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Comment expliquer la «popularité» du conflit israélo-palestinien?

À l'échelle planétaire, le conflit israélo-palestinien semble attirer l'attention plus que tout autre conflit. En effet, des conflits bien plus meurtriers que celui opposant Israël à la Palestine, au Soudan, en Somalie, au Congo ou au Darfour soulèvent rarement l'indignation du public. Comment expliquer la forte attention accordée à Israël par les populations des pays occidentaux?
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Que penser du conflit israélo-palestinien? Cette question revient sur la scène publique dès qu'une confrontation quelconque se produit entre Israéliens et Palestiniens. Même si ce pays représente, avec ses huit millions d'habitants, une infime fraction de la population de la région du Moyen-Orient (385 millions), tout le monde semble avoir une opinion sur Israël et sur le conflit israélo-palestinien.

Demandez aux gens ce qu'ils pensent de l'Arabie saoudite, de la Turquie, du Liban, de la Jordanie, du Yémen ou des Émirats arabes unis : à part quelques «branchés» sur ces pays, la plupart des gens dans les pays occidentaux ne semblent pas se préoccuper d'eux. À l'échelle planétaire, le conflit israélo-palestinien semble attirer l'attention du grand public plus que tout autre conflit. En effet, des conflits bien plus meurtriers que celui opposant Israël à la Palestine, tels que le conflit inter-soudanais, les guerres civiles en Somalie, en République démocratique du Congo (RDC) ou au Darfour soulèvent rarement l'indignation du public. Comment expliquer la forte attention accordée à Israël par les populations des pays occidentaux? J'analyse ici le rôle d'un acteur important dans cette hyper-attention accordée au conflit israélo-palestinien : les médias.

Analyse comparée de la couverture médiatique du conflit israélo-palestinien

Dans le cadre de mon étude, j'ai sélectionné quatre cas de confrontation entre Israël et la Palestine: l'Opération Pluies d'été (28 juin - 26 novembre 2006), la Guerre de Gaza (27 décembre 2008 - 18 janvier 2009), la Confrontation israélo-palestinienne de 2011 (18 août - 26 août 2011), et l'Opération Pilier de défense (14 novembre - 21 novembre 2012). Pour comparer la couverture médiatique de ces conflits, j'ai choisi quatre autres conflits bien plus meurtriers: la Guerre civile au Darfour (février 2003 à aujourd'hui), l'intervention militaire française dans la guerre au Mali (11 janvier 2013 à aujourd'hui) , le Conflit inter-soudanais (21 mai 2011 à aujourd'hui) et la Guerre civile en Syrie (15 mars 2011 à aujourd'hui).

À l'aide de la base de données Eurêka, j'ai pu repérer le nombre d'articles contenant le terme «Israël» pour les périodes de conflit en question. J'ai également compilé le nombre d'articles contenant les termes «Darfour», «Soudan», «Mali» et «Syrie» pour les quatre autres conflits à l'étude. Bien entendu, je n'ai pas analysé tous les journaux de tous les pays occidentaux. J'ai plutôt choisi un échantillon de treize journaux/revues français : Courrier international, La Croix, Les Echos, L'Express, Le Figaro, L'Humanité, Libération, Lire, Manière de voir, Le Monde diplomatique, Le Monde, Le Nouveau Marianne et Le Point.

Pour comparer la couverture médiatique des quatre confrontations entre Israël et la Palestine avec celle des quatre autres conflits, j'ai divisé, pour chaque conflit en question, le nombre d'articles contenant les termes propres à chaque conflit par la durée du conflit en nombre de jours. Voici mes résultats:

> Opération Pluies d'été: 3889 articles pour 151 jours de conflit = 25,75 articles par jour, en moyenne. Bilan du conflit : 409 morts.

> Guerre de Gaza: 937 articles pour 21 jours de conflit = 44,62 articles par jour, en moyenne. Bilan du conflit : 1343 morts.

> Confrontation israélo-palestinienne de 2011: 99 articles pour 8 jours de conflit = 12,38 articles par jour, en moyenne. Bilan du conflit : 29 morts.

> Opération Pilier de défense: 178 articles pour 7 jours de conflit = 25,43 articles par jour, en moyenne. Bilan du conflit : 167 morts.

> Guerre civile au Darfour (en cours): 6342 articles pour 3822 jours de conflit = 1,66 article par jour, en moyenne. Bilan du conflit : 300 000 morts (pour la période 2003-2007).

> Conflit inter-soudanais (en cours): 610 articles pour 791 jours de conflit = 0,77 article par jour, en moyenne. Bilan du conflit : 1500 morts, 100 000 déplacés.

> Guerre au Mali au cours de l'intervention militaire française (en cours): 2815 articles pour 219 jours de conflit = 12,85 articles par jour, en moyenne. Bilan du conflit : 785 morts.

> Guerre civile en Syrie: 9791 articles pour 853 jours de conflit = 11,48 articles par jour, en moyenne. Bilan du conflit (en cours) : plus de 100 000 morts.

Force est de constater que le conflit israélo-palestinien fait l'objet d'une couverture médiatique nettement plus importante que les quatre autres conflits. Par exemple, l'Opération Pilier de défense, avec ses 167 morts, a une couverture médiatique plus de deux fois plus importante que celle de la guerre civile en Syrie. Et que dire du conflit inter-soudanais qui, avec ses 1500 morts et 100 000 déplacés, ne fait l'objet que de 0,77 article par jour en moyenne... Ou encore de la guerre au Mali qui, malgré la présence de troupes françaises sur place, fait l'objet d'une couverture médiatique moindre que celle de l'Opération Pilier de défense.

Comment expliquer l'hypermédiatisation du conflit?

Je ne prétends pas pouvoir ici donner de réponse claire à cette question. Je me permets simplement d'avancer quelques hypothèses, au-delà du traditionnel argument de l'antisémitisme:

- Le conflit israélo-palestinien est un cas emblématique du choc des civilisations. Ce conflit oppose un pays occidental moderne, industrialisé, une puissance régionale à la Palestine (bande de Gaza, Cisjordanie), qui est une région sous-développée du tiers monde. Sans oublier le fait que ce conflit oppose une population à majorité juive à une population à majorité musulmane.

- Lors des affrontements entre Israël et les Palestiniens, le nombre de morts du côté palestinien est significativement supérieur au nombre de morts du côté israélien. Par conséquent, Israël est perçu comme la puissance belligérante qui tue des «pauvres Palestiniens». À cela s'ajoute le fait qu'Israël appartient au monde occidental.

- La crainte d'oublier de mentionner les morts. Comme Israël est un pays occidental, les médias français sont portés à publier des nouvelles sur ce pays. Par conséquent, du moment où un soldat israélien tue un Palestinien, les médias occidentaux se sentent «obligés» de rapporter ce fait. Ce qui n'est visiblement pas le cas pour le Soudan, étant donné que ce pays ne fait pas partie de la civilisation occidentale. En d'autres mots, un conflit opposant une civilisation occidentale à une autre civilisation attirerait davantage l'attention des médias occidentaux qu'un conflit intra-civilisationnel entre pays n'appartenant pas à l'Occident.

- Le «conflit de l'espoir». Comme le conflit israélo-palestinien oppose un pays occidental au monde musulman, les gens seraient portés à croire que la résolution pacifique de ce conflit règlerait de nombreux autres conflits entre l'Occident et le monde musulman.

Et vous, chers lecteurs, comment expliquez-vous la «popularité» et l'hypermédiatisation du conflit israélo-palestinien?

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