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La législation comme antidote et non comme ferment d'islamophobie

Le législateur a une responsabilité importante pour favoriser la paix sociale plutôt que de semer la discorde par des procédés plus sophistiqués que ceux de Trump, mais d'autant plus pernicieux que leur subtilité peut s'avérer inconsciemment sournoise. Il est impérieux que le gouvernement du Québec rectifie ainsi l'esprit tordu du projet de loi 62« favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État».
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Le législateur a une responsabilité importante pour favoriser la paix sociale plutôt que de semer la discorde par des procédés plus sophistiqués que ceux de Trump, mais d'autant plus pernicieux que leur subtilité peut s'avérer inconsciemment sournoise. Il est impérieux que le gouvernement du Québec rectifie l'esprit tordu du projet de loi 62, « Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État », pour lui substituer un état d'esprit qui aurait auprès de la population les bienfaits contraires aux effets insidieusement islamophobes dudit projet.

Ce projet de loi reconnaît qu'être neutre, c'est « ne pas favoriser ni défavoriser » la pratique religieuse. Sur le plan des sentiments, la neutralité consiste à ne pas avoir de préférence pour telle ou telle façon d'agir. Il s'ensuit qu'en matières importantes, comme celle sur laquelle on croit utile de légiférer, se déclarer neutre, c'est souvent donner l'impression de ne pas avouer ses véritables motivations.

C'est l'impression que donne ledit projet de loi. C'est un secret de Polichinelle que le voile islamique qu'interdit ledit projet ne laisse pas la population indifférente. Il est même chez plusieurs une source d'exaspération prononcée. L'obligation de procéder à visage découvert vise directement la femme musulmane. Le recours discriminatoire au principe de la neutralité religieuse donne donc l'impression d'être une façade masquant le manque de courage pour dire les vraies choses. Ce jeu de cache-cache ne trompe personne. Il nourrit dans la population la pertinence du manque de transparence, de la duplicité, du manque de confiance et de la fuite du dialogue envers les adeptes de la religion musulmane. Pareille attitude de mépris ne peut qu'attiser l'extrémisme islamique.

Le projet de loi est de plus un tissu de contradictions. Il fait tout le contraire de ce que prescrit la neutralité. Il « défavorise » en interdisant le voile, mais en n'interdisant pas les signes religieux chez les représentants de l'État en autorité coercitive, il « favorise ». Ce faisant, il accroît dans la population l'ambivalence à l'égard des manifestations religieuses islamiques et crée un climat délétère.

Le même projet de loi a tout ce qu'il faut pour nourrir à court comme à long terme le ressentiment populaire en faisant en sorte que des passe-droits seront accordés à l'encontre des valeurs québécoises. Compte tenu que la neutralité s'oppose au fait de pénaliser la pratique religieuse, ledit projet prévoit la possibilité d'accommodements, tels le choix du médecin selon son sexe ou la non-mixité sexuelle dans les activités sportives ou les bains publics. Le refus d'accommoder serait débouté en Cour suprême qui trouverait paradoxal et inconstitutionnel de ne pas tout faire pour éviter de « défavoriser » la pratique religieuse, à l'encontre du principe de neutralité pourtant librement choisi par la législation québécoise ! Ce laxisme dans l'ouverture aux accommodements ne peut qu'attiser, cette fois, l'extrémisme chez ceux qui sont attachés aux valeurs québécoises.

Comment légiférer de façon transparente, avouable et conforme à des valeurs partagées ? À cet égard, l'exemple typique du juge portant la kippa lors de l'audition d'un litige entre un intervenant qui se dit athée et un adepte de la religion juive est un cas éclairant. Ce juge ferait planer un doute sur son objectivité. Que le port de signes religieux lui soit interdit, comme le recommande le rapport Bouchard-Taylor, ou permis comme le fait le projet de loi 62, le juge doit prendre position en faveur de l'une ou l'autre partie au litige. Il ne peut rester neutre dans les faits. Il doit prononcer un verdict sans parti pris, en toute impartialité. Et son impartialité est d'autant plus honorable qu'on ne peut exiger d'un magistrat ou de tout citoyen d'être émotionnellement neutre religieusement !

C'est cette impartialité religieuse de l'État qu'on doit viser si l'on choisit d'interdire les signes religieux chez les agents de l'État en autorité. C'est aussi ce même souci d'impartialité religieuse qui doit présider aux trois motifs invoqués par le projet de loi pour rendre obligatoire de procéder à visage découvert, à savoir « la sécurité, l'identification et le niveau de communication ». Ces motifs sont légitimes en ce qu'ils sont susceptibles d'assurer aux croyants comme aux incroyants un traitement juste et transparent dans la qualité des services gouvernementaux.

Le principe de laïcité qu'est la séparation de l'État et de la religion implique que les orientations de l'État et ses services aux citoyens fassent abstraction de leurs convictions religieuses. La laïcité va ainsi de pair avec l'impartialité dans la qualité des services et dans les mesures pour les assurer. L'impartialité a de quoi donner un sens de haut niveau à une législation sur les phénomènes religieux ! Tenir à l'impartialité religieuse de l'État, c'est un choix qui, lui, ne peut aucunement s'avérer honteux, étant tout à notre honneur. Il est aussi dépourvu de duplicité, d'ambivalence, d'animosité actuelle et de ressentiment futur à l'égard de la religion islamique. Il a de quoi contribuer au vivre ensemble dénué d'islamophobie ouverte ou subtile. À l'inverse, ce serait ignorer l'influence des lois sur la mentalité et l'attitude citoyenne que de penser qu'on ne peut pas dire d'une loi, comme on le dit des médias, qu'elle a du sang sur les mains.

Vivement, l'impartialité religieuse de l'État ! Tel est le message que nos lois doivent véhiculer dans le respect du génie de notre langue qui rattache la neutralité à l'abstention ou au laisser-faire et l'impartialité, au fait d'agir avec justice, sans parti pris et en toute transparence. Le principe d'impartialité dessert de plus l'interdiction de l'acception de personne pour motif religieux tel qu'indiqué à l'article 15 (1) de la Charte canadienne des droits et libertés. Ce message d'impartialité pourrait en l'occurrence s'afficher par le libellé suivant : « Loi favorisant l'impartialité religieuse de l'État québécois ».

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