est un instrument extrêmement important des idéaux démocratiques.

Aujourd'hui, au-delà de la crise économique, il y a aussi les scandales de corruption interminables que la propagande pétiste a «omis» de mentionner. L'opération Lava Jato est l'un des événements les plus importants qu'a connu ce pays, tant pour les sommes et les personnalités impliquées que parce qu'il a révélé les entrailles de la corruption institutionnalisée dans toutes les sphères de l'État (cadres, politiques, partis, fonctionnaires).

Cela montre surtout que la société brésilienne peut déjà surmonter la désillusion qu'elle a vécu face aux méfaits de l'exécutif et du législatif. Nous avons mûri et, aux niveaux les plus bas du pouvoir, à la police fédérale, dans les ministères, existe l'idée d'une représentativité, l'espoir de construire un pays digne de ce nom.

Toutefois, dans un pays sérieux, un dirigeant dont la base se voit engluée dans un scandale de cette amplitude aurait dû renoncer à ses fonctions depuis longtemps. Dans la pire des hypothèses, ce gouvernement se maintient au pouvoir par pure avidité. Dans le meilleur des cas, le PT est convaincu qu'il est le seul à pouvoir améliorer la situation du Brésil. Le seul à pouvoir protéger le pays des forces du mal.

Pour cette raison, ils ne peuvent pas partir, même en plein milieu d'une crise de popularité, de confiance, de gouvernance, et en dépit d'une certaine décence politique. Ce serait effectivement l'attitude à adopter pour maintenir le cap qu'ils se sont fixé. Voilà la meilleure des hypothèses, qui ne croit pas en un Brésil fort, démocratique, capable de faire face aux plus grands scandales de corruption de son histoire. Le Brésil a plus de maturité que ce que le PT semble croire.

Les solutions sont nombreuses. Et à en croire les cris qui résonnent dans la rue, la situation actuelle n'est plus acceptable. Il est temps que la voix du peuple domine celle du pouvoir, alors #VemPraRua! («tous dans la rue»).

Cet article, paru à l'origine sur le HuffPost brésilien, a été traduit du portugais par Matthieu Carlier.

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