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Hommage aux racines québécoises de Louis Riel

Le Québec d'Honoré Mercier s'était approprié son exécution, au point de faire de l'exécution de «Riel, notre frère» un jalon essentiel vers l'autonomie provinciale.
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Parmi les commémorations canadiennes qui se succèdent, le 130e de la pendaison de Louis Riel en 1885 fait désordre. D'entrée de jeu, le Québec d'Honoré Mercier s'était approprié l'événement, au point de faire de l'exécution de «Riel, notre frère» un jalon essentiel vers l'autonomie provinciale. Le souvenir de la lutte métisse s'est cependant étiolé au Québec, d'abord plombé par les accointances conservatrices du clergé québécois, puis par le néonationalisme qui tourne le dos au Canada français pour se cantonner au pré carré québécois. Or, s'il est commun de rappeler que Louis Riel n'avait qu'un huitième de «sang indien», on oublie que ses racines sont pour l'essentiel québécoises.

Ironiquement, ce sont les Autochtones et les Métis qui ont récemment remis au jour les souches québécoises du père du Manitoba, inaugurant en 2012 un monument à l'île Dupas, près de Berthierville, d'où sont originaires les Riel d'Amérique.

Il faut donc saluer l'engagement du Comité du Mémorial Louis-Riel / Marie-Anne Gaboury de rendre hommage à un personnage fascinant, mais méconnu: Marie-Anne Lagimodière née Gaboury, la grand-mère maternelle de Louis Riel et tour à tour pionnière du Dakota, du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta.

Un monument sera inauguré en octobre prochain à Maskinongé, où Marie-Anne Gaboury vécut paisiblement jusqu'à l'âge de 26 ans.

Le destin de la jeune femme chavire à l'hiver de 1806 quand elle épouse un certain Jean-Baptiste Lagimodière, de retour d'une expédition de fourrures dans l'Ouest. Jamais jusque-là une femme occidentale n'était allée au-delà du Témiscaminque. C'est donc la stupéfaction quand la jeune femme décide aussitôt de suivre son époux dans sa prochaine équipée. La route suivie est la même depuis le XVIIe siècle: de Montréal par l'Outaouais, puis au sud-ouest par d'éreintants portages jusqu'à la baie Georgienne et, de là, aux confins du lac Supérieur. Ce n'est qu'à l'automne que le couple parvient au campement métis de Pembina (Dakota du Nord). Si Jean-Baptiste y retrouve des connaissances, c'est un autre monde que découvre pour sa part Marie-Anne, à la fois sauvage, violent et débauché.

Dès son premier hivernement à Pembina, Marie-Anne donne naissance à une fille. Les Lagimodière s'enfoncent ensuite dans la plaine, jusqu'aux rivières Qu'Appelle et Saskatchewan Nord, approvisionnant les postes de traite en fourrures et en pemmican, cette galette de graisse de bison mêlée à de petits fruits, l'aliment de base dans l'Ouest. Ils bourlinguent ainsi quatre années, poussant même jusqu'en Alberta actuelle. Femmes et enfants sont partie prenante des expéditions de chasse même si, entre temps, Marie-Anne a trois autres enfants dont l'un nait prématurément au terme d'une embardée à cheval.

À compter de 1811, les Lagimodière chassent le long de l'Assiniboine pour le compte de la colonie de fort Garry (Winnipeg). Au plus fort de la guerre totale opposant les compagnies du Nord-Ouest et de la Baie d'Hudson, ils trouvent refuge chez les Indiens. Une fois la paix revenue en 1821, la famille se consacre désormais à l'agriculture et construit enfin une maison: la première que le couple ait connue depuis leur départ de Maskinongé, quinze ans auparavant. Neuf enfants y grandiront: quatre garçons et cinq filles. L'une d'elles, Julie, épouse en 1844 un Métis de Portage-la-Prairie où elle donne naissance la même année à un fils: Louis Riel.

Marie-Anne Gaboury Lagimodière vécut encore jusqu'en 1875, atteignant l'âge vénérable de 95 ans, vingt ans de plus que son époux Jean-Baptiste décédé en 1855. Elle vécut assez longtemps pour assister à l'essor du peuple métis, aux grandes chasses aux bisons, aux caravanes de charrettes partant vers l'Ouest. Puis elle vécut encore pour voir son petit-fils Louis Riel revenir éduqué de Montréal, rallier son peuple, organiser un gouvernement métis et fonder le Manitoba.

Hélas, elle vécut encore assez pour assister, sans doute inquiète, à la marche impériale des colons britanniques s'apprêtant à fondre sur ce peuple unique que Marie-Anne Gaboury avait pratiquement vu naître.

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