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Le faux dilemme : croissance contre climat

On oppose souvent à tort les objectifs de développement économiques à ceux du changement climatique.
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CLIMAT - L'un des trois rendez-vous phares pour la coopération internationale de l'année 2015 s'est tenu à Addis-Abeba la semaine dernière avec la conférence internationale sur le financement du développement, dont l'objectif était de définir comment financer les objectifs de développement durable pour les 15 prochaines années (notamment la lutte contre la pauvreté, les inégalités, et le changement climatique).

A l'occasion de ce premier grand rendez-vous de l'année (les deux suivants seront l'adoption des Objectifs du Développement Durable à New York en septembre, et la COP21 à Paris en décembre), revenons sur le faux choix qu'il faudrait faire entre développement économique et changement climatique.

Le faux dilemme

On oppose souvent à tort les objectifs de développement économique à ceux du changement climatique. Le développement serait une question de survie, la préservation du climat serait un luxe. Le développement serait une préoccupation de pauvres, l'environnement un problème de riches. Plus encore, la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre serait défendue par les pays du Nord pour empêcher les pays du Sud de se développer. Bref, les mythes ne manquent pas.

Or, la réalisation des objectifs de développement, de croissance et de réduction de la pauvreté dépend directement de l'état de la planète. Ces mythes, non seulement sont erronés, mais ils sont aussi dangereux, car leurs partisans feignent d'ignorer que le dérèglement du climat affectera la vie de millions de personnes en termes d'accès à l'eau, de production de nourriture, de sécurité et d'accès aux soins, risquant ainsi d'annuler de fait les effets des politiques de développement !

La vraie alternative

A défaut d'une réduction forte et immédiate des émissions de gaz à effet de serre « notre prospérité future et l'idée même de progrès seront fortement menacées » écrivent Lord Stern et Jean-Pascal Tricoire dans l'avant-propos de La Nouvelle économie climatique, rapport paru l'année dernière. « Tous les pays, quel que soit leur niveau de revenu, peuvent s'assurer une croissance économique durable tout en contribuant à réduire les risques immenses que pose le changement climatique » peut-on également lire dans ce rapport dont l'objectif est d'aider les politiques à prendre des décisions avisées pour parvenir à la prospérité et au développement tout en luttant contre le changement climatique.

Alain Grandjean (économiste et fondateur du cabinet Carbone 4) et Pascal Canfin (ancien ministre du développement et conseiller pour le climat au Word Resources Institute) ne disent pas autre chose dans leur rapport rendu au Président Hollande le 18 juin dernier : « la transition vers une économie bas-carbone constitue une solution pour sortir par le haut de la situation macroéconomique et macro-financière mondiale ».

Au lieu de dilemme, on se trouve devant une vraie alternative. Car des transformations économiques structurelles sans précédent auront de toute façon lieu au cours des 15 prochaines années : 90 000 milliards de dollars américains seront investis dans des infrastructures dans les villes, l'usage des sols ou les systèmes énergétiques. C'est ici que l'alternative se présente : soit, ces investissements renforceront des économies déjà polluantes et exacerberont le risque climatique, soit, au contraire, ils poseront les bases d'une croissance bas-carbone.

Une croissance bas-carbone

Il appartient à nos gouvernements de prendre les bonnes décisions, dès maintenant, pour que les négociations sur les objectifs de développement, celles sur le climat, et celles sur leurs financements s'articulent autour de trois concepts.

Complémentarité. Les politiques climatiques ont, pour la plupart, des co-bénéfices en matière de développement (transport propre, énergie renouvelable, etc.) et promettent des retours sur investissement « attractifs en termes de croissance, d'emploi et de bien-être » selon le rapport de la Nouvelle économie climatique. A l'inverse, « nombre des réformes politiques et institutionnelles nécessaires pour revitaliser la croissance et améliorer le bien-être peuvent aussi réduire le risque climatique ». Les objectifs climatiques et de développement doivent donc être pensés comme complémentaires.

Alignement. Il est nécessaire d'aligner l'ensemble des politiques publiques sur les objectifs climatiques. Selon la CDC climat et l'Ademe : « la transition requiert que les politiques dans leur ensemble deviennent systématiquement climato-compatibles » et cohérentes avec l'objectif de limiter le réchauffement à 2°C. Cet alignement pourrait par ailleurs contribuer à envoyer des signaux clairs en direction des acteurs financiers privés et ainsi encourager l'investissement dans les projets bas-carbone. A termes, il ne devrait plus y avoir des politiques climatiques mais des politiques publiques pour un développement durable.

Additionnalité. La transition vers d'une économie bas-carbone demande bien sûr au départ un effort financier supplémentaire. Les financements du climat, qui constituent un chapitre des négociations qui aboutiront à Paris lors de la COP21, doivent donc être pensés comme additionnels aux financements du développement : ils doivent prendre en charge le coût supplémentaire pour que les infrastructures construites dans le cadre de politiques de développement puissent être bas-carbone. A cet égard il est important que les pays développés tiennent leur promesse faite à Copenhague en 2009 de mobiliser 100 milliards de dollars américains par an à partir de 2020.

Dans les grands rendez-vous internationaux, comme dans l'élaboration des politiques nationales, il faut veiller à ce que climat et développement ne soient pas opposés, mais bien pensés de façon complémentaire et alignée. Si nous voulons nous offrir une prospérité durable à nos enfants, il faut repenser en profondeur notre modèle de développement pour permettre une croissance inclusive, juste et durable, non seulement en Occident mais partout sur la planète.

La Fondation Jean-Jaurès et la Fondation européenne d'études progressistes (FEPS) ont lancé le projet "Progressistes pour le climat", alors que la France accueillera en décembre 2015 la COP21, conférence internationale décisive sur le changement climatique.

A travers le site progressistespourleclimat.fr, elles accueillent le débat sur les enjeux politiques et sociétaux de la lutte contre le changement climatique et font entendre des voix progressistes sur le sujet, afin de contribuer à la construction d'un avenir bas-carbone, respectueux de l'homme et de l'environnement .2015-01-14-HuffPostBanGr5.jpg

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