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À la rescousse de Kinder Morgan

Depuis la chute des prix du pétrole en 2014, ça va mal pour les sables bitumineux.
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Dennis Owen / Reuters

Dans La Presse, on peut lire la manchette suivante : « La décision du gouvernement Trudeau d'acheter l'oléoduc Trans Mountain et tous les actifs de base de Kinder Morgan pour la somme de 4,5 milliards de dollars provoque une avalanche de réactions. »Depuis quelque temps, le projet de Kinder Morgan avait du plomb dans l'aile non seulement sur le plan politique, mais surtout sur le plan économique. Les bonzes de Kinder Morgan ont menacé de se retirer en utilisant l'opposition de la Colombie-Britannique comme excuse. Notre Justin national capitule devant ce bluff et se transforme en chevalier noir qui vole à la rescousse du bitume. Est-ce qu'il croit acheter ainsi l'affection des Albertains qui exécraient la politique énergétique de son père dans les années 70?

Depuis quelque temps, les médias ont fait grand état de l'opposition du gouvernement de la Colombie-Britannique et des Premières Nations à ce pipeline. Mais il y a des nouvelles importantes qui passent souvent sous le radar médiatique. Depuis la chute des prix du pétrole en 2014, ça va mal pour les sables bitumineux. Les coûts de production pour un nouveau projet sont de l'ordre de 80,00$ le baril. Si vous suivez les cotes boursières citées au Téléjournal, vous remarquerez dans le prix inférieur du WCS (Western Canadian Select) un écart fluctuant entre 10,00 $ et 20,00 $ par rapport au prix du Brent ou du WTI (West Texas Intermediate). Ce prix inférieur est directement lié à la piètre qualité du bitume albertain. Coûts de production plus élevés que pour le pétrole conventionnel et prix réduits: une combinaison qui n'est pas gagnante pour les sables bitumineux. De gros joueurs comme Exxon Mobil, Royal Dutch Shell, ConocoPhilips, Total SA et d'autres réduisent ou vendent leurs actifs dans les sables bitumineux; on peut deviner pourquoi.

Où sont les acheteurs? La Chine et l'Inde ont maintenant accès à du pétrole léger moins polluant. Je vous invite à lire la brillante analyse publiée sur le site The Energy Mix: le départ des gros joueurs et par la suite la menace de Kinder Morgan de se retirer ont porté « les politiciens fédéraux et albertains à adopter une réponse irrationnelle et combative qui va à l'encontre des tendances pétrolières mondiales et qui fait fi de toute discipline fiscale. » Dans le journal numérique National Observer, l'économiste indépendante Robyn Allan ajoute ce qui suit : « la compagnie texane – issue des bureaux de la direction de la société Enron – a moussé le projet en pariant que l'Office national de l'énergie, comme créature au service de l'industrie, l'aiderait à camoufler les défis commerciaux du projet. » On se souviendra de la faillite scandaleuse de la société Enron.

L'article du National Observer fait remarquer que le coût d'acquisition de 4,5 milliards de dollars ne comprend pas le prix de construction d'au moins 7,5 milliards; cette aventure coûtera probablement 12 milliards de dollars aux contribuables canadiens, peut-être plus! Et il reste à vaincre l'opposition de la Colombie-Britannique, des citoyens de Vancouver, des environnementalistes et des Premières Nations, ce qui ne sera pas une sinécure! Même l'ancien gouvernement de M. Harper, farouchement favorable au pétrole, aurait probablement laissé les forces du marché agir dans ce dossier. Quant à la promesse de M. Trudeau de revendre le pipeline une fois le projet d'expansion achevé, est-ce qu'il pourra trouver un acheteur, compte tenu des défis commerciaux du projet?

Au lendemain de l'élection de M. Trudeau en 2015, nous nous réjouissions de ses déclarations au sujet de la protection de l'environnement à la suite de la Conférence de Paris. En cette période où les changements climatiques affectent nos vies de plus en plus, comment concilier l'achat et l'expansion d'un pipeline qui auront comme conséquence une augmentation significative des gaz à effet de serre (GES)? Kathryn Harrison, professeure en science politique de la Colombie-Britannique, a très bien résumé le paradoxe de la politique de M. Trudeau : « La production de pétrole en provenance des sables bitumineux est l'une des plus coûteuses au monde. Elle serait donc une des premières à souffrir si une baisse de la demande entraîne une baisse des prix... Ottawa vient juste de parier contre le succès de l'Accord de Paris. »

C'est le pari que Darth Vador Trudeau a fait en achetant Trans Mountain. Il investit les ressources de « l'empire canadien » pour sauver cette compagnie texane d'un désastre financier parce que celle-ci est incapable de s'adapter aux conditions économiques et écologiques de ce début du 21 siècle. Nous avons houspillé M. Trump lorsque celui-ci a rejeté l'Accord de Paris. En se lançant à la rescousse de Trans Mountain, Darth Vador Trudeau a parié que l'Accord de Paris serait un fiasco. Acheter Trans Mountain, c'est acheter un partenariat avec M Trump pour exploiter les énergies fossiles sales.

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