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«Crocogate»: le boucher des vanités

Peut-on torturer et massacrer des animaux pour leur faire la peau, qu'on transformera en sacs à main ostentatoires et en bracelets de montres statutaires?
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Peut-on torturer et massacrer des animaux pour leur faire la peau, qu'on transformera en sacs à main ostentatoires et en bracelets de montres statutaires? La maison de luxe Hermès est prise au piège.

Certes, l'espèce crocodilienne est loin d'être la plus sympathique au sein d'un ordre de reptiles aquatiques généralement pas très séduisants. Ce sont néanmoins des animaux sociaux, intelligents et territoriaux. En dépit de leur aspect farouche et rugueux, ils sont sensibles et dévoués à leur progéniture.

Ils accompagnent en tout cas les cultures humaines depuis des millénaires: les anciens Égyptiens les momifiaient. Une seule culture semble les mépriser, sinon les haïr, au point de les massacrer pour le seul plaisir de se parer de leur peau: la nôtre. Manque de chance pour cette espèce: son cuir dessine des «écailles» qui donnent un goût de luxe aux bracelets de montres et aux sacs à main des industries de la mode.

Une documentaire filmé par la PETA (Pour une Éthique dans le Traitement des Animaux: une ONG de trois millions d'adhérents en lutte contre la souffrance animale) démontre que les «fermes à crocodile» - lieux d'élevage et d'abattage qui alimentent les tanneries et les maroquineries de luxe - ont des pratiques d'une cruauté et d'une barbarie sans nom (voir ci-dessous).

En Afrique comme aux États-Unis, certains animaux sont dépouillés de leur peau sans avoir perdu conscience. D'autres sont proprement torturés avant de mourir découpés à la scie électrique et décervelés à la barre de fer. Les images sont insupportables. Certaines scènes sont insoutenables.

En fonction de leur taille en arrivant à l'abattoir, les alligators et les crocodiles ne sont plus des animaux, mais de simples «bracelets» ou des «Birkin» (sacs à main Hermès). Cette vidéo ne s'est pas attardée sur une autre procédure d'élevage, tout aussi choquante: on rend les bébés alligators volontairement obèses, dès leur naissance, pour élargir de quelques centimètres carrés leur précieuse peau et ainsi créer des écailles plus larges, mieux valorisées!

Au centre de ces pratiques révoltantes, la maison de luxe Hermès, dont les tanneries sont directement alimentées par ces «fermes». Il faut massacrer trois crocodiles pour confectionner un seul sac à main (on ne prélève guère que la peau du ventre). Il faut mettre à mort un bébé alligator pour créer quatre jeux de bracelets pour des montres de luxe. C'est toute l'industrie horlogère qui se trouve piégée dans ce «Crocogate» fatal: les cuirs de reptiles représentent à peu près un tiers des volumes actuels de bracelets horlogers, soit de quoi équiper une dizaine de millions de montres par an.

Avec des peaux de croco ainsi gorgées de souffrances indicibles, les sacs à main réalisés par Hermès, mais aussi par tous les autres grands maroquiniers de luxe (Louis Vuitton, Gucci, etc.), se trouvent éclaboussés de sang et de honte. Ils puent la mort. Si ostentation il y a, c'est celle du mépris du la vie et de la dignité que toute être vivant doit au vivant.

Hermès botte en touche en s'abritant derrière son respect (sans doute sincère) des réglementations internationales, mais le reportage est accablant sur la boucherie innommable que sont devenues les fermes de son réseau d'approvisionnement. On ne peut se réclamer de valeurs éthiques et ne pas renoncer aussitôt à ces pratiques d'élevage et d'abattage. Difficile, après avoir vu un tel film, de ne pas changer le regard que chacun pouvait porter, en toute innocence, sur ses propres bracelets de montre en croco...

Aucun goût de la parure sociale, aucun fétiche de nos vanités, aucun objet de parade ostentatoire ne sauraient justifier qu'on inflige de tels sévices à des animaux, tout au long de leur vie et jusque dans leur mort. On enrage à la pensée qu'une grande marque, respectée pour l'exigence et l'excellence dont elle fait preuve dans ses métiers traditionnels, puisse se laisser ainsi embarquer dans des pratiques aussi douteuses.

Hermès, nouveau «boucher des vanités», peut-il brûler ses sacs à main iconiques sur un nouveau bûcher des vanités ?

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