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La mondialisation des envahisseurs

L'arrivée de superpétroliers à Sorel-Tracy fait planer un autre danger potentiel sur la qualité des eaux du Saint-Laurent. Les porte-paroles de l'industrie font bien attention de ne pas attirer l'attention de la population sur les problèmes environnementaux liés aux eaux de ballast.
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L'arrivée de superpétroliers à Sorel-Tracy fait planer un autre danger potentiel sur la qualité des eaux du Saint-Laurent. Les porte-paroles de l'industrie font bien attention de ne pas attirer l'attention de la population sur les problèmes environnementaux liés aux eaux de ballast.

En effet, un navire, lorsqu'il est chargé, s'enfonce dans l'eau, ce qui le rend stable. Mais lorsqu'il est vide, il flotte à la surface comme un bouchon, et il devient instable; son hélice et son gouvernail peuvent même sortir partiellement de l'eau. Pour éviter ce problème, on ajoute du ballast; autrefois, c'était du gravier; aujourd'hui, on utilise des milliers de tonnes d'eau.

Donc, lorsqu'un superpétrolier, comme le Genmar Daphne, prend son chargement de bitume albertain à Sorel-Tracy, il « dompe » ses eaux de ballast. Ces eaux ont été pompées dans un port (avec tout ce qui s'y retrouve!) à l'autre bout du monde lorsqu'il a déchargé sa cargaison précédente. En théorie, et selon la réglementation, le pétrolier devrait vidanger ses eaux de ballast en haute mer, mais le fait-il? Y a-t-il des inspections d'eau de ballast à Sorel-Tracy? Si ces inspections sont aussi efficaces que celles qui régissaient la voie ferrée de la MMA, les produits chimiques, les micro-organismes et les larves d'organismes marins de ce port lointain risquent de se retrouver dans le lac Saint-Pierre.

C'est probablement de cette manière qu'une espèce envahissante comme la moule zébrée a été introduite « accidentellement » dans les Grands Lacs. Il y a plusieurs de ces espèces exotiques indésirables dans notre environnement; entres autres, la berce du Caucase, la châtaigne d'eau, la salicaire pourpre, le phragmite, la coccinelle asiatique, la renouée japonaise, l'agrile du frêne et le nerprun cathartique.

Les espèces envahissantes ont été introduites dans notre environnement, soit par erreur, soit par le domaine de l'horticulture ornementale, l'aquaculture ou par des personnes qui voulaient faire une expérience limitée sur leur propriété; mais des individus de ces espèces exotiques se sont échappés dans la nature. Ces espèces envahissantes ont plusieurs points en commun. Elles ont peu ou pas d'ennemis naturels; elles se multiplient de façon exponentielle; elles accaparent les ressources alimentaires ainsi que l'espace des espèces indigènes. Leur prolifération nous oblige à nous en débarrasser, ou du moins à limiter leur expansion. Malgré ces efforts, cela amène des pertes économiques importantes; par exemple, Hydro-Ontario et les municipalités situées en bordure des Grands Lacs doivent dépenser des millions pour enlever les moules zébrées qui encombrent leurs prises d'eau.

Dans notre vallée du Saint-Laurent, il serait intéressant de faire un parallèle entre les espèces exotiques envahissantes et le pétrole issu des sables bitumineux. Les deux nous arrivent sans invitation et perturbent notre environnement. Tout comme la moule zébrée, les blocs-trains de pétrole prolifèrent, depuis quelques années, sur les voies ferrées de Varenne, de Saint-Hyacinthe ou même à Lac-Mégantic où les vieux wagons DOT-111 ont explosé. Maintenant, les superpétroliers circulent sur le fleuve jusqu'à Sorel-Tracy et y délestent leurs eaux de ballast avec leur contenu. Encore une fois, ces intrus nous apportent toutes sortes de problèmes qui nous coûtent temps et argent pour les contrôler.... sans aucun effet économique bénéfique.

Le CQEEE (Conseil québécois des espèces exotiques envahissantes) nous demande de «(...) collaborer à freiner l'introduction d'espèces exotiques vivantes dans le fleuve et son bassin versant afin de protéger la biodiversité du fleuve». Cette précaution élémentaire devrait s'appliquer aux eaux de ballast des pétroliers! Nous avons besoin de garanties qu'il n'y aura pas de navires délinquants. Mais pourrons-nous éviter de nous faire envahir par une des pires des espèces exotiques envahissantes, c'est-à-dire le pétrole des sables bitumineux albertains?

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