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Autopsie d'un désastre 20 ans plus tard

Le mois de juillet qui vient marque le 20e anniversaire du déluge du Saguenay. Pendant que tous les regards seront tournés vers les Jeux du Brésil, gardons l'œil ouvert au-dessus de nos têtes.
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J'étais fébrile ce matin-là. C'était mon premier quart au poste de temps violent. Le Québec n'est pas l'Oklahoma. Les tornades sont beaucoup moins nombreuses. Mais quand même. Fallait rester vigilant. Pendant que le monde avait les yeux tournés sur les Jeux Olympiques qui s'ouvraient à Atlanta, mes yeux à moi étaient rivés sur de curieuses données de pluie provenant du Saguenay. J'ai d'abord cru que la station automatique était défectueuse. Les chiffres n'avaient pas de sens. Un coup d'œil au radar du Lac Castor confirma mes craintes. Ce n'était pas un orage. Mais bien pire.

Le super amas orageux qui faisait du surplace dans le Saguenay avait un nom. Ce nom fait trembler les météorologistes les plus aguerris: mégacyclone. Au Centre météorologique du Québec, un édifice grisâtre bardé d'antennes à Ville Saint-Laurent, la journée allait être longue. On était le 19 juillet 1996. En plus, pas de veine, j'avais oublié mon lunch.

Plus les rapports météo et les observations rentraient, et plus mes collègues et moi étions conscients que quelque chose d'inhabituel se passait. Nous savions que la pluie allait être abondante. L'air était très instable et humide. Et le système dépressionnaire, très puissant. Toutes les conditions étaient réunies pour une tempête parfaite sur le Québec en vacances. Une tempête qui se serait trompée de saison. Quand j'ai relevé mon collègue au poste-radar, j'étais loin de me douter que j'allais assister en première ligne à la plus grande catastrophe naturelle de l'histoire du Canada.

Prudents, nous avions osé le chiffre de 100 millimètres dans nos prévisions. Il en est tombé le double. L'équivalent des chutes du Niagara pendant deux mois. C'était la première fois au pays qu'un désastre naturel causait 1 milliard $ en dommages. Le phénomène était si incroyable que tout le monde est monté au front les jours suivants pour affirmer que l'évènement était exceptionnel et très rare. Le premier ministre de l'époque, Lucien Bouchard, déclara qu'un tel déluge ne se produisait qu'une fois tous les 1 000 ans. Les climatologues du fédéral, eux, parlaient de 100 ans. Pour leur part, des universitaires disaient 30 ans. La vérité est que... personne ne le sait. Avec le climat qui change, c'est aussi nos repères et nos «normales» qui prennent le bord.

Après le déluge du Saguenay, une commission d'enquête, deux campagnes de charité et trois spectacles hommage plus tard, l'opinion publique est passée à un autre sujet. Pourquoi s'en faire? On ne reverra jamais un désastre naturel semblable. On avait tort. Deux ans plus tard, une catastrophe dix fois plus dévastatrice a mis le Québec à genoux: le grand Verglas.

Le mois de juillet qui vient marque le 20e anniversaire du déluge du Saguenay. Pendant que tous les regards seront tournés vers les Jeux du Brésil, gardons l'œil ouvert au-dessus de nos têtes.

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