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ALÉNA: il ne faut pas plier parce qu'un « bully » nous met le couteau sur la gorge

Cette négociation de libre-échange doit être un exercice gagnant-gagnant pour les trois partenaires, pas seulement pour les États-Unis.
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Plutôt que de proposer un protectionnisme primaire comme solution aux problèmes des victimes d'une économie américaine défaillante, Trump devrait remettre en question certains dogmes du capitalisme néo-libéral.
Jonathan Ernst / Reuters
Plutôt que de proposer un protectionnisme primaire comme solution aux problèmes des victimes d'une économie américaine défaillante, Trump devrait remettre en question certains dogmes du capitalisme néo-libéral.

À la suite des demandes insistantes du président Trump, une renégociation de l'ALÉNA (Accord de libre-échange nord-américain) doit commencer d'ici quelques semaines. Comme le « gouvernement fédéral a annoncé qu'il prolongerait ses consultations publiques » au sujet de cet accord, je me permets d'exprimer mon point de vue de simple citoyen. Sans être un économiste, je crois que nous devons faire front commun au cours de ces négociations qui s'annoncent particulièrement difficiles.

Comme citoyen, il y a plusieurs situations qui me préoccupent. Faute d'espace, je vais les énumérer sans m'attarder longuement sur chacune. En premier lieu, les querelles récurrentes au sujet du bois d'oeuvre. Pour la énième fois, l'industrie du bois des É.-U. se plaint de supposées pratiques déloyales par les Canadiens et les Québécois. Pourtant, les tribunaux finissent par donner raison aux Canadiens. Dans ce cas, pas question de céder un pouce. La théorie veut que le libre-échange serve les intérêts des consommateurs des deux pays; si les producteurs américains ne sont pas concurrentiels, tant pis pour leurs jérémiades non fondées.

Se nourrir est un besoin essentiel; protéger notre indépendance alimentaire par le biais de notre agriculture n'est pas un caprice, c'est vital.

Ensuite, le maintien de notre agriculture grâce à la gestion de l'offre. Si on permet que des fermes-usines de 10 000 vaches soient sur un pied d'égalité avec nos fermes familiales de 100 têtes, oui, les mégafermes pourront couper les prix... pour un moment. Ensuite, attention à des fluctuations de prix semblables à celles des prix de l'essence. Après la banqueroute de milliers de fermes (sans oublier les pertes d'emplois de l'agroalimentaire), nous ne pourrons plus nous nourrir, et nous serons à la merci d'un cartel américain. Se nourrir est un besoin essentiel; protéger notre indépendance alimentaire par le biais de notre agriculture n'est pas un caprice, c'est vital.

L'exportation massive de l'eau est un autre enjeu majeur. Présentement, une opinion juridique (parfois contestée) veut que l'eau non embouteillée ne soit pas visée par l'ALÉNA. Mais il faut se rappeler que tout le sud-ouest des É.-U. fait face à une grave pénurie d'eau qui met en péril l'« American way of life ». De gigantesques projets tels que NAWAPA et Grand Canal sont prêts à chambouler l'hydrographie des bassins versants au niveau continental. Par exemple, le projet Grand Canal, de l'ingénieur Thomas Kierans, bloquerait la Baie-James, puis pomperait jusqu'à 13 000 m/sec d'eau vers le sud et l'ouest des É.-U.; même la Californie serait abreuvée par l'eau du nord. Robert Bourassa a fait la promotion de ce projet.Tout comme le BAPE 142, le Conseil des Canadiens s'oppose à l'exportation massive de notre eau.

Les règles du jeu, imposées par les Américains, rendent nos équipes canadiennes non compétitives dans la LNH. Cette perte de contrôle est une aberration!

La culture, c'est ce que nous sommes comme «Canadians» et comme Québécois; en aucun cas, les moyens techniques et financiers ne doivent tomber sous le contrôle d'étrangers. L'exemption culturelle est non négociable. C'est la position du Conseil des Canadiens et du premier ministre Couillard pour le côté francophone. À titre d'exemple, le hockey est notre sport national; ça fait partie de notre culture d'un océan à l'autre. Pourtant, des bonzes de la ligue nationale, comme M. Bettman, ont décidé que notre sport, le hockey sur glace, doit se jouer dans le désert torride de l'Arizona plutôt que dans la ville de Québec. Pour les Américains, notre sport est un simple divertissement parmi d'autres; pour nous, cela nous tient aux tripes. Les règles du jeu, imposées par les Américains, rendent nos équipes canadiennes non compétitives dans la LNH. Cette perte de contrôle est une aberration!

Selon le C. D. Howe Institute cité par le Conseil des Canadiens, les demandes de M. Trump contiennent au moins 4 bombes.[7] La plus préoccupante porte sur le Mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (Investor State Dispute Settlement ou ISDS en anglais). Ces clauses de l'ALÉNA permettent à une compagnie de poursuivre un état, une province ou une ville qui ose protéger son milieu. Le meilleur exemple de ce déni de démocratie, c'est la poursuite de 250 millions de dollars intentée par Lone Pine Resources. Cette compagnie allègue qu'elle a subi des pertes parce que la loi 18 du gouvernement Charest, promulguée en juin 2011, interdit les forages gaziers dans le lit du fleuve Saint-Laurent. Ce litige doit être tranché d'ici quelques mois.

Au cœur de la politique « America First », les états et les compagnies des É.-U. devront acheter des matériaux et des services de compagnies américaines, mais celles-ci pourront venir soumissionner chez nous tandis que nos gouvernements, tant fédéral que provinciaux et municipaux, devront offrir nos contrats outre frontière. Un « libre-échange » à sens unique, quoi! Par exemple, le pipeline Keystone XL serait exempté d'acheter seulement des tuyaux fabriqués avec de l'acier américain; pour hâter la construction, de l'acier d'origine canadienne pourrait être utilisé. Quelle générosité de la part de M. Trump! Si je peux le paraphraser, « C'est très, très injuste! » (very unfair).

Face à l'élan protectionniste soutenu par le président Donald Trump et à sa politique agressive prônant « America First », la plus grande fermeté s'impose pour les partenaires commerciaux des États-Unis. Si nos négociateurs canadiens capitulent devant les demandes de la « Trump Tower » qui mettraient effectivement fin à notre gestion d'un pays différent des É.-U., alors tirons la conclusion qui s'impose et disparaissons de la carte. Dans son livre publié en 2013, la commentatrice Diane Francis proposait la fusion politique : « Merger of the Century, Why Canada and America Should Become one Country ». [9]. Devant des demandes qui font fi du plus élémentaire « fairplay », il faut se souvenir des paroles du président John F. Kennedy qui disait durant les jours sombres de la crise de Berlin; « You cannot negotiate with people who say what's mine is mine and what's yours is negotiable. »

Cette négociation de libre-échange doit être un exercice gagnant-gagnant pour les trois partenaires, pas seulement pour les États-Unis. Plutôt que de proposer un protectionnisme primaire comme solution aux problèmes des victimes d'une économie américaine défaillante, Trump devrait remettre en question certains dogmes du capitalisme néo-libéral. Quant à nous, on ne peut renoncer ni à nos valeurs ni à notre identité. Plutôt que d'accepter n'importe quoi, mieux vaut gagner du temps avec une impasse dans les négociations. Il ne faut pas plier parce qu'un « bully » nous met le couteau sur la gorge. L'histoire nous enseigne que l'« appeasement » n'est pas une stratégie viable. Après tout, M. Trump ne sera pas en poste éternellement!

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