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La pensée magique

Comment expliquer que la Société canadienne de l'asthme, qui milite pour la santé respiratoire, puisse se prononcer en faveur de la construction d'oléoducs?
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Dans un billet d'opinion publié par La Presse+ le 6 juillet, Stephen Eyre et Suzan Waserman, respectivement président du conseil d'administration et présidente du comité médical et scientifique de la Société canadienne de l'asthme, affirment que «les oléoducs offrent une bouffée d'air frais». Ah bon! Ce qu'on ne voit pas ne pourrait donc pas faire de mal? Parce que le pétrole est enfoui dans un tuyau sous terre? Moi qui croyais qu'un «comité médical et scientifique» était tenu d'examiner tous les faits avant de se prononcer. En d'autres mots, que la pensée magique n'avait pas sa place dans un comité scientifique!

De façon extrêmement restrictive, il est vrai que le pétrole ne produit pas de gaz à effet de serre (GES) pendant son transit dans le tuyau. Mais c'est jouer à l'autruche que de nier la quantité de GES produite en amont et en aval de l'oléoduc.

Avant de faire passer le pétrole dans le tuyau, il a quand même bien fallu l'extraire, et pour produire entre 2,5 et 3 barils de pétrole issu des sables bitumineux, on dit qu'il faut brûler un baril de pétrole conventionnel! Alors qu'Énergie Est entend transporter 1,1 million de barils par jour, comment la Société canadienne de l'asthme peut-elle ignorer la quantité phénoménale de GES (et d'autres contaminants) qui sera ainsi rejetée dans l'air? Et cela sans compter les émissions de la raffinerie à la sortie du tuyau, ni celles qu'entraînera inévitablement la consommation de ce pétrole. Tous ces GES n'affectent-ils pas la qualité de l'air?

Comment expliquer qu'un organisme qui milite pour la santé respiratoire puisse se prononcer en faveur de la construction d'oléoducs? Quiconque se préoccupe de la qualité de l'air et de ses effets sur la santé pulmonaire devrait pourtant savoir que l'air circule d'un bout à l'autre de la planète via les vents et le courant-jet.

Décidément, les représentants de la Société semble porter les mêmes œillères que le gouvernement Harper et que l'Office national de l'énergie (ONÉ). Nier l'existence du problème de la production de GES à chaque extrémité de l'oléoduc relève de la pensée magique.

Avant de qualifier l'oléoduc de «méthode la plus sécuritaire», j'inviterais les auteurs à demander leur avis aux citoyens de Mayflower (Arkansas) et à ceux de la région de Winnipeg, qui ont eu la surprise de voir le gazoduc de TransCanada exploser sous la rivière LaSalle, ainsi qu'aux riverains de la rivière Kalamazoo, au Michigan, ou, tout récemment, aux habitués d'une plage de Californie souillée par le pétrole de la Line 901 de Plains All American Pipeline.

Selon M. Eyre et Mme Waserman, «plusieurs facteurs affectent la qualité de l'air», dont la «congestion routière». Comment peuvent-ils alors prôner la construction d'une infrastructure qui nous condamnera à vivre pendant au moins quarante ans avec la combustion massive de pétrole, c'est-à dire avec sa pollution et sa production massive de GES en amont et en aval de l'oléoduc?

S'ils désirent réellement que «nos citoyens puissent respirer plus aisément» et veulent vraiment éviter les décès dus à «une crise d'asthme évitable déclenchée par la mauvaise qualité de l'air», il est impératif qu'ils abandonnent la pensée magique... et fassent plutôt la promotion des énergies propres et renouvelables.

Mais peut-être la promotion des énergies vertes entre-t-elle en contradiction avec les intérêts de certains des commanditaires de la Société, qui sont partenaires de TransCanada Pipelines? En publiant ainsi une opinion «scientifique» dans La Presse+ sans mentionner ce possible conflit d'intérêts, les auteurs contreviendraient-ils au principe n° 7 du Code de conduite («HonCode») auquel en principe ils adhèrent?

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