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Jason Kenney et le «Quebec bashing»

En matière de Quebec bashing et de chantage de la péréquation, M. Kenney n'en est pas à sa première controverse.
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Jason Kenney, nouveau chef du Parti conservateur uni de l'Alberta.
Chris Wattie / Reuters
Jason Kenney, nouveau chef du Parti conservateur uni de l'Alberta.

« Je déteste de plus en plus le Québec »; c'est le gros titre que l'on retrouve à la page 41 du Journal de Montréal du 28 octobre.[1] Dans le cadre de ce vent hostile venu de l'ouest, nous voyons également que M. Jason Kenney, nouveau chef du Parti conservateur uni de l'Alberta, casse du sucre sur le dos des Québécois pour améliorer ses chances de devenir premier ministre de l'Alberta. À l'émission radio d'Éric Duhaime, il propose de punir les Québécois qui ont osé s'opposer au pipeline Énergie Est et suggère entre autres de tenir un référendum pour abolir les paiements de péréquation. Cette approche pugnace ferait possiblement monter sa cote de popularité parmi les « rednecks » qui croient que tous les Québécois sont des « BS ». Il a répété le même discours lors de l'émission Midi-info de Michel C. Auger. Plutôt que d'adapter les politiques de sa province pour faire face à la réalité du 21 siècle et aux défis que pose l'ère des changements climatiques, M. Kenney préfère utiliser les Québécois comme souffre-douleurs.

Lorsque le projet Énergie Est a été mis au rancart, je peux comprendre sa déception. Mais je n'ai pas entendu M. Kenney, ni ses congénères, utiliser ce même langage hargneux lorsque M Christy Clarke, ex-Première ministre de la Colombie-Britannique, de nombreux groupes citoyens et des Premières Nations se sont opposés au projet d'oléoduc Northern Gateway qui aurait transporté le ditbit albertain jusqu'au port de Kitimat parce qu'il comportait trop de risques environnementaux et pas assez de retombées économiques. Présentement, le nouveau gouvernement de Victoria, de nombreux groupes environnementaux et les Premières Nations sont en train de bloquer l'expansion du pipeline TransMountain; s'ils réussissent, ce sera le deuxième oléoduc destiné à alimenter les marchés asiatiques qui serait mis au rancart. Est-ce que M. Kenney va également menacer d'enlever la péréquation à la Colombie-Britannique? De plus, je ne l'ai pas entendu s'indigner lorsque le conseil de la ville de Portland (Maine) s'est opposée au projet de transport du ditbit albertain par le pipeline Trailblazer et celui de la ligne 9B.

Comme ce qui est bon pour pitou est censé être bon pour minou, pourquoi ne blâme-t-on pas M. Robertson avec la même virulence que M. Coderre?

Selon l'article de la page 43 du Journal de Montréal, le maire Coderre serait l'homme le plus haï de l'Ouest canadien. On lui reproche de vouloir protéger l'eau de la région de Montréal. Pourtant, le maire Gregor Robertson, de Vancouver, veut lui aussi protéger l'eau du fleuve Frazer et de son port. Comme ce qui est bon pour pitou est censé être bon pour minou, pourquoi ne blâme-t-on pas M. Robertson avec la même virulence que M. Coderre? On traite M. Coderre d'hypocrite pour son souci de protéger l'eau en lui lançant à la figure le « flushgate » de 2015. Il est vrai que les photos du déversement temporaire durant la réparation d'une canalisation n'étaient pas ragoûtantes! Mais les Canadiens de l'Ouest ne blâment pas la ville de Victoria qui déverse toutes ses eaux usées dans l'océan sans aucun traitement depuis des années. Faudrait-il croire que, pour les personnes qui déversent leur fiel sur les Québécois dans la série d'articles du JdM, les matières en suspension des égouts de Victoria sentent le parfum? Si M. Kenney et ses semblables n'utilisent pas systématiquement les mêmes arguments hargneux envers leurs voisins de Colombie-Britannique, force est de conclure qu'ils s'adonnent à un Quebec bashing qui flirte dangereusement avec la francophobie.

À titre d'ancien membre du cabinet de M. Harper, M. Kenney doit savoir que la péréquation fait partie de la Constitution de 1982. En proposant de faire du chantage économique avec la péréquation, il sait qu'il s'éloigne dangereusement de la réalité de notre pays. Dans le débat au sujet de l'unité nationale, cela s'appelle jouer avec le feu!

À son achèvement, le projet Énergie Est aurait fourni seulement 33 emplois permanents.

M. Kenney et les Albertains veulent des emplois pour leur province; nous aussi! À son achèvement, le projet Énergie Est aurait fourni seulement 33 emplois permanents. L'épicerie où je fais mes emplettes fournit plus d'emplois que ça! Et cette épicerie ne peut polluer le Saint-Laurent ni créer des milliers de nouveaux chômeurs.

Il faut se souvenir que depuis plus d'une décennie, les gouvernements d'Ottawa et d'Edmonton ont parié que l'exportation d'une seule ressource naturelle, sans raffinage, serait la clé de voûte de notre économie. Au 19 siècle, la vente d'une seule matière première, sans valeur ajoutée, était déjà périmée; une économie mono-industrielle est toujours dépendante de la fluctuation des prix à l'échelle mondiale. Tant que les cours du pétrole se maintenaient au-dessus de la barre de 80 dollars, cela fonctionnait, même si le dollar canadien était gonflé aux stéroïdes anabolisants. La parité avec le dollar américain a nui à nos industries forestière, touristique, agricole et manufacturière en les rendant hors prix chez nos partenaires commerciaux, surtout aux États-Unis. Cette non-compétitivité, découlant de la politique albertaine, fut tellement dévastatrice que même l'Ontario, traditionnellement le château fort de l'économie canadienne, a dû recevoir de la péréquation pour la première fois de son histoire.

Cette politique archaïque a fait perdre des milliers d'emplois dans d'autres secteurs de l'économie canadienne. Et arriva ce qui devait arriver, la chute brutale des prix du pétrole en 2014-2015. À l'ère du pic pétrolier, Énergie Est n'était plus nécessaire.[6] [7] Cette fois, c'est l'Alberta qui a écopé de ses mauvais choix économiques. Pour M. Kenney et ses congénères, il est plus facile de se servir des Québécois comme boucs émissaires, plutôt que de diversifier leur économie à la manière du 21 siècle. L'ère du pétrole tire à sa fin. En matière de Quebec bashing et de chantage de la péréquation, M. Kenney n'en est pas à sa première controverse. Puis-je rappeler à tous les Mister Kenney de l'Ouest que nous n'avons pas besoin de l'argent des Albertains... tant que leurs politiques désuètes ne viennent pas démolir notre économie.

Avril 2018

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